Augmentons notre “pouvoir d’achat” grâce à la pub !

Augmentons notre “pouvoir d’achat” grâce à la pub !

Mardi 24 juin 2008 12:13 par SuperNo http://www.superno.com/blog/

(Image empruntée à un blogueur belge )

Envers et contre tout, alors que le monde capitaliste est secoué par des soubresauts annonciateurs d’un écroulement fracassant, l’air du temps est plus que jamais à la con-sommation.

Impossible d’échapper aux reportages marronieresques sur le premier jour des soldes. D’ailleurs, que faites-vous à perdre votre temps sur ce blog au lieu de vous consacrer aux obligatoires “repérages” ?
Cette ruée festive et grotesque des mougeons (et il faut bien le dire, essentiellement des mougeonnes) qui s’engouffrent sous le volet métallique même pas encore levé des boutiques de fringues en se crépant le chignon pour parvenir les premiers à la terre promise (typiquement un bout de tissu fabriqué en Chine par des adolescentes sous-payées qui travaillent dans des conditions proches de l’esclavage) n’est pas loin d’atteindre le summum de la bêtise et de la vulgarité.

L’expression “pouvoir d’achat” s’incruste partout : c’est devenu une revendication universelle, saisie au bond par les politiciens chez lesquels elle a remplacé “lutte contre le chômage”, qui a régné pendant 30 ans. Car il est bien évident que le chômage a été vaincu, et que ceux qui sont encore chômeurs ne le sont qu’en raison de leur fainéantise avérée…

Non, le “pouvoir d’achat”, c’est avant tout une revendication de privilégiés : “on a déjà 2 bagnoles, on veut en plus un 4×4 !”. “On a déjà 6 télés à la maison, mais il nous manque un plasma d’1m40 !” “L’année dernière on est allé en Tunisie, cette année on veut aller en République Dominicaine”.

Bien sûr, l’expression englobe aussi la misère des pauvres qui hurlent comme des écorchés dès que la baguette augmente d’un centime, et sont obligés d’aller acheter de la merde dans les “hard-discount”. Je sais qu’on va me dire que certains produits sont meilleurs dans certaines de ces magasins, notamment allemandes, que dans certains hypers, ce qui est fort possible.  Mais ce genre de magasins écoule aussi et surtout la lie de l’alimentation industrielle, des sous-produits bourrés de sucre, de sel, d’huile de palme hydrogénée, d’additifs douteux… Bien sûr qu’on en trouve aussi dans les hypers “traditionnels”, mais là au moins on a le choix… A condition d’en avoir les moyens. De toute façon, demandez à ceux qui fréquentent les “hard-discount” comment ils vivent la situation : comme une punition, bien évidemment.

Notre gouvernement, que le ridicule n’effraie plus depuis longtemps, vient de monter, à l’instigation du multimillionnaire bronzé Thierry Saussez (Le “Séguéla de droite”)  une opération de gaspillage des deniers publics d’autopromotion à hauteur de 4 millions d’euros, comprenant des spots de pub et un site internet . S’ils croient que l’apparition de la tronche d’austère (qui ne se marre pas) de François Fillon va déclencher un irrépressible besoin de faire fumer la carte bleue, j’ai dans l’idée qu’ils se mettent le doigt dans l’oeil, et bien profond !
En fait ce n’est même pas le but, qui serait plutôt de dire “regardez un peu tout ce qu’on a fait pour vous !… Alors qu’est-ce que vous attendez pour consommer, hein, bande d’ingrats ?”

Heureusement pour le pouvoir d’achat, il y a la pub ! En effet grâce à la pub, on vous distribue des journaux gratuitement, vous regardez gratuitement des chaines privées, vous écoutez gratuitement des radios privées, vous surfez gratuitement sur des sites internet, vous hébergez vos blogs, vous obtenez des bons de réduction, vous faites du vélo quasi gratuitement. Ah, les temps sont durs ma brave dame, mais heureusement qu’on a la chance d’avoir cette pub !

Halte à la bouffonnerie !

Proclamons-le haut et fort : la pub, en plus de ses défauts rédhibitoires (invasion et défiguration de notre espace de vie, manipulation  mentale visant à nous faire croire que la consommation est le but de la vie…)  est le pire ennemi du “pouvoir d’achat”. Ce que vous ne payez pas directement en lisant votre journal gratuit ou en roulant à Vélib, vous ou un autre le paiera en achetant les produits des marques qui ont fait de la pub par ces moyens. C’est mathématique : rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.

J’étais curieux de voir si on pouvait chiffrer l’impact de cette pub à l’échelle du pays : oui, on peut. Pour une année de pub en France, le chiffre de 33 milliards d’euros (attention, un milliard, c’est mille millions !) semble être le bon. Pour le retenir plus facilement, ça fait environ 500 euros par personne ! (Et encore, on a de la chance, aux Etats Unis c’est 2 ou 3 fois plus !) Ceci inclut bien évidemment les nourrissons comme les membres de l’académie française. Et si, justement comme dans la plupart des publicités, votre petite famille comporte 4 personnes, c’est 2000 euros que vous donnez tous les ans.

Faites vos comptes : pensez-vous sincèrement que vous dépenseriez 2000 euros par an en échange de ce que vous obtenez “gratuitement grâce à la pub” ?

Tiens, en matière de “pouvoir d’achat”, j’ai entendu ce matin que le gouvernement allait à nouveau s’attaquer aux vieux et aux pauvres atteints de “longues maladies” en déremboursant un paquet de médicaments jusqu’ici remboursés à 100%… Comme le dit si bien Fontenelle : “nulle pudeur ne les entrave”…