Géorgie: le fossé se creuse entre l'OTAN et l'UE

Publié le par sceptix

Plutôt que de parler de dissensions "entre l'Otan et l'UE", il semble beaucoup plus juste de parler de dissension, de conflit d'intérêt, entre certains membres de l'Otan/UE, De Hoop Scheffer se faisant le porte parole des plus belliqueux, - voire même entre l'actuelle administration US et quelques relais (GB, Pologne, Pays Baltes), et les autres.
«Cet appui à Tbilissi reste mesuré, reflet des divergences européennes. À la différence de la Maison-Blanche, l'Otan exclut de réarmer la Géorgie»
« Au contraire du vice-président Dick Cheney, Jaap de Hoop Scheffer se gardera bien de garantir une future adhésion au président Saakachvili»
Donc les grandes déclaration de De Hoop Scheffer pourrait ne pas signifier grand chose concrètement, ou juste témoigner des pressions au sein de l'Alliance?
alerte Otan : T. Manourek

Géorgie: la voie de l'Otan "grande ouverte
", assure Scheffer
AFP, 16 septembre
Par Nick COLEMAN
 
TBILISSI (AFP) - Le secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, a déclaré mardi à Tbilissi que la voie était "grande ouverte" pour accueillir la Géorgie et mis en garde la Russie contre toute tentative d'entraver l'élargissement de l'Alliance atlantique.
 
Au deuxième et dernier jour de la visite d'une délégation de l'Otan dans cette ancienne république soviétique, M. de Hoop Scheffer a toutefois reconnu des réticences à l'adhésion de Tbilissi parmi les membres de l'Otan.
 
"Le processus d'élargissement de l'Otan se poursuivra", a-t-il affirmé lors d'une allocution à l'université de Tbilissi.
 
"La voie de l'Otan reste grande ouverte à la Géorgie. Nous n'accepterons pas que ces liens soient rompus par des pays extérieurs", a poursuivi le secrétaire général dans une mise en garde à la Russie.
 
Le président géorgien Mikheïl Saakachvili, allié de Washington, aspire depuis quatre ans à faire entrer son pays, ex-république soviétique, dans l'Otan, au grand dam de la Russie qui considère cette région du Caucase comme sa chasse gardée. (sic)
 
Evoquant la reconnaissance par Moscou de l'Ossétie du Sud et de l'Abkhazie, deux territoires séparatistes de Géorgie, M. de Hoop Scheffer a enfoncé le clou: "Je ne peux pas dire que la situation a facilité les choses (mais) nous ne nous laisserons pas impressionner par la façon dont les Russes ont reconnu ces régions", a-t-il prévenu.
 
En outre, "la Russie s'est elle-même isolée de la Communauté Internationale. La Russie s'est punie elle-même", a ajouté le chef de l'Otan en référence au plongeon du marché boursier russe depuis le conflit avec la Géorgie en août.
 
Au lendemain du premier conseil Otan-Géorgie à Tbilissi, la délégation d'ambassadeurs des 26 pays de l'Otan dirigée par M. de Hoop Scheffer s'est rendue dans l'après-midi à Gori, ville géorgienne proche de l'Ossétie du sud, dont les troupes russes doivent quitter les abords d'ici au 10 octobre aux termes de l'accord du 8 septembre entre l'Union européenne et la Russie.
 
Farouchement opposée à tout élargissement de l'Otan à ses portes, la Russie avait exprimé son mécontentement via son ambassadeur auprès de l'Otan Dmitri Rogozine, qui avait appelé l'Alliance atlantique à annuler cette visite en Géorgie.
 
M. de Hoop Scheffer a toutefois ajouté que "punir la Russie" n'était pas la solution, après l'intervention de l'armée russe début août en riposte à une opération militaire géorgienne en Ossétie du sud. "Punir la Russie n'est pas une voie d'avenir. La voie, c'est d'aider la Géorgie", a-t-il affirmé.
 
Admettant qu'il ne pouvait pas "prévoir" ce qui serait décidé en décembre à la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'Otan, il a toutefois souligné la "très importante décision prise" sur la Géorgie et l'Ukraine au sommet de Bucarest en avril.
 
L'Alliance avait alors ouvert la porte à une adhésion future des deux ex-républiques soviétiques à l'Otan. Mais l'Allemagne, la France et la Belgique s'étaient opposées à ce que la Géorgie accède au "Plan en vue de l'adhésion" (MAP, selon l'acronyme anglais), qui lui aurait donné le statut formel de candidat.
 
Des divergences sont apparues au sein de l'Otan et de l'Union européenne, certains membres dont les pays baltes, la Pologne ou encore la république tchèque étant partisans d'une ligne dure vis-à-vis de la Russie et de l'intégration au plus vite de la Géorgie et de l'Ukraine dans les deux organisations.
 
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Géorgie : l'Otan se démarque de l'UE
 
Le Figaro
Jean-Jacques Mével, notre correspondant à Bruxelles
15/09/2008
 
L'Alliance atlantique dénonce la politique russe du fait accompli tandis que Bruxelles donne son feu vert au déploiement d'une mission civile aux contours flous.
 
L'Union européenne a confirmé lundi l'envoi d'environ 200 observateurs civils en Géorgie, sans aucune garantie qu'ils pourront un jour se déployer au cœur du conflit : c'est-à-dire en Ossétie du Sud et en Abkhazie, deux États confettis dont la Russie soutient la sécession, après les avoir soustraits militairement au contrôle de Tbilissi. La durée et surtout les contours de cette mission européenne restaient lundi dans le flou. Au plus tard le 1er octobre, le contingent européen doit commencer à se substituer aux troupes russes qui évacuent le côté géorgien de la ligne de cessez-le-feu. Il s'agit d'abord d'observer et de stabiliser la situation sur le terrain. Un budget, révisable, a été arrêté pour douze mois (voir encadré).
 
Mais à terme, faute d'un mandat étendu aux deux régions séparatistes, la présence des observateurs européens risque de figer la confrontation russo-occidentale et de consacrer, comme le veut Moscou, la rectification des frontières aux dépens de la Géorgie. « Aucune négociation de paix n'est jamais parfaite, ce n'est qu'une première étape », a assuré le chef de la diplomatie française Bernard Kouchner au terme d'une journée de discussion avec ses 26 homologues européens à Bruxelles.
 
« L'important était d'obtenir d'abord un calendrier de retrait [des troupes russes] hors des zones adjacentes à l'Ossétie et à l'Abkhazie. Nous l'avons obtenu. Chaque chose en son temps. » Il s'est défendu d'entériner le fait accompli et la partition de la Géorgie. C'est de l'Otan, marginalisée dans la crise par la défiance du Kremlin, qu'est venue lundi la critique la plus pointue. Pour Jaap de Hoop Scheffer, secrétaire général de l'Alliance atlantique, « le maintien des forces russes en Abkhazie et en Ossétie du Sud n'est pas acceptable ». Évoquant implicitement une reculade européenne, il reproche à l'accord Sarkozy-Medvedev du 8 septembre de passer sous silence le retrait des forces russes « sur les lignes antérieures au déclenchement des hostilités ». L'exigence avait été initialement formulée par les deux présidents français et russe, dans l'article 5 du cessez-le-feu du 12 août.
 
Moscou maintient la présence de 7 600 soldats
 
Le responsable de l'Alliance atlantique, cité par le Financial Times, a tempéré plus tard ses propos en faisant savoir que son inquiétude visait les ambitions russes plutôt que la bonne foi européenne. Reste que la controverse est lancée entre les deux grandes enceintes internationales que compte Bruxelles. Pour l'Otan, le succès se mesure à l'aptitude à faire reculer le Kremlin. Pour l'Europe, il consiste avant tout à apaiser la tension dans le Caucase. Alliance militaire qui recouvre en grande partie l'Union européenne, l'Otan a marqué sa différence en dépêchant lundi sa première mission d'après-guerre en Géorgie. Jaap de Hoop Scheffer et les ambassadeurs des vingt-six pays alliés sont allés inaugurer à Tbilissi la commission Otan-Géorgie, instance créée au lendemain du conflit et censée témoigner du soutien occidental. Il s'agit « d'évaluer nos relations et d'avoir des discussions approfondies sur la sécurité de la région », a affirmé le secrétaire général.
 
Cet appui à Tbilissi reste mesuré, reflet des divergences européennes. À la différence de la Maison-Blanche, l'Otan exclut de réarmer la Géorgie. Au contraire du vice-président Dick Cheney, Jaap de Hoop Scheffer se gardera bien de garantir une future adhésion au président Saakachvili. En Europe, la question oppose toujours l'Allemagne, la France et l'Italie d'un côté, à la Grande-Bretagne, à la Pologne et aux États baltes de l'autre. Chaque camp tire des conclusions contraires du conflit géorgien. Les premiers veulent éviter de brusquer ou d'humilier dangereusement Moscou. Les seconds estiment qu'il est grand temps de dissuader les visées impériales du Kremlin.
 
La Russie, elle, continue de marquer son territoire. En écho à la présence du secrétaire général de l'Otan à Tbilissi, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, s'est rendu lundi en Ossétie du Sud, après une visite la veille en Abkhazie. Moscou a replié des troupes de Géorgie occidentale ces derniers jours et accepté de se retirer totalement, au 10 octobre, des régions dont Tbilissi gardera le contrôle. Mais le Kremlin entend maintenir indéfiniment 7 600 hommes en Ossétie du Sud et en Abkhazie, deux fois le contingent russe déployé avant la guerre. Quant à l'entrée des observateurs européens, elle dépend d'après le ministre russe d'une décision souveraine des deux États fraîchement indépendants.
 
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Géorgie: le fossé se creuse entre l'OTAN et l'UE (Novye izvestia)

 
MOSCOU, 16 septembre - RIA Novosti. Le secrétaire général de l'OTAN Jaap de Hoop Scheffer, arrivé à Tbilissi pour une réunion extra-muros du Conseil de l'Alliance de l'Atlantique Nord, a exprimé son désaccord par rapport au plan Medvedev-Sarkozy pour le règlement du conflit en Géorgie, lit-on mardi dans le quotidien Novye izvestia.
 
Ces déclarations vont à l'encontre de la position, plus souple, de l'UE. On ne sait pas encore jusqu'à quel point peuvent s'aggraver les divergences entre l'UE et l'OTAN sur la question géorgienne.
 
Selon le président de l'Institut d'évaluations stratégiques Alexandre Konovalov, l'UE est en fait solidaire des Etats-Unis, mais se voit obligée de modérer sa position: "Je doute que l'Union européenne soit satisfaite de l'augmentation du contingent russe en Abkhazie et en Ossétie du Sud (que l'Europe, tout comme les Etats-Unis, considère toujours comme une partie de la Géorgie). Si Sarkozy n'a pas mis l'accent sur cette question lors de sa rencontre avec le président russe, cela s'explique seulement par le fait que les pourparlers ont failli se retrouver dans l'impasse. Les parties ont eu beaucoup de mal à se mettre d'accord sur le retrait des postes de contrôle russes du territoire géorgien. La question de la présence de l'armée russe dans les républiques autoproclamées reste ainsi en suspens".
 
Sergueï Karaganov, doyen de la faculté d'économie et de politique mondiales du Haut-Collège d'économie, affirme qu'il existe en effet des divergences entre l'UE et l'OTAN, mais que la position de l'Alliance aura une influence très limitée sur le processus de règlement: "Le secrétaire général de l'OTAN a tout simplement voulu faire plaisir aux Géorgiens, et sa déclaration n'est rien de plus qu'un geste politique. Une opposition légère existe depuis longtemps entre l'UE et l'OTAN, car les Etats-Unis persistent à empêcher l'Europe de développer son propre bloc politique et militaire. Et ici l'Alliance est restée en marge du conflit, ses positions s'étant de plus considérablement dégradées: la Géorgie ne peut plus adhérer à l'OTAN à cause de l'aggravation du conflit". M. Karaganov considère cependant qu'il n'y aura pas de scission entre l'Alliance et l'Union européenne.
 
Nikolaï Zlobine, directeur des programmes russes et asiatiques du Centre d'information militaire des Etats-Unis, estime que toutes les parties qui participent au règlement du conflit sont obligées de trouver un compromis: "Le statut quo ne correspond pas aux intérêts de Washington, ni de Bruxelles et de Moscou. Bien que la position de la Russie soit plus avantageuse, elle est pour le moins mécontente de la rupture de la coopération technologique avec les Etats-Unis, ainsi que du fardeau des dépenses financières et militaires dans les républiques autoproclamées. Autrement dit, la recherche d'un compromis est inévitable. Et un compromis implique un mécontentement général, car toutes les parties devront faire des concessions. Il y a ici de nombreuses variantes possibles. La Russie pourrait par exemple admettre des observateurs internationaux dans les républiques autoproclamées, ou accepter une délimitation territoriale des zones de responsabilité entre soldats de la paix russes et européens. Les concessions de l'Occident peuvent, elles aussi, varier considérablement: de garanties juridiques de sécurité pour l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud jusqu'à la reconnaissance de ces républiques".
 
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Le “oui  MAIS” de l’OTAN à la Géorgie, et l’attaque (de l’OTAN) contre l’UE
De Defensa - 16/09/2008
 
L’OTAN a fait son show grandiloquent à Tbilissi, avec une réunion du Conseil de l’Atlantique Nord dans la capitale géorgienne. L’OTAN prend donc la posture offensive qui sied à une alliance responsable, mais dans le champ médiatique. C’est moins imprudent que les chars avec leurs chenilles qui cliquètent.
 
Le secrétaire général de l’OTAN a marqué l’intention (théorique) de l’Alliance de poursuivre, de concert avec la Géorgie, dans la voie menant vers une adhésion de la Géorgie mais il a observé également que la route est longue, d’autant qu’on découvre certains obstacles inattendus. C’est ainsi qu’un fort grand cas est fait désormais de la posture nettement pas assez démocratique de la Géorgie, bien que ce même pays ait été si souvent applaudi comme un modèle à cet égard, notamment par Bush le 1er avril de cette année. Du coup, comme on le comprend, si l’adhésion reste complètement souhaitable, elle l’est à terme, mais un terme qui pourrait s’avérer long tant il est difficile de devenir une démocratie parfaite à l'image des exemplaires pays occidentaux.
 
Selon Reuters du 15 septembre:
 
«[ NATO Secretary-General Jaap de Hoop Scheffer] was in Tbilisi to underscore NATO support for Georgia after a five-day war in which Russia drew Western condemnation by sending in troops to crush a Georgian attempt to retake the rebel South Ossetia region. But he made no mention of whether Georgia will be given a Membership Action Plan – a roadmap for accession – when NATO meets for a summit in December. Alliance members are split over the wisdom of admitting Georgia in the near future.
 
»“Russia's use of force was disproportionate and Russia must now comply with all elements of the six-point plan brokered by French President Sarkozy,” de Hoop Scheffer said, referring to a ceasefire agreement France brokered on behalf of the EU. “At the same time, despite the difficult situation, we expect Georgia to firmly stay the course of democracy and reform,” the NATO chief told a meeting of ambassadors of the 26 NATO countries in a Tbilisi hotel. “Dedication to these fundamental values remains essential for Georgia on its path to Euro-Atlantic integration.”»
 
Parallèlement, dans une interview au Financial Times, le Secrétaire général de l’OTAN a attaqué vigoureusement l’accord passé entre l’UE et la Russie lors de la visite de Sarkozy le 8 septembre. Il est un peu revenu sur cette attaque par le biais d’un porte-parole mais la chose reste dite, plus encore elle reste imprimée.
 
«In an interview with the Financial Times newspaper, the NATO chief appeared to criticise the EU by saying it was "unacceptable" Russian troops were staying inside South Ossetia and Abkhazia under the EU-brokered ceasefire deal.
 
»A NATO spokesman later said de Hoop Scheffer was taking issue with Russia's implementation of the agreement, not the ceasefire deal itself.»
 
L’addition de ces diverses interventions, ajoutée à l’attiédissement manifeste du soutien occidental à Saakachvili, signale peut-être qu’on passe à une nouvelle phase de l’évolution politique occidentale, – et de l'OTAN par conséquent. Nous essayons de détailler cette hypothèse que nous faisons en quelques points.
 
• L’attiédissement du soutien à Saakachvili signale que le grand axe occidental politique, du point de vue de l’OTAN, pourrait être en train de passer de l’affrontement dialectique abrupt avec la Russie à la recherche d’un certain accommodement.
 
• Sur ce terrain, l’OTAN constate que l’UE a pris plusieurs longueurs d’avance. Du coup, revient au premier plan la concurrence entre l’OTAN et l’UE, d’autant plus sensible à l’OTAN que cette Organisation, enfermée dans son extrémisme intransigeant, est notablement affaiblie dans le rapport des forces au sein du camp occidental.
 
• Le premier objectif de l’OTAN devient alors de tenter de discréditer l’action de l’UE pour tenter de reprendre du terrain. Pour cela, on passe à la critique de l’accord UE-Russie du 8 septembre, jugé trop laxiste. Même dans une phase de recherche d’un accommodement, l’OTAN n’a comme tactique possible, pour tenter de s’affirmer contre l’UE, qu’un position ferme dans cette recherche. Elle espère que cela lui conservera une vertu intacte de défenseur des valeurs occidentales, à défaut de clairvoyance politique. On fait avec ce qu’on a et comme on peut.

Publié dans OTAN-défense - ONU

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