L'ère Sarkozy et le triomphe du cynisme
Cet article a été rédigé par un reporter d'AgoraVox, le journal média citoyen qui vous donne la parole.
Ces derniers temps, beaucoup de gens ont été choqués par les attaques en règle de l’UMP et de Nicolas Sarkozy contre les faibles (franchises médicales, pénalités contre les chômeurs, réemploi de retraités), contre les familles (carte famille nombreuse et allocations familiales), contre les morts et les ambulances (Mitterrand et Chirac…), contre les enseignants et leurs syndicats comme le rapporte Le Canard enchaîné… Concernant les derniers, c’est ce qui explique la provocation présidentielle sur le service minimum le soir de la grève suivie de manifestation du jeudi 15 mai. Et le président n’est pas le seul à faire dans la provocation et l’arrogance en ce moment : Xavier Darcos a ainsi déclaré que les grèves et les défilés ne changeront rien à ses décisions péremptoires, traitant au passage les lycées de bouffons ; quand Santoni propose, lui, un brin moqueur, des brassards à la japonaise aux enseignants grévistes. A quoi il faut ajouter le soutien éhonté aux dictateurs prédateurs (Chine, Tunisie, Tchad…).
Pour tous les honnêtes gens qui ne saisissent pas encore le soubassement idéologique marquant de ce régime, ces comportements paraissent incompréhensibles, irrationnels, voire contraires à la morale la plus élémentaire. Or, quand on comprend la philosophie qui opère à travers ces agissements détestables, tout est d’une clarté et d’une logique implacables. Le maître mot du régime semble être en effet le cynisme. Le leitmotiv du parti UMP et du président (qui n’arrive pas à s’en détacher pour être le président de tous les Français) semble être : « Quoi que vous pensiez, quoi que vous fassiez, nous n’en avons cure ! Nous écraserons les pauvres et nous nous inclinerons toujours devant le riche et le fort. Que cela soit entendu partout où besoin sera ! » Je vais essayer de démontrer, ci-dessous, cette thèse a priori polémique que j’avance, mais qui à vrai dire est soutenue par les faits.
Observateur attentif de la politique française, depuis un an, j'ai eu, comme beaucoup d'autres, un étrange sentiment sur l'action et le comportement de M. Sarkozy et de son gouvernement. La tendance lourde est au cynisme. Ce « scandale spirituel et moral » consistant, selon Peter Sloterdijk, à se montrer intraitable avec les pauvres et les faibles, doux et compréhensif avec les riches et les forts.
Dans sa Critique de la raison cynique, parue en 1983, en Allemagne, publié Chez Christian Bourgeois en 1987, le philosophe allemand, analyse magistralement ce fléau des temps modernes. Pour lever l'équivoque à l'égard de la philosophie cynique de la Grèce antique, il établit une nette distinction entre le cynisme ancien (kunisme) et le cynisme moderne. Tandis que le kunisme, héritage diogénien, était à la fois le rire satyrique, l'insolence révoltée, l'ironie transgressive, l'impertinence agissante, la provocation obstinée du faible contre l'immoralité des forts, le cynisme, lui, désigne l'attitude du fort tombant le masque, pour sourire narquoisement au faible tout en l'opprimant. Le kunique transgressait la morale dans le but de la sauver, le cynique, imbu de son sentiment de noblesse et de sa supériorité, s'arrange avec sa conscience et se moque de toute morale. L'exemple illustratif de ce mépris cynique vis-à-vis du faible, c'est l'attitude attribuée à Marie-Antoinette au moment des soubresauts révolutionnaires contre Louis XVI. S'étant enquise des raisons de l'agitation populaire, la Reine s'est vue répondre : « le peuple a faim ; majesté, il n'a pas de pain ». La réplique de la cynique a été : « Si le peuple n'a pas de pain, pourquoi ne mange-t-il pas des brioches ? » Ceci est un résumé saisissant de l'esprit cynique.
Après ce préambule, je voudrais montrer en quoi le régime de M. Sarkozy accomplit ce triomphe du cynisme moderne actuellement.
Depuis l'entrée en fonction de M. Sarkozy, on se rend compte que sa campagne électorale a été une accumulation de promesses intenables, un foisonnement de discours simplistes et d'argumentaires à l'emporte-pièce dont le but était juste électoral et enfin un cafouillage idéologique voulu et savamment orchestré. Au final, on peut dire que les Français ont été trompés de bout en bout. Vous me direz « ils n'ont qu'à s'en prendre à eux-mêmes ». Soit !
On dit, a posteriori, que ce flou idéologique a été l'œuvre de H. Guaino, l'idéologue du président. Mais est-ce à l'insu du plein gré de M. Sarkozy. On peut sincèrement en douter. Toujours, est-il, qu'à deux, ils ont instrumentalisé, par exemple, les leaders historiques de la gauche tels que Jean Jaurès, Léon Blum et même Mitterrand. S'il faut leur concéder que Blum et Jaurès appartiennent à l'Histoire de la France, donc à tous, on peut leur rétorquer que ces leaders sont à prendre avec les valeurs et les œuvres qui ont été les leurs. On ne peut les prendre uniquement comme des marchandises à la sauce libérale, comme cela a été le cas pendant ces présidentielles. En effet, si ces derniers étaient chers au cœur de M. Sarkozy, il aurait pu au moins donner leur nom à un square ou à une rue dans sa riche municipalité de Neuilly. Mieux, il aurait, après son élection, protégé les acquis sociaux et politiques, par exemple, de Blum : 39 heures et congés payés, Sécurité sociale pour tous... Au lieu de cela, M. Sarkozy a entrepris de détruire systématiquement ces acquis. Comme dirait Julien Dray, M. Sarkozy aime les leaders de gauche lorsqu'ils sont morts et bien morts, lorsque les valeurs dont ils ont été porteurs se détricotent. Blum et Jaurès sont juste revendiqués par rapport à la lettre, mais pas aux actes.
Il est vrai qu'il récupère aussi des hommes de gauche (politiques et intellectuels) de leur vivant : ex. : André Glucksmann, qui voyait en Sarkozy : le "seul candidat aujourd'hui à s'être engagé dans le sillage de cette France du cœur, qui soutint les boat people vietnamiens, Solidarnosc, les dissidents russes ou les Tchétchènes". Mal lui en a pris, car, sitôt l'élection gagnée, le nouveau président est entré en idylle avec Poutine, dont il disait, pendant la campagne ne pas vouloir serrer la main. Dans les faits, notre président fonctionne depuis son élection suivant une maxime toute simple : « tendre avec les riches et les puissants, dur avec les faibles et les pauvres ».
Ce fonctionnement se vérifie en politique nationale, sur le plan de la politique économique et sociale, mais aussi dans les relations internationales.
Sur le plan national : Nicolas Sarkozy qui a battu campagne, comme candidat des vraies gens, des ouvriers et des sans-voix, n'a rien trouvé mieux à faire qu'à leur faire des pieds de nez : la nuit de son élection, c'est le Fouquet qu'il a choisi pour recevoir ses amis : entre autres, Bernard Arnault, Bouygues, Bolloré, Johnny Hallyday, Christian Clavier, Jean Reno, Bigard... Cela était en soi une indication sur la classe sociale pour laquelle le président entendait gouverner.
Dans la même semaine, c'est un modeste yacht, de son ami Bolloré, louable à 173 000 euros la semaine, en basse saison, que le président a choisi pour sa pause monacale, « pour, disait-il, habiter la fonction ». Passons sur les contreparties éventuelles pour un tel cadeau. Le nouveau président avait vite fait savoir, sans convaincre, il est vrai, que Bolloré n'avait aucun contrat avec l'Etat. Ce qui s'est révélé faux, puisque les tourniquets du métro parisien viennent de chez Bolloré. Mieux, Bolloré, qui exploite le bois africain est le quasi-relais de l'Etat français en Afrique, comme Bouygues le représente dans les secteurs des eaux et les télécommunications ivoiriens et autres... Pour couronner tout, le nouveau président a choisi la station estivale huppée de Wolfeboro (nord-est des Etats-Unis), dans une villa louée par ses amis à 30 000 dollars/semaine, pour, disait-il, « découvrir l'Amérique profonde ». A l'époque, son salaire mensuel, son argent de poche, toutes ses charges étant prises en charge par le Trésor public, était en gros de 6 000 euros par mois. Là aussi, on ne peut ne pas penser à des contreparties.
Sur le plan économique : la première mesure du président est symptomatique également. Le paquet fiscal a été un cadeau indécent fait aux plus riches de la société. A considérer même que les heures supplémentaires puissent bénéficier aux salariés, on peut dire que le paquet fiscal est le moyen par lequel le président soigne le cœur de son électorat, sa classe sociale : les grandes fortunes. On verra d'ailleurs que la suppression de fait de la durée légale du travail, annoncée par le président, le 28/11/2007, à travers la possibilité donnée aux entreprises (employeurs et employés) de négocier la sortie des 35 heures, va rendre caduques les heures supplémentaires. Si la durée légale n'existe plus, cela signifie que tout est permis, comme avant la Libération. Alors, il sera démontré, que le fameux « travailler plus pour gagner plus » ne signifie rien d'autre que travailler sans limite pour gagner moins.
Réforme des régimes spéciaux des retraites : pendant que le gouvernement et le président faisaient passer les chemineaux pour des privilégiés, car pouvant aller en retraite à 55 ans, avec environ 1 500 € mensuels, M. Sarkozy augmentait son propre salaire de 207 %. Et ne pouvant pas penser un instant qu'il n'a pas pensé à cette coïncidence, la conclusion est simple : « pensez ce que vous voulez, je vous em... ».
Pareil pour la promesse non tenue d'augmenter le pouvoir d'achat des plus pauvres, le Smic et les petites retraites notamment.
Non content de leur refuser toute augmentation, le président et son gouvernement transforment les pauvres en vaches à lait. Les franchises médicales introduisent la solidarité entre les malades et non plus entre les biens portants et les malades. C'est inéquitable à souhait. La redevance télé est désormais réclamée aux retraités de plus de 65 ans... A 50 % certes, mais cela reste une régression. Ces retraités ont pourtant voté en masse M. Sarkozy. C'est une drôle de façon de les en remercier. C'est cynique disons ! Dans la société sarkosyste du « travailler plus pour gagner plus », une chose est désormais sûre, chacun devra vivre pour travailler ! Notamment tous ceux qui n'auront jamais assez de salaire pour vivre dignement. Dans cette société du culte du travail pour le grand nombre désargenté et du culte de l'argent pour un petit nombre méritant, les pauvres, englués dans leur quotidien miséreux et laborieux, n'auront guère plus de temps de construire des relations sociales encore moins de solidarité de lutte ; ils ne peuvent que laisser les élites (économiques et politiques) fortunées, jouir de leurs richesses, acquises pourtant grâce à la force de travail des innombrables infortunés. Plus de société de loisirs et de congés pour tous, plus de durée légale du travail, plus donc non plus d'heures supplémentaires, pourtant promises à coup de slogans et de publicités... Plus de vie sociale... Ainsi se réinstaurera la société de classes naturelles dignes du XIXe siècle.
Sur le plan social, la gestion des émeutes de Villiers-Le-Bel révèle la facette cynique du président. Revenu de Chine, à l'époque, il déclara, tel un père fouettard que les émeutes « ont à voir avec la voyoucratie et non avec la crise sociale ». En confondant tous les émeutiers, sans la moindre nuance, comme à son habitude, avec les tireurs de policiers, le président sait qu'il est dans la fausseté mais il n'en a cure. Car la Vérité n'est pas un concept admis dans l'idéologie cynique ; la justice et l'équité non plus d'ailleurs.
La suite le démontrera. Le président a sommé le ministère de l'Intérieur de mettre tous les moyens, sous-entendus, légaux ou pas, pour retrouver les tireurs de policiers. Quelques jours plus tard, la police, tract à l'appui, mettait sur pied la prime à la délation. On se croirait aux Etats-Unis d'Amérique aux temps du Far-West. Mais, lors de ce discours, aucune incitation à faire la lumière sur l'événement déclencheur des émeutes n'a été signifiée par le président. La suite, on la connaît puisque le 18 février, à 6 heures du matin, ce sont 1 200 policiers, accompagnés de centaines de journalistes et caméras, qui investissent Villiers-Le-Bel et ses environs pour arrêter 33 suspects donnés par les délateurs rémunérés. Pendant ce temps, aucune nouvelle sur l'avancement de l'enquête concernant les deux jeunes morts lors de la collision de leur moto avec la voiture de police. Accréditant du même coup la thèse du deux poids deux mesures. Soupçons d'autant plus légitimes que l'enquête bâclée de la police, quelques heures après l'accident meurtrier, n'a pas donné un gage d'impartialité des services de police dans cette affaire. Or, on sait qu'à chaque « bavure » policière, l'enquête approfondie a presque toujours été en contradiction flagrante avec les conclusions de la police.
Il ne faut pas se méprendre sur ce que je veux dire. Qu'il soit dans tous les cas clair, on n'a pas le droit d'utiliser des armes à feu contre les policiers (ni sur quiconque d'ailleurs) qui dans leur grande majorité remplissent leur mission avec courage et abnégation. Les policiers ont d'ailleurs fait preuve de leur sens républicain élevé et d'un sang-froid remarquable en ne ripostant à aucun moment face aux coups de feu les visant. Cela doit être salué.
Cela étant dit, il faut éviter de donner à ces populations des « ghettos » le sentiment de deux poids deux mesures. Devant un tel sentiment tout autre population se révolterait. On a vu des députés, qui ne sont pas les pires voyous, protester à l'Assemblée nationale, contre la dépénalisation des affaires. Effectivement, quel sens de la justice donne-t-on aux gens lorsqu'on enferme à tour de bras les petits délinquants des quartiers défavorisés, à la moindre incartade, quand on fait la chasse aux criminels fraudeurs aux allocations familiales et aux indemnités de chômage, quand au même moment, on absout les crapules aux cols blancs de détournement de millions, voire de milliards d'euros ? Mais raison cynique oblige, c'est toujours facile d'être sévère avec les gens de peu qu'avec les riches.
A moins de vouloir une réplique rapprochée des émeutes du 25 novembre, on ne pouvait pas ne pas se presser de réparer la première fausse enquête de police. Il est vrai qu'on est habitué maintenant à cette attitude absurde de la part de l'Etat et de la police. Lors des événements graves de 2005 aussi, l'enquête sur l'électrocution des adolescents avait été également truquée par la police afin de disculper les policiers. On sait ce qui est arrivé.
Plus généralement, la justice sous le président Sarkozy consiste à enfermer les petits délinquants (loi sur la récidive, loi sur les criminels dangereux, fichage généralisé), à enfermer, en dehors de toute considération de justice, les malades mentaux et les petits trafiquants et à contrario d'absoudre les grands voleurs du cac40 et plus généralement le monde des affaires que chérit le président.
Rachida Dati, maîtresse d'œuvre de la nouvelle politique judiciaire, affirme qu'elle entend mettre sur pied un Etat de sûreté, afin de permettre aux honnêtes citoyens de profiter de leurs biens. Devant le tollé, elle avait fini par dire que si les délinquants sexuels ne se faisaient pas soigner, ce sera la prison définitivement. Mais si c'est derniers sont reconnus ainsi malades, n'est-ce pas à la société, au moment de leur condamnation, de prescrire en même tant que la sentence les condamnant l'obligation de soins ? Seulement, si l'on rapproche les attendus de cette énième loi anti-récidive de ce que le candidat Sarkozy affirmait, aux présidentielles, quant au caractère génétique de la pédophilie et des assassins d'enfants, on comprend que l'obligation de soin n'est qu'un alibi. Encore du cynisme !
Sur le plan des relations internationales : on se rappelle les railleries contre Ségolène Royal lors de sa visite en Chine au moment de la campagne présidentielle. M. Sarkozy avait indiqué que cela était indécent. Celui qui disait avoir un dégoût à serrer la main de Poutine n'a eu aucun problème, juste dans son premier mois de règne, à embrasser et tapoter Poutine dans le dos lors de son premier sommet de G8. Deux mois plus tard, il se rendait en Russie en visite officielle et, sept mois plus tard, il était, seul avec le président du Kazakhstan et Mahmoud Ahmadinejad d'Iran, à féliciter Vladimir Poutine pour le hold-up électoral de son parti aux dernières législatives russes. André Glucksmann, même légèrement sénile, l'apprendra à ses dépens lui qui a soutenu le candidat Sarkozy parce qu'il était le seul à pouvoir s'opposer à Poutine et à défendre les Tchétchènes. Sept mois plus tard, on est abasourdi de voir celui qui disait naguère, en campagne, « avec moi, la France sera du côté des opprimés du monde », à cirer les bottes de Bush, Poutine, les autorités chinoises, et surtout dérouler les tapis rouges et ouvrir les palais de la République à Kadhafi, tortionnaire des infirmières bulgares et du médecin d'origine palestinienne, qui se rendent compte qu'ils ont servi de monnaie d'échange. Il est pourtant prédateur du peuple libyen depuis près de quarante ans.
Mais, là aussi, c'est la même logique cynique qui opère : dur avec les faibles et les pauvres, doux avec la racaille argentée et les puissants, sans aucun égard aux peuples. Le même homme qui va encenser l'Amérique de Bush, qui félicite le tsar Poutine, qui rend visite au timonier Hu Jintao, donne le certificat d'historicité à l'Afrique blanche, fait un triomphe républicain à Khadafi, est le même qui va à Dakar insulter l'Afrique et l'homme noir. Passons sur l'ignorance et le mépris affichés à l'égard de l'Afrique, de son histoire et de ses civilisations.
Et lorsque les intellectuels africains protestent contre l'insulte, ils sont traités par l'idéologue du prince cynique de pseudo-intellectuels, incapables de comprendre une pensée politique profonde. Lui et son maître, si prompts à dénoncer la pensée unique, en France, se sont octroyé le droit quasi divin de tirer des conclusions aussi définitives que péremptoires sur ce qu'est l'Afrique, son histoire, ses civilisations, mais aussi sur ce qu'est l'homme africain. Juger de la prétention du personnage. Les pseudos-intellectuels sont entre autres : Achille Mbembé, universitaire camerounais enseignant aux Etats-Unis et en Afrique du Sud, Alpha Oumar Konaré, historien et ancien président du Mali, Adame Ba Konaré, historienne reconnue et épouse du président Konaré, Amadou Motar Mbow, ancien secrétaire général de l'Unesco, en France, même Dominique de Villepin, Benjamin Stora, Bernard Henri Lévy et tant d'autres... Tous ces gens n'ont aucune importance aux yeux du grand idéologue qu'est Henri Guaino, dont on ne connaît, par ailleurs, pas de travaux intellectuels dignes de ce nom.
On peut dire que M. Sarkozy, qui, naguère, commençait ses discours en disant : « je ne vous trahirai pas, je ne vous mentirai, je dis ce que je fais et fais ce que je dis » depuis douze mois fait exactement le contraire de ce qu'il avait promu. Et la presse étant amnésique depuis fort longtemps, personne ne le met devant ses contradictions. Surtout pas PPDA et Chabot, ses intervieweurs et complices attitrés, véritablement ectoplasmes journalistiques dénoncés comme tels d'ailleurs par le même Sarkozy, en privé, quelques jours après son interview.
A l'Afrique, il avait notamment promis de rompre avec la Françafrique, c'est-à-dire avec le soutien des potentats locaux et les chefs d'Etat prédateurs. Que fait-il ? Il s'accoquine tout simplement avec Omar Bongo, Sassou Nguésso, Abdoulaye Wade, Khadafi, Ben Ali, Deby, qui sont tous loin d'être des exemples de démocrates. Le super machin, Eurafrique, qu'il propose de mettre sur pied à la place de l'ancien machin françafricain, ne sera rien d'autre, dans ce contexte, qu'un autre instrument de domination (Jean-Marie Bockel, éphémère ministre - dit de l'ouverture - de la Coopération, qui avait cru aux promesses de ruptures du candidat l'apprendra à ses dépens...)
A l'égard de l'Afrique, le cynisme atteint encore des sommets inégalés. Notamment avec la nouvelle loi sur l’immigration et son test ADN exclusivement dédié à l’Afrique, pour ne pas dire aux Noirs. Cette loi dite d’immigration choisie stipule entre autres : de l’Europe de l’Est, on ne prendra que des personnes sans qualification et des manuels ; de l’Afrique, elle entend recruter des personnes hautement qualifiées, universitaires, chercheurs, ingénieurs et autres. Quelle hypocrisie, alors ! En effet, c’est le même qui, au Sénégal, en juillet 2007, déplorait la fuite des cerveaux en bonne intelligence avec Me Wade, forge des lois pour piller l’Afrique de ses ressortissants les plus qualifiés. Il y a en fait une visée insidieuse dans cette répartition des emplois : blanchir l’immigration par le personnel non qualifié de l’Est et garder une petite immigration noire qui ne dérangerait pas et qui s’intégrerait facilement eu égard à son niveau social.
Le monde néolibéral, pour ne pas dire bourgeois, que nous propose le président le plus fan de l’Amérique sera un monde où la classe des puissants et des riches s’allieraient pour bien exploiter et sucer le sang des sans-grades de tous les continents. L’idylle de notre président avec les grands affairistes français, avec les plus grands dictateurs tels que Poutine, Hu Jintao, Bongo, Ben Ali, Kadhafi, Deby… préfigure ce monde de la solidarité mondialisée des classes dominantes. C’est pourquoi, c’est à pouffer de rire que d’entendre le président et son idéologue, H. Guaino, nous parler de politique de civilisation et des valeurs morales et religieuses. Le cynisme est en effet aux antipodes des valeurs, de la morale et de l’idée de civilisation au sens de la sociabilité et du vivre mieux ensemble. En réalité, les nouvelles lubies du président, que ce soit la suppression de la Pub des médias publics, la politique de civilisation ou la rengaine sur les apports de la religiosité ou de la spiritualité à la civilisation, ne sont qu’autant de cache-misère. C’est l’écran de fumée qui vise à cacher le désert d’action notamment en faveur du pouvoir d’achat des Français et les trop nombreuses fausses promesses de sa campagne. Si tôt évoqués, ces thèmes sont d’ailleurs immédiatement chassés par de nouvelles fausses pistes.
Il n’y aura qu’une réaction concertée des pauvres et des faibles en face qui pourrait enrayer cette marche macabre. Et cela sera très difficile, pas seulement parce que les puissants ont les médias et la force avec eux, mais aussi parce que le cynique, même puissant, se posera toujours en victime d’un coupable imaginaire. Pour M. Sarkozy, qui est pourtant le dépositaire actuel de toute la puissance de l’Etat, le mal c’est la pensée unique, le pouvoir intellectuel gauchiste, Mai-68, les journalistes aigris, sa rivale malheureuse aux présidentielles, ses prédécesseurs (Mitterrand et Chirac notamment), les petits fraudeurs, les étrangers anti-français… Il est la victime et on lui en veut parce qu’il a réussi. Et il y a malheureusement des pauvres et des sans-grades qui le croiront.