Bientôt une base russe en Islande?
Pour l'Islande, mieux vaut le FMI que les Russes
LeMonde.fr - Jeudi 9 octobre, 13h53
Dans sa détresse, l'Islande aurait tout intérêt à demander du secours au Fonds monétaire international (FMI) plutôt qu'à la Russie. La deuxième banque du pays, la Landsbanki, a coulé en 24 heures et la devise nationale a sérieusement décroché : le gouvernement est aux abois. Le taux de change a été stabilisé à 131 couronnes pour un euro, après être grimpé à 200 couronnes pour un euro lundi 6 octobre, mais il faut trouver de nouvelles réserves de devises. Belle initiative. Ce qui est moins avisé, c'est de s'adresser aux Russes.
Le soutien au taux de change laissera un peu de répit au consommateur islandais, qui devra néanmoins digérer une dévaluation de 35 % par rapport à l'euro. Pour les nombreux habitants qui ont contracté des emprunts libellés en euros, il devient plus coûteux de rembourser. Le taux d'intérêt sur le marché domestique atteint 15% et l'inflation culmine à 14%.
La défense de la couronne islandaise exige de solides ressources. La moindre faiblesse inciterait les traders à parier sur l'échec de cette politique, jusqu'à ce qu'elle échoue en effet. Si la couronne était encore dévaluée, le pays aurait plus de difficulté à rembourser sa dette, et en arriverait peut-être même à ne plus l'honorer.
Un prêt russe de 4 milliards d'euros aurait du sens, encore que pour les Russes il compromettrait des finances déjà fragiles. Mais surtout, il viendrait bouleverser la donne géopolitique. L'Islande est membre de l'OTAN, et on peut s'attendre à ce que la Russie exige une récompense pour avoir prêté au petit pays l'équivalent d'un tiers de son PNB. L'éventualité d'une présence russe dans l'océan Nord-Atlantique ferait bondir les Etats-Unis. Le plus sage est d'emprunter au FMI. Bien sûr, l'Islande aurait toujours à prendre des engagements, mais ils seraient de bon aloi et de nature uniquement financière. L'hypothèse russe l'entraînerait plutôt sur le terrain militaire et stratégique.
Par ailleurs, la maîtrise de l'inflation et la rigueur budgétaire sont de toute façon les pierres angulaires du redressement de l'économie nationale, et les Américains feront certainement pression pour que l'offre du FMI soit avantageuse. L'Islande ferait mieux d'ouvrir les bras au FMI, sous peine d'être réduite à la condition de pion sur l'échiquier géopolitique.
Moscou tend la main à l'Islande
http://fr.rian.ru/analysis/20081008/117594455.html
RBC Daily/ Gazeta.ru/ Kommersant
Pour la première fois dans l'histoire contemporaine, la Russie pourrait apporter une aide financière directe à un pays occidental qui est, de plus, membre de l'OTAN, lit-on mercredi dans les quotidiens RBC Daily, Gazeta.ru et Kommersant.
Il s'agit de l'Islande, petit Etat dont le gouvernement n'est pas parvenu à obtenir une aide économique de l'Union européenne. De l'avis unanime des experts, dans le cadre de cette transaction, les dividendes politiques de Moscou pourraient compenser les risques financiers. Les autorités russes tentent depuis longtemps de persuader l'Occident que la Russie est prête au dialogue, qu'il n'y a rien à craindre de Moscou ni de l'expansion de son argent sur les marchés extérieurs.
Un crédit de 4 milliards d'euros (le budget de l'Islande est d'environ 10 milliards d'euros) représenterait moins de 1% des réserves de change de la Russie, et lui apporterait des dividendes politiques importants. Après le conflit en Transcaucasie, Moscou fait preuve d'une volonté de coopérer étroitement avec l'Occident. Cette situation rappelle le début du rapprochement avorté de l'élite russe avec les Etats-Unis après le 11 septembre 2001.
La situation du secteur financier en Islande est depuis longtemps critique. Les banques locales se sont développées en ayant recours à des emprunts étrangers. Dans le contexte d'une nouvelle étape de la crise financière, elles n'ont pu honorer leurs dettes. Mardi, alors que le cours de la monnaie nationale a fortement fluctué, chutant d'abord de 30% par rapport à l'euro pour remonter ensuite de 20%, la Banque centrale d'Islande a pris une mesure exceptionnelle en établissant le niveau de la monnaie islandaise à 131 couronnes pour un euro.
Des propositions de renoncer à la monnaie nationale pour passer à l'euro avaient déjà retenti en Islande. Mais au sein de l'Union européenne, on avait constaté qu'il était absurde d'en parler sans envisager l'adhésion du pays à l'UE. Bruxelles a refusé d'apporter une aide à Reykjavik. Dans cette situation, il faut rechercher de nouveaux amis. Ils ont été trouvés en la personne de la Russie. La décision d'accorder un crédit a été adoptée rapidement et au niveau politique le plus élevé.
De l'avis d'Evgueni Nadorchine, économiste principal de la banque d'investissement Trust, la Russie a décidé de s'assurer en Occident un ami qui lui sera très reconnaissant à l'avenir. "Pour eux, nous sommes une sorte de baguette magique. Si 4 milliards d'euros, actuellement sous forme de bons du Trésor américains, étaient transférés en Islande, cela pourrait même être considéré comme une diversification des risques".
"L'établissement de rapports étroits avec l'Islande est très important, avant tout du point de vue du contrôle sur l'Arctique, qui est impossible sans la participation de Reykjavik, estime le politologue Iouri Chevtsov. Evidemment, la Russie n'y installera pas de base militaire, mais la présence de banquiers, d'investisseurs ou d'entrepreneurs russes y sera un phénomène positif. Malgré ses petites dimensions, l'Islande est située dans une région du monde ayant une réelle importance stratégique".
Les rapports économiques russo-islandais se bornent aux échanges commerciaux, dont le chiffre d'affaires est d'environ 100 millions de dollars par an, et à un Institut de l'énergie géothermale commun. L'ex-gouverneur de la Tchoukotka Roman Abramovitch, qui s'est rendu sur l'île à plusieurs reprises, et les structures d'Oleg Deripaska ont manifesté de manière informelle leur intérêt pour d'éventuels investissements dans ce pays.
http://www.lesechos.fr/patrimoine/banque/300300730.htm?xtor=RSS-2094