QUI GOUVERNE LA FRANCE ?
Pour en savoir plus sur ces Commissaires qui règnent sur l'Europe
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Commissaire européen (tchèque) en charge de l'emploi, des affaires sociales
et de l'égalité des chances
Vladimir SPIDLA :
LE « SOCIAL » POUR RIRE
Ne le 22 avril 1951 a Prague, Vladimir
Spidla est sorti de l’Universite Charles
en 1976 avec le titre de Docteur en
Histoire et Prehistoire. Comme il l’ecrit
lui-meme, il s’est voulu un
« honnête
homme n'ayant aucune carrière à faire
sous le régime communiste de la
Tchécoslovaquie »
. Il commence donc
sa carriere loin des honneurs : comme
ouvrier de scierie, puis dans l'industrie
laitiere et dans le batiment, avant de
devenir archeologue, conservateur de la
nature et conservateur du patrimoine.
Ses deux passions sont, parait-il, la
conservation des monuments
historiques et la course a pied. A la
difference de son collegue britannique
Peter Mandelson, Vladimir Spidla n’a
rien de flamboyant. C'est un homme un peu terne, que l'on dit integre mais laborieux. Il est surnomme
≪ Marathon Man ≫, non seulement pour son gout du jogging, mais aussi pour sa tenacite. Une tendance
a l’acte solitaire et opiniatre qui fait de lui un technicien plutot braque, remarquablement doue pour les
impairs en public.
C'est la ≪ Revolution de velours ≫ de 1989 qui l’incite a entrer en politique. Il rejoint le nouveau parti
social-democrate CSSP et devient, en 1990, Vice-president du Conseil regional de Jindřchuv Hradec.
Membre du presidium du CSSP en 1992, il est elu depute en 1996 et president de la Commission de la
Politique sociale et de la Sante publique. Vice-president de son parti en mars 1997, il en est elu
president en avril 2001, en meme temps qu'il entre au gouvernement comme Vice-Premier ministre et
ministre du Travail et des affaires sociales. Enfin, il devient Premier ministre en juillet 2002.
Premier chef du gouvernement tcheque a etre ≪ pro-europeen ≫, Vladimir Spidla va rester a ce poste
moins de deux ans. Car, en raison des tensions qui dechirent sa faible majorite au parlement, il a toutes
les peines du monde a introduire les
« réformes indispensables » que Bruxelles, comme de juste,
reclame pour juguler le deficit budgetaire dans la perspective de l’adhesion a l’UE.
Un « socialiste » particulièrement anti-social
C'est ainsi qu’en juillet 2003, ce membre de l’Internationale Socialiste fait adopter un amendement
legislatif portant la TVA de 5 a… 22% (!) pour un grand nombre de services de consommation courante.
Decision bien plus injuste qu’une hausse de l’impot progressif sur les revenus, cette hausse
faramineuse de la fiscalite indirecte concerne les loyers, les cordonniers, les teinturiers, les salons de
coiffure, les telecommunications, les services des avocats et des comptables, les agences de securite,
les agences immobilieres ou encore la location de voitures.
QUI GOUVERNE LA FRANCE ?
Spidla a bien compris qu'il s’agit d’une « réforme capitale » pour satisfaire Bruxelles. Oui mais voila :
bien que tres droitier et tres liberal, le President Vaclav Klaus, un eurosceptique notoire, refuse de
promulguer cet amendement qu'il estime franchement trop antisocial. Spidla doit alors rameuter une
majorite de deputes de gauche et du centre pour surmonter le veto presidentiel, ce a quoi il parvient
fin septembre 2003.
L’episode, naturellement, laisse des traces dans l’electorat, qui apprecie comme on l’imagine
l’envolee du prix des services. Aux elections europeennes de juin 2004, les partis anti-europeens
deviennent majoritaires : le Parti democratique civique (ODS), eurosceptique de droite, du President
Klaus rafle a lui seul 30% des voix, tandis que les communistes orthodoxes ressuscitent, en arrivant
second avec 20%. Quant au parti social-democrate europhile de Vladimir Spidla, il enregistre une
deroute a peine imaginable pour un parti au pouvoir : avec moins de 9% des voix, il n’arrive qu’en
cinquieme position, et ne fait elire que 2 des 24 deputes tcheques au parlement europeen.
Chassé par 91% des électeurs tchèques, il devient... Commissaire européen
La claque est tellement enorme que ≪ Marathon
Man ≫ est contraint de dechausser les crampons.
Il demissionne de son poste de Premier ministre
mais le President Vaclav Klaus, bon prince, lui
offre aussitot le poste a la mesure de ses talents :
pas mecontent de l’exiler loin de Prague, il le
nomme Commissaire europeen a Bruxelles. Un
certain nombre de Tcheques s’emeuvent de voir
qu'un desaveu electoral aussi cinglant permet a
Spidla de s’emparer d'un poste ou il va detenir du
pouvoir a l’echelle du continent. Mais n’est-ce pas
au fond la logique meme des institutions
europeennes de recueillir les recales du suffrage
universel, surtout lorsqu’ils ont ete chasses du
pouvoir pour avoir mis en oeuvre les directives
antisociales de Bruxelles ?
En tout cas, le nouveau President de la
Commission se frotte les mains de prendre
livraison de Vladimir. Un socialiste qui a fait de la
ponction fiscale sur les menages les plus
modestes la cle de voute de son action ? Voila bien l’homme ideal pour mettre en oeuvre une
≪ politique sociale ≫ comme on les aime a Bruxelles ! Jose Barroso, qui cisele sa Commission avec
un cynisme consomme, lui confie bien sur le portefeuille de l’Emploi, des Affaires sociales et de
l’Egalite des chances. Et, pour faire social, il envoie M. Spidla ouvrir la serie des auditions des
nouveaux Commissaires au Parlement europeen, le 30 septembre 2004.
Croyant bien faire, notre homme s’y presente comme un Tcheque-europeen-convaincu et
revendique avec lyrisme une filiation conceptuelle avec Georges de Podebrady, roi de Boheme au
XVe siecle, dont il souligne qu’il
« a essayé de réaliser son idée d'une unification de notre continent
par la paix en envoyant une mission dans les autres royaumes de l'Europe ».
Helas ! Le parlement europeen compte aussi des historiens. Et ceux-ci relevent que ≪ Marathon
Man ≫, avec ses gros sabots, a omis de preciser un detail genant : le
« projet européen » du roi
Georges, converti a la religion reformee, avait pour but, onze ans apres la chute de Constantinople,
de contrer la poussee vers l'ouest de l'Empire ottoman, par un
« Pacte de l’établissement de la paix
dans le monde chrétien »
afin de « défendre la foi du Christ contre les Turcs les plus vicieux ».
Le projet avait d’ailleurs capote parce que le roi de France Louis XI avait d’autres chats a fouetter
que d’entrer en guerre contre le Grand Turc pour proteger des Tcheques reformes. En plein debat
sur l’entree de la Turquie dans l’UE, la filiation revendiquee par notre commissaire docteur en
histoire est donc une bevue monumentale. Elle force les fonctionnaires bruxellois a se contorsionner
pour calmer l’incident diplomatique :
«Vladimir Spidla voulait avant tout souligner l'ambition
européenne de Georges de Podebrady. Il n'y a aucun lien à établir entre le dossier de l'accession
turque à l'Union européenne »
gemit sa porte-parole.
Au parlement europeen on en pleure tellement de rire que l'on en oublie presque de remarquer que
Vladimir est venu avec une besace vide. La future politique qu'il dessine ressemble a s'y meprendre a
l’art de botter en touche, tout en ouvrant grand la porte aux
« réformes indispensables ». Interroge sur
la diversite des systemes de securite sociale dans les Etats membres ? Il estime
« nécessaire de les
coordonner mais non de les unifier »
. Sur la directive temps de travail ? Il se dit pret a rechercher
« un compromis qui soit acceptable par une plus grande majorité qu'aujourd'hui ».
Sur la lutte contre
la pauvrete ? Il suggere
« d'ouvrir un débat sur le minimum social » tout en precisant qu'il conviendrait
« de mettre en place une politique sociale flexible ».
L’art de la politique du Vide social
Ce Tcheque sans provisions esquisse ainsi une politique du Vide social a laquelle il va donner un
fondement theorique, notamment lors du colloque organise le 20 juin 2005 par le Lisbon Council
(un ・・think tank ≫ bruxellois manipule par les Americains) sur la
« modernisation du modèle social
européen ».
Partant du principe que la meilleure defense est l’attaque, ce representant d’un pays de
l’est qui a tout a gagner au moins disant social face aux membres plus riches de l’UE joue les Abbes
Pierre indignes :
« Dans cette Europe riche et évoluée, 15% des citoyens vivent dans une extrême
pauvreté. [...] L’Union européenne compte plusieurs millions de Roms et leur nombre augmentera
encore sensiblement avec l'adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie. Beaucoup d’entre eux vivent
dans des conditions déplorables – familles de dix personnes vivant une seule pièce, dans des taudis
sans électricité, ni eau courante, ni raccordement à l’égout »
. Vous pigez ? Dans la mesure ou les
smicards francais ne vivent pas, eux, dans des roulottes au milieu des decharges publiques,
ce recadrage du ≪ social ≫ au niveau europeen revient a denoncer le refus de la precarisation par les
salaries francais comme le scandaleux caprice de gosses de riches. Imparable, non ?
Et Vladimir de poursuivre dans cette logique :
« Il y a quelques mois, le Président Barroso, ici même,
a dit qu'il n'appartient pas à la Commission de défendre les 15 anciens États membres contre les
10 nouveaux. De même, les gouvernements et les syndicats ne peuvent ériger de barrières
protectionnistes sous prétexte de lutter contre le chômage »
.
Pour notre socialiste tcheque, le modele social europeen
« modernisé » n’a donc « pas vocation à
conserver le statu quo « sous vide ». Il ne peut pas non plus se muer en musée où nous rêverons du
bon vieux temps. [...] Il vise essentiellement à tenter de remédier aux formes fondamentalement
injustes de différences entre les individus, sans éliminer la disparité de résultats acceptable d’un point
de vue éthique ».
Car, important element de modernite, le modele social europeen nouvelle vague
« ne doit pas empêcher les personnes dont la prospérité tient à leurs propres mérites de récolter les
fruits de leur succès »
.
Fort de cette analyse, notre membre de l’Internationale socialiste affiche sa devise d’action sur son
site officiel :
« Egalité, Mobilité, Dignité ». Un bras d’honneur a notre devise nationale, en somme.
D’ailleurs, il fait de 2006
« l’année de la mobilité des travailleurs au sein de l’UE » et il annonce que le
fonds europeen qui va etre cree pour attenuer l’effet des delocalisations, bien modeste
financierement, ne concernera que les delocalisations extra-europeennes
« car les délocalisations à
l’intérieur de l’UE ne sont pas de vraies délocalisations ».
Pardi !
Et puisque, dans son esprit, etre social c'est au fond laisser agir les forces du marche, il joint le geste
a la parole : en decidant de se mettre aux abonnes absents des qu'il surgit de graves problemes
sociaux et en concentrant son ≪ action ≫ sur des campagnes d’agit-prop dignes de Guy Lux.
•
en avril 2005, alors que la directive Bolkestein enflamme la campagne referendaire en
France, le Commissaire aux Affaires sociales reste muet, preferant consacrer son energie a
lancer une grande campagne contre le bruit.
•
alors que la France s’enfonce dans la crise des banlieues a l’automne 2005, il reste coi et
part en visite officielle en Chine.
•
alors que de forts mouvements sociaux agitent plusieurs pays europeens au printemps
2006, et notamment la France ou la crise rebondit avec le CPE, il ne dit mot mais lance une
grande campagne contre le tabagisme.
Un amuseur public pour détourner l’attention des vrais problèmes
Aux dernieres nouvelles, M. Spidla poursuit consciencieusement son metier d’amuseur public.
Le 25 avril 2007, en compagnie de M. Moscovici, ancien ministre socialiste francais en charge des
questions europeennes, il a ainsi lance a Strasbourg le ≪
camion européen de la diversité ». Sur le
modele du Cirque Pinder, ce camion a
« parcouru plus de 18 000 km », « renseigné les citoyens sur
leurs droits à l'égalité de traitement »
et a « assuré la promotion de l'Année européenne de l'égalité
des chances pour tous en 2007 ».
Alors que 2007 s’acheve, chacun peut mesurer que cette tournee, a part contribuer a l’emission de
CO2 dans l’atmosphere, aura surtout permis, une nouvelle fois, de ≪ faire du social ≫ pour rire tout en
laissant le demantelement des acquis sociaux des Francais se poursuivre sans vergogne.
L’AVIS DE L’UPR
Le Président de la Commission européenne, José Barroso, a délibérément confié le portefeuille
sensible des questions sociales à un Commissaire originaire d'un pays de l’est, remarqué pour
son ardeur à s’attaquer au pouvoir d’achat des plus démunis. Alors qu’un Commissaire
originaire d'un pays riche d’Europe de l’ouest aurait été plus vigilant sur les acquis sociaux,
M. Spidla se fait au contraire un devoir de ne rien faire qui puisse entraver l’actuelle politique de
démantèlement.
Avec ses campagnes promotionnelles contre le bruit, le tabac ou pour l’égalité des chances,
M. Spidla est un leurre parfait pour duper ceux qui veulent encore croire à « l’Europe sociale ».
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Commissaire européenne en charge du Budget de l’UE
Dalia GRYBAUSKAITE :
LA THACHER LITUANIENNE
Née à Vilnius il y a un demi-siècle, Dalia
Grybauskaité est une célibataire de
grande taille, ceinture noire de karaté,
aux cheveux blonds coupés court et à
l'allure martiale. Ses études d'économie à
l'Université de Leningrad puis à
l'Académie des sciences de Moscou ne
l’ont pas dissuadée, après l’explosion de
l’URSS, de parfaire ses connaissances
en allant étudier à l'Université de
Georgetown (Washington DC). Une
université américaine qui présente la
particularité d’être le vivier dans laquelle
la CIA puise ses cadres ou les y fait
enseigner. Ce qu'a montré, parmi bien
d’autres exemples, le parcours de George
Tenet, ancien étudiant de Georgetown
devenu directeur de la CIA puis, après sa
démission en juin 2004, professeur… à
Georgetown.
Munie d’une telle formation, Dalia a
trouvé pratique de continuer sa carrière
sur place en devenant, de 1996 à 1999,
numéro deux de l'ambassade de Lituanie
aux Etats-Unis, ainsi que négociatrice
auprès du FMI et de la Banque mondiale.
Après tant d’années passées à Washington, elle était fin prête pour retourner en Lituanie afin
d’y participer aux négociations d'adhésion de son pays à l'UE, puis pour y être promue, tout de
go, ministre des finances. Preuve qu’en Lituanie comme ailleurs au sein de l’Union européenne,
pour accéder à des fonctions gouvernementales, il est souvent plus efficace de passer
plusieurs années outre-Atlantique plutôt que de se faire élire par ses concitoyens.
Au poste de grand argentier, qu'elle a occupé de 2001 à 2004, Mme Grybauskaité s’est taillé la
réputation d’être la
« Thatcher lituanienne ». De fait, elle a réduit considérablement le taux
d’imposition des entreprises, taillé à la hache dans les dépenses publiques, et s’est opposée au
projet d’augmentation des subventions aux agriculteurs. A tous ceux qui protestaient, elle
répondait que
« les gens n’apprécient pas les politiciens sans personnalité ».
Cette force de la nature plutôt encombrante a été récompensée par le président lituanien, qui l’a
nommée commissaire européen, sans doute pas mécontent de souffler un peu en l’envoyant
jouer les Thatcher sous les cieux bruxellois.
Le président Barroso, lui-même un ancien de Georgetown University, a décidé souverainement
de lui confier l'un des portefeuilles les plus stratégiques : celui du budget de l’Union européenne.
Ce qui a conduit le
Financial Times à se taper sur les cuisses en remarquant que la Lituanie,
pays 8 fois plus petit que la France et 17 fois moins peuplé, avait obtenu un portefeuille
beaucoup plus important que notre pays, auquel fut laissé le strapontin des transports. Il est vrai
que notre commissaire, Jacques Barrot, n’est pas un ancien de Georgetown University...
Comme pour la polonaise Danuta Hubner, aucun Etat-membre versant une contribution nette au
budget de l’Union, et notamment pas la France, n’a trouvé à redire à cette attribution de
portefeuille, qui donne à Dalia Grybauskaité une position de juge et partie. Alors que la Lituanie
était déjà assurée de recevoir beaucoup plus de fonds dits
« européens » (en réalité
principalement allemands et français) qu'elle n’en verse, c'est sa représentante qui décide de la
répartition de ce budget. Or notre Thatcher lituanienne s’est montrée résolue à réorienter les
financements européens vers
« les pays qui en ont besoin ». La Lituanie par exemple.
Elle n'y était d’ailleurs pas allée par quatre chemins lors de ses auditions au Parlement européen
le 28 septembre 2004. Après avoir expliqué que
« le budget européen d’aujourd’hui date du
19ème siècle au moins, une époque où l’agriculture était le secteur principal de l’économie »
, elle
qualifia la politique agricole commune (PAC) de
« désuète et démodée », jugé sa réforme de
2003
« pas assez radicale », en ajoutant même que « c’est une honte que près de la moitié du
budget de l’UE y soit consacrée »
. Nos agriculteurs ont apprécié.
La karatéka de Vilnius s’était aussi déclarée favorable à une
« flexibilité accrue » dans l’utilisation
des crédits communautaires :
« il doit être possible de réaffecter les crédits entre postes de
dépenses….Cela permettra de faire face à de nouvelles priorités sans buter constamment sur les
plafonds des différentes catégories ».
Parmi ces nouvelles priorités figurait la rénovation des
HLM… dans les pays de l’est, pour laquelle les nouveaux Etats-membres avancèrent même la
facture : 300 milliards d’euros au bas mot. A financer prioritairement par l’Allemagne et la France.
Notre politique de la ville, qui n’arrive pas à joindre les deux bouts, étant priée de passer après.
C'est cette philanthrope tout en nuances qui fut en charge des négociations avec les Etats
membres sur les ressources et les dépenses de l'Union pour la programmation budgétaire 2007-
2013. A Bercy, où les services susurrent qu’elle est
« complètement folle », on surveille donc ses
foucades en s’attendant toujours au pire. Car une chose est sûre : Dalia estime que la France
devrait être ponctionnée encore bien davantage au profit des pays de l’Est
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Commissaire européenne en charge des Relations extérieures
et de la Politique européenne de voisinage