George Mitchell, émissaire spécial au Proche-Orient

Publié le par sceptix

George Mitchell

Cette désignation est une demi-surprise. Non que cet ex-sénateur n'ait pas la dimension requise : il a joué un rôle-clé d'intermédiaire dans le processus de négociations qui a mis fin, en 1998, au conflit centenaire en Irlande du Nord. Mais son nom était jusqu'à récemment très peu évoqué.

Fils d'une immigrante chrétienne libanaise, M. Mitchell, 75 ans, a été sénateur démocrate du Maine de 1980 à 1995. En 2000, son nom avait été évoqué comme un possible colistier du candidat démocrate à la présidence, Al Gore. Au-delà de ses talents reconnus de négociateur, il est une personnalité politique de premier plan. Il avait suscité une polémique en publiant, en 2008, un rapport accablant sur l'usage du dopage dans le base-ball.

Le sens politique de la désignation de M. Mitchell ne sera pas connu avant quelques semaines, une fois qu'il aura été vu à l'œuvre. Mais, d'ores et déjà, cette désignation fait l'objet d'interprétations aux Etats-Unis. Barack Obama n'a finalement opté pour aucune des deux personnalités d'abord envisagées pour ce poste : Dennis Ross et Daniel Kurtzer.

Le premier avait déjà occupé cette fonction dans l'administration de George Bush père, puis dans celle de Bill Clinton. Ses liens avec le lobby pro-israélien à Washington et le rôle qu'il a joué dans l'échec des négociations de paix de Camp David, en juillet 2000 – dont il avait fait porter l'entière responsabilité à Yasser Arafat –, en auraient fait un choix "provocateur", pas tant vis-à-vis des régimes arabes (qui préfèrent souvent le connu à l'inconnu), qu'envers leur opinion publique pour qui M. Ross est irrémédiablement "marqué". M. Ross était, en revanche, le candidat préféré des Israéliens.

INQUIÉTUDES À JÉRUSALEM

M. Kurtzer, ancien ambassadeur en Egypte puis en Israël, ressortait d'un registre assez proche. M. Mitchell, lui, pourrait susciter des inquiétudes à Jérusalem. Car s'il n'est pas un spécialiste patenté du conflit israélo-palestinien, il s'y est déjà investi, en enquêtant au début 2001 sur les responsabilités dans le déclenchement de la deuxième Intifada (le 29 septembre 2000). Le simple fait que son rapport présente comme identiquement légitimes la "version" israélienne et la "version" palestinienne avait été vivement critiqué par les Israéliens.

Quant à ses "recommandations" pour relancer une négociation, Israël les avait acceptées, à condition que "les violences palestiniennes cessent" auparavant. M. Mitchell proposait que l'Autorité palestinienne agisse pour stopper les attentats, y compris en jugeant leurs auteurs, et que l'armée israélienne cesse de tirer sur des manifestants palestiniens désarmés. Israël devait dans le même temps stopper la colonisation des territoires occupés.

Le rapport Mitchell fait aujourd'hui partie des innombrables documents n'ayant jamais connu le moindre début d'application dans ce conflit. Mais il pourrait accréditer rétrospectivement l'idée qu'en désignant son auteur comme émissaire au Proche-Orient, M.Obama entend garder une marge de manœuvre sur ce dossier, en ne s'appuyant pas uniquement sur les personnels qui, sous ses deux prédécesseurs, MM. Clinton et Bush, ont privilégié la "relation spéciale" de Washington avec Israël au détriment d'un rôle de fair broker, d'"intermédiaire honnête".

Ancien haut responsable de la diplomatie américaine au Proche-Orient, Aaron Miller, qui a critiqué dans un livre – Une terre trop promise (Bantam, décembre 2008) – l'attitude américaine trop conciliante vis-à-vis de l'Etat juif, a estimé à l'agence Associated Press que le choix de M. Mitchell reflète "un engagement sérieux de la nouvelle administration pour résoudre le conflit arabo-israélien".

Sylvain Cypel
Source : le Monde.fr
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