Les confidences du Canard sur l’implication U.S. en Géorgie
Habitués à jouer leur rôle de chiens de luxe qui donnent la patte pour qu’on remplisse leur gamelle cinq étoiles, les media occidentaux se sont alors mobilisés afin de faire oublier les origines de cette guerre. Ils ont montré du doigt – d’un doigt passé maître dans l’art d’accuser les autres devant les caméras - cette barbarie russe qui écrase tout sur son passage et méprise la liberté des peuples : ça marche toujours (3). Les télévisions ont filmé des civils géorgiens, des petites gens qui souffraient pour de bon et souffrent encore à l’heure qu’il est. Mais comme toujours, les média ne garderont que les pleurs et le sang. La souffrance ne se filme pas et ceux qui souffrent s’oublient vite. On objectera que des avions cargos militaires et les navires de guerre ont fait depuis quelques jours le plein de palettes humanitaires et qu’ils sont venus les distribuer aux sinistrés. Mais où sont les avions civils ? Et où sont les navires civils ? Perdus dans le Triangle des Bermudes sans doute. Les palettes humanitaires, c’est pour les armées. Les armées d’aujourd’hui, elles avancent couvertes de palettes humanitaires, comme ces généraux d’opérette qu’on voit croulant sous des placards de médailles qui brillent.
Mais revenons à la souffrance, restée là-bas, chez les Géorgiens qu’on a filmés et chez les Ossètes invisibles. Trop épaisse, trop charnelle, trop chargée de l’odeur des corps pour remonter dans le câble qui ne boit que du sang abstrait, du sang politique, du sang à messages que sirotent chaque soir des téléspectateurs qui croient tout savoir mais qui ne savent rien, couchés sous les rafales d’une propagande, pardon, d’un marketing, qui leur décoiffe la comprenette, inlassablement. Georges Bernanos a révélé, il y a longtemps, la substance de notre monde, dans cette formule que j’emprunte à ses Ecrits de Combats : « Etre informé de tout et condamné à ne rien comprendre, tel est le sort des imbéciles. »
Que vont donc faire George W. Bush et son équipe néoconservatrice, ces hommes et ces femmes qui décrètent, sans nous avoir consulté à ce sujet, que « la domination américaine est bonne pour l’Amérique et bonne pour le Monde. » (4) Vont –ils manquer leur rendez-vous ? Vont-ils le reporter ? Vont-ils agir en sous-main, convaincus qu’ils sont d’être les soldats de Dieu au service de la seule superpuissance capable de faire descendre le Paradis sur Terre depuis la chute du mur de Berlin ?
Pour Julianne Smith, la directrice du programme européen au Centre des études stratégiques internationales à Washington citée par l’édition du Figaro, du 13 août dernier :
« La crise n'a fait qu'enhardir deux camps bien distincts à l'intérieur de l'Alliance. D'un côté, pour l'Allemagne, la France et d'autres pays qui s'opposent à ces candidatures en arguant que la Géorgie et l'Ukraine ne sont pas encore prêtes, les événements qui viennent de se passer sont la preuve que les défis internes et autres conflits frontaliers rendent ces pays bien trop instables pour être admis rapidement. D'un autre côté, vous avez des pays, principalement emmenés par les États-Unis, qui ont maintenant des sentiments partagés. Eux aussi reconnaissent que l'on est confronté à une situation très instable et que si l'Otan avait pris des engagements en vertu de l'article 5 (qui stipule qu'une attaque contre l'un de ses membres est considérée comme une attaque contre tous, NDLR), il aurait été pratiquement impossible de déployer des troupes dans la région. » (Le Figaro)
La Pravda peut donc caracoler en publiant le 24 août un article intitulé « La Russie qui était à genoux se relève » (Russia stands up from its knees). Nous dirigeons-nous vers un rééquilibrage entre les deux puissances ? Il est encore trop tôt pour l’affirmer et nous laisserons les spécialistes trancher le moment venu.
Car l’Histoire nous a appris à nous méfier. Les grandes puissances ont toujours une main qui traîne dans la boîte de Pandore des prétextes de guerre, ce coffre pour jouets fabriqués dans les coulisses des chancelleries et les arrières cours des boutiques bancaires. Les États-Unis, même s’ils ne sont pas les seuls à le faire, n’ont jamais été les derniers à piocher dans cette boîte pleine de farces et attrapes dont on tire des hochets et des kaléidoscopes qui hypnotisent les nations pour mieux les convaincre de s’adonner à l’étripement généralisé. Une discipline qui manque encore aux Jeux Olympiques et où l’important est de participer et, si possible, d’y rester afin que d’autres en recueillent les bénéfices après vous avoir bâti un mausolée.
Ceux d’en bas devraient faire l’effort de comprendre les intérêts de ceux d’en haut.
Notes
(2) Ce que les plan Fouchet ont cherché à remettre en question en proposant un conception européenne, eurasienne de l’Europe et non ne Europe forgée par le banquiers et « patriote américain » Robert Schuman.
(3) L’Occident a l’habitude de se pardonner ses propres fautes. En condamnant l’invasion de la Géorgie par les forces russes, la dilomatie américaine avait préalablement effacé de sa mémoire l’invasion de l’Irak.
(4) Expression extraite de la « Declaration of Principles » du think tank néoconservateur Project For a New American Century dont le nom a été directement emprunté à la formule « American Century » forgée par Henry Luce avant la seconde guerre mondiale pour proclamer le rôle de bon samaritain pour ne pas dire d’empire que devraient jouer les Etats-Unis dans la seconde moitié du XXème siècle.
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