Espoir ou piège ?
PAR Ingrid Merckx | |
Ils travaillaient, cotisaient, mais n’avaient droit à rien : les salariés sans papiers en grève depuis le 15 avril pourraient obtenir des régularisations au cas par cas. Serait-ce une brèche dans la politique d’immigration ? EN 1991, JACQUES CHIRAC prononçait son tristement fameux discours sur les désagréments supposément causés aux Français par les immigrés. Son texte sur « le bruit et l’odeur » recadrait la politique française d’immigration dans le sens d’une suspicion décomplexée à l’égard des étrangers. « Nous n’avons plus les moyens d’honorer le regroupement familial, et il faut enfin ouvrir le grand débat qui s’impose dans notre pays, qui est un vrai débat moral, pour savoir s’il est naturel que les étrangers puissent bénéficier, au même titre que les Français, d’une solidarité nationale à laquelle ils ne participent pas puisqu’ils ne paient pas d’impôt ! » Cela, en faisant mine d’ignorer la participation de nombre de travailleurs sans papiers à l’effort national. Dix-sept ans plus tard, les conditions d’accès au regroupement familial ont été considérablement durcies, notamment par la loi Hortefeux du 20 novembre 2007. Et des sans-papiers en arrivent à des situations extrêmes, comme Baba Traoré, Malien de 29 ans décédé le 4 avril à Joinville-le-Pont.
« Cela bouillonnait depuis trop longtemps, estime Claire Rodier, du Gisti. On ne sait pas combien sont les travailleurs sans papiers en France, mais plusieurs milliers sans aucun doute, qui cotisent et paient des impôts. Cette grève, c’est un trop-plein qui pète, et la preuve flagrante de l’échec du dispositif. Elle fait apparaître aux yeux du public la contradiction entre la réalité et la législation. » Dans le prolongement de mouvements comme celui du Réseau éducation sans frontières, cette grève fait émerger des histoires personnelles, des parcours. « Ainsi, résume Claire Rodier, les sans-papiers ne sont plus une masse anonyme mais des personnes qu’on croise tous les jours et dont les situations permettent un autre regard sur l’immigration. » Autre événement, ce mouvement a été soutenu par les syndicats, la CGT en tête, qui tardaient à se mobiliser sur ce front. « Le soutien des patrons est moins surprenant, souligne Claire Rodier. La circulaire de juillet 2007 les a contraints à vérifier les titres de séjour de leurs salariés. Mais ils suivent toujours la même logique : ils ont besoin de ces employés sur qui repose une partie de la dynamique économique. » |