Gaza : Israel peut-il nier les recits de ses propres soldats ?
Un mois environ après la fin de l¹opération à Gaza, encensée, magnifiée par
les médias israéliens dans leur ensemble pour la conduite "morale" de
l¹armée, la vérité commence à sortir, de la bouche même des soldats. Cette
fois, il ne s¹agit plus de Palestiniens ni de médias étrangers "hostiles"
qui, comme on le sait, ont lourdement tendance à "exagérer" voire à
"inventer" (est-ce un hasard si "l¹affaire A-Dura" ressort justement en ce
moment ?), mais de soldats israéliens. Nous publierons prochainement ces
témoignages. Voici en premier lieu l¹article d¹Amos Harel qui les annonçait
mercredi dernier]
Ha¹aretz, 18 mars 2009
http://www.haaretz.com/hasen/spages/1072228.html
Gaza : Israël peut-il nier les récits de ses propres soldats ?
Amos Harel
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Les témoignages des soldats israéliens du cours préparatoire "Itzhak Rabin"
offrent un premier regard non censuré sur ce qui s¹est passé dans certaines
des unités combattantes lors de la guerre de Gaza.
Il semble que ce que les soldats ont à dire corresponde à la manière dont
les choses se sont passées sur le terrain, la plupart du temps. Et, comme
d¹habitude, la réalité est totalement différente de la version édulcorée
qu¹en ont donnée au public et aux médias les chefs militaires, pendant et
après l¹opération.
Les soldats ne mentent pas, pour la raison simple qu¹ils n¹ont aucune raison
de mentir. A la lecture des transcriptions qui seront publiées dans notre
édition de vendredi (en cours de traduction, ndt), on n¹y trouve ni jugement
ni fanfaronnade. Il s¹agit de ce que les soldats ont vu à Gaza. Il y a là
une cohérence de témoignages, en provenance de secteurs différents, qui
renvoient une image troublante et déprimante.
L¹armée rendra un grand service à tous, à commencer par elle-même, en
prenant ces soldats et ces témoignages au sérieux et en enquêtant en
profondeur. Quand des témoignages viennent de Palestiniens ou de la « presse
hostile », il est toujours possible de les qualifier de propagande au
service de l¹ennemi. Mais que faire quand ce sont les soldats eux-mêmes qui
racontent la même histoire ?
Il est possible que se nichent dans les témoignages quelques erreurs ou
exagération, car un commandant d¹escadron ou de peloton ne perçoit pas
toujours les événements dans leur globalité. Mais là, il s¹agit de preuves
de première main de ce que la plupart des Israéliens préféreraient ignorer.
Comment l¹armée a mené sa guerre contre une organisation terroriste armée
alors qu¹une population civile d¹un million et demi de personnes était
coincée au milieu.
Mercredi, en réponse à un e question d¹Ha¹aretz, Danny Zamir, le directeur
du cours préparatoire, a déclaré qu¹il n¹avait décidé de publier ces textes
qu¹après avoir discuté et écrit plusieurs fois à des officiers haut placés.
Il a été dit à Zamir par l¹état-major que des enquêtes sur les opérations, y
compris sur leurs aspects éthiques, étaient toujours en cours. En outre, ces
officiers ont dit qu¹ils n¹avaient pas de preuves d¹incidents du type de
ceux que racontent les soldats.
Si l¹armée n¹a véritablement jamais entendu parler de tels incidents,
l¹hypothèse raisonnable est qu¹ils n¹ont pas voulu savoir. Les soldats
décrivent la réalité dans les unités combattantes, à partir du niveau
hiérarchique de la compagnie et plus bas. Or, dans les debriefings, les
participants sont habituellement d¹un niveau hiérarchique supérieur. Il
semble que, à part pour des incidents isolés, la règle soit : "si la
question n'est pas posée, on ne dit rien".
Au bout du compte, ceux qui ont dévoilé les sombres secrets ont été les
soldats eux-mêmes. Quelque part sur le chemin, leurs clignotants moraux se
sont éteints.
Dans les prochains jours, dans le cadre des efforts pour démentir ces
allégations, nous entendrons certainement parler de Zamir. En 1990, alors
qu¹il commandait une compagnie de réservistes, Zamir fut jugé et condamné à
la prison pour avoir refusé de protéger une cérémonie où des militants de
droite ont rapporté des rouleaux de la Torah à la tombe de Joseph à
Naplouse. Mais, même si Zamir ne cache pas ses opinions politiques, la
lecture des transcriptions montre qu¹il agit mû par une réelle inquiétude
pour l¹esprit de l¹armée.
Les problèmes éthiques à Tsahal n¹ont pas commencé en 2009. Des discussions
de ce genre ont suivi la guerre de 1967 (« Siah¹ lohamim », dialogue de
combattants, qui avait créé un vrai choc dans la société israélienne, ndt).
Mais un officier de réserve qui, mercredi, a regardé les transcriptions, a
dit : "Ce n¹est pas le Tsahal que nous connaissions".
Les descriptions montrent que la perception par Israël de l¹ennemi devient
plus extrême. La détérioration a été continue, depuis la première guerre du
Liban jusqu¹à l¹opération de Gaza, en passant par les Intifadas et
l¹opération « Rempart ».
http://www.lapaixmaintenant.org/