« Mécontent des critiques turques sur Gaza, Israël pourrait reconnaître le génocide arménien »

Publié le par sceptix

 par Harut Sassounian

vendredi23 janvier 2009, par Stéphane/armenews


Info Collectif VAN - www.collectifvan.org - Le journaliste arméno-américain Harut Sassounian analyse dans son édito du The California Courier, la dégradation des rapports israélo-turcs suite à l’offensive israélienne sur Gaza : " Furieux du ton mordant des condamnations de la Turquie au sujet des attaques militaires menées par Israël sur Gaza, des responsables israéliens et des analystes politiques turcs évoquent à présent la possibilité que Tel Aviv se venge soit en reconnaissant le génocide arménien soit en refusant d’aider les Turcs à faire du lobbying pour bloquer une résolution sur le génocide au Congrès américain. " Quelle que soit la finalité de cette affaire, on ne peut que regretter que la reconnaissance d’un génocide, quel qu’il soit, soit l’objet d’un quelconque chantage. Le Collectif VAN vous soumet la traduction de l’éditorial de Harut Sassounian publié dans The California Courier daté du 15 janvier 2009.

 


Éditorial de Sassounian du jeudi 15 janvier 2009

Furieux du ton mordant des condamnations de la Turquie au sujet des attaques militaires menées par Israël sur Gaza, des responsables israéliens et des analystes politiques turcs évoquent à présent la possibilité que Tel Aviv se venge soit en reconnaissant le génocide arménien soit en refusant d’aider les Turcs à faire du lobbying pour bloquer une résolution sur le génocide au Congrès américain.

Ce tour inattendu pris par les événements est une réponse aux vives critiques continues du Premier ministre turc Recep Erdogan qui accuse Israël de "perpétrer des actions inhumaines qui le mèneront à une autodestruction. Tôt ou tard Allah punira ceux qui transgressent les droits des innocents." Erdogan a qualifié l’offensive israélienne sur Gaza de "sauvagerie" et de "crime contre l’humanité." Il a également refusé de répondre aux appels du Premier ministre israélien Ehud Olmert et il a rejeté une requête du Ministre israélien des Affaires étrangères Tzipi Livni de venir à Ankara.

Au départ, Israël avait minimisé l’importance des commentaires hostiles en provenance de la Turquie. Le site israélien DEBKAfile à Jérusalem, a indiqué "qu’une crise profonde dans les relations turco-israéliennes semblait être la première victime stratégique des attaques israéliennes visant à faire cesser la campagne de tirs de roquettes du Hamas." Un responsable du Ministère israélien des Affaires étrangères a dit à l’ambassadeur turc en Israël que des mots si durs étaient "inacceptables" entre nations amies. Un autre responsable israélien a ajouté : "Il serait nécessaire d’évaluer les dommages causés à cette relation par les commentaires [d’Erdogan]."

Dans son numéro du 5 janvier, le Jerusalem Post a accru les ennuis israéliens en remettant en question la crédibilité des jugements portés par la Turquie sur d’autres pays : "Tout bien considéré, nous ne sommes pas convaincus que la Turquie ait acquis le droit de sermonner les Israéliens sur les Droits de l’Homme. Pendant que le monde a les yeux fixés sur Gaza, l’aviation turque a bombardé des positions kurdes dans le nord de l’Irak. Au cours des années, des dizaines de milliers de personnes ont été tuées alors que le PKK poursuivait sa campagne d’autonomie vis-à-vis de la Turquie. Les civils kurdes en Irak se plaignent constamment du fait que les raids militaires aériens menés par Ankara touchent des zones de civils, où il n’existe aucune activité du PKK. Le prochain gouvernement israélien devra évaluer si Israël peut accepter comme médiateur un pays qui parle, bien que de façon elliptique, de notre destruction. Entre-temps, si la Turquie persiste dans son attitude inéquitable, dans sa rhétorique anti-israélienne, le Ministère des Affaires étrangères pourrait envisager de rappeler notre ambassadeur à Ankara pour consultations."

Finalement, le député israélien des Affaires étrangères, Majalli Whbee, a invectivé avec colère le Premier ministre de la Turquie. Whbee a été cité par plusieurs medias turcs : "Erdogan dit qu’un génocide à lieu à Gaza. Nous [Israël] reconnaîtrons alors les événements arméniens comme étant un génocide." Whbee, membre de la Knesset et proche confident du Premier ministre Olmert, a fait la déclaration suivante pour lancer un avertissement à la Turquie : "Nous, en tant qu’État d’Israël, espérons que les déclarations du Premier ministre Erdogan n’endommageront pas nos relations. Mais si la Turquie ne se comporte pas équitablement, cela aura des conséquences."

S’il est peu envisageable qu’Israël change sa position de longue date qui est de refuser de reconnaître le génocide arménien, le pays pourrait décider de ne pas satisfaire les requêtes turques à l’avenir, c’est-à-dire que les organisations juives américaines fassent du lobbying contre la résolution sur le génocide arménien au Congrès.

Le commentateur Yigal Schleifer a expliqué dans un article sur EurasiaNet qu’Erdogan pourrait "se retrouver en train de marcher sur une corde raide si la Turquie veut se distancer d’Israël. Ankara a longtemps dépendu d’Israël, qui lui a ouvert la voie à Washington, et des organisations juives américaines qui ont très souvent agi comme une sorte de lobbying de substitution pour la Turquie à Washington. Dans le passé, les organisations juives ont été des instruments servant à aider la Turquie à bloquer les efforts d’introduction de résolutions reconnaissant le génocide arménien de 1915, au Congrès. ’Il existe une colère réelle envers Erdogan à Capitol Hill et parmi ceux qui ont suivi la Turquie à Washington’, a déclaré un consultant de Washington qui suit attentivement les affaires turques. ’Personne ne menace de quoi ce soit en ce moment, ou personne ne sait quelles seront les répercussions, mais cela aura un effet.’ Le consultant ajoute : ’Le sentiment est qu’Erdogan a utilisé beaucoup de bonnes volontés.’"

Le journal turc Hurriyet, dans son numéro du 9 janvier, a essayé de minimiser les conséquences de la colère turque envers Israël, en déclarant qu’Israël espère que "le lobby juif aux États-Unis ...s’assurera, grâce à son influence sur des questions telles que bloquer des résolutions sur le génocide arménien, que la Turquie rentrera dans les rangs... Il est suggéré que si la Turquie ne rentre pas dans les rangs, ce même lobby la punira en refusant de l’aider sur ce point, ou même en s’assurant que les résolutions sont adoptées."

L’éditorialiste Barcin Yinanc a décrit dans Hurriyet la situation absurde dans laquelle se trouveront les responsables turcs dans quelques mois : "Lorsque le mois d’avril arrivera, je peux m’imaginer le gouvernement [turc] demandant à son ambassadeur en Israël de mobiliser le gouvernement israélien pour stopper les initiatives arméniennes au Congrès américain. J’entends déjà des Israéliens dirent à l’ambassadeur turc d’aller discuter avec le Hamas pour faire du lobbying au Congrès. Les commentaires acerbes d’Erdogan contre Israël ne sont certainement pas passés inaperçus en Israël... Je suis sûr que le gouvernement israélien ainsi que le lobby juif aux États-Unis n’oublieront pas ces déclarations."

Les responsables turcs ne désirent peut-être pas se souvenir du fait que la dernière fois qu’ils ont énervé un important député juif-américain, il s’est vengé en soutenant l’action au Congrès sur le génocide arménien. Le député Tom Lantos, un survivant de l’holocauste et un féroce opposant à la reconnaissance du génocide arménien, a surpris tout le monde en 2005 en votant en faveur de la résolution sur le génocide arménien, devant le Comité des Relations internationales de la Chambre. Lantos a fait savoir qu’il avait soutenu la résolution arménienne afin de donner une leçon aux Turcs qui n’avaient pas soutenu les USA à la veille de la guerre en Irak.

Au cours des jours qui viennent, les relations entre la Turquie et Israël pourraient se détériorer davantage, car des hommes politiques turcs, des journalistes et des responsables d’organisations non-gouvernementales ont demandé à Erdogan d’aller au-delà des mots et d’expulser l’ambassadeur israélien d’Ankara, de rappeler l’ambassadeur turc à Tel Aviv, d’annuler tous les accords militaires et économiques avec Israël, et d’interdire aux pilotes israéliens d’utiliser l’espace aérien turc. Erdogan devra peut-être avoir recours à de telles actions punitives pour apaiser la colère anti-israélienne largement répandue dans une bonne partie de l’opinion publique turque, avant les élections locales qui sont cruciales pour son parti au pouvoir.

©Traduction C.Gardon pour le Collectif VAN - 15 janvier 2009 - 07:20 - http://collectifvan.org/
http://www.armenews.com/article.php3?id_article=48489

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