Le pire des mondes
« Le meilleur des mondes » d’Aldous Huxley est un livre fascinant. Sorti en 1931, il fait pourtant preuve d’une étonnante lucidité sur ce que pourrait être l’avenir de l’humanité. L’auteur y dessine un monde qu’il destine à la base aux années 2500, mais, de son aveu après la guerre, « il semble pratiquement possible que cette horreur s’abatte sur nous dans le délai d’un siècle ». Il est assez étonnant, en effet, de constater que l’utopie décrite dans ce livre est désormais bien plausible aujourd’hui, au vu des actuelles orientations de l’humanité.![]() L’apanage de ce monde est donc la sécurité. C’est un ordre parfait, construit sur l’abêtissement et la robotisation de l’homme que mille conditionnements auront pu modeler pour qu’il serve l’économie sans broncher. La notion de révolte est entièrement inconnue car « un Etat totalitaire vraiment efficient serait celui dans lequel le tout-puissant comité exécutif des chefs politiques et leur armée de directeur auraient la haute main sur une population d’esclaves qu’il serait inutile de contraindre, parce qu’ils auraient l’amour de leur servitude », nous dit encore fort intelligemment Huxley. Il est extrêmement facile et légitime d’établir un parallèle entre l’utopie brillamment imaginée par celui qui recevra en 1959 le « Award of Merit for the Novel » par l’Académie américaine des arts et des lettres, et le monde tel qu’il s’oriente aujourd’hui. Pour éviter de faire partie des paranoïaques, c’est point par point que j’essayerai de mettre en exergue les similitudes probables du Meilleur des mondes avec un possible monde de demain : Je pourrais continuer encore longtemps dans ces étonnantes similitudes, mais l’essentiel est dit. Bien sûr, cela pourrait aisément ressembler à de la parano. Cependant c’est une invective qui ne me touche guère car vouloir se préparer au pire est sans doute le meilleur moyen pour s’en préserver. Etre toujours satisfait du monde qui nous entoure, c’est aussi, a contrario, le meilleur moyen pour ne pas apercevoir les prodromes d’un monde affreux et pour être mené à la baguette. Un tel monde serait peut-être stable, sécurisé et ordonné, mais le prix serait la disparition de la liberté. Pour certain, cela vaut le coût ; mais pour nous, c’est un prix bien trop cher. La liberté est le bien le plus précieux de l’humanité, elle est la condition de son véritable bonheur comme de son développement, et je préférerais même qu’elle abandonne à jamais tout droit au bonheur plutôt qu’elle soit un jour réduite à devoir se l’ingurgiter. Or, je ne vois guère que chez le citoyen patriote le véritable rebelle à l’évolution d’un tel monde. En voulant défendre la liberté des peuples, il concourt aussi à la liberté tout court. Alors, que les jeunes lisent Le Meilleur des mondes d’Huxley ! Cela leur permettra de stimuler leurs pensées et leur jugement sur le monde, pour que, qui sait, nous puissions un jour vraiment rêver à un monde... meilleur ? |