Paradis fiscaux : toujours le cirque médiatique

Publié le par sceptix

De mémoire de journalistes spécialisés dans les cocotiers, on n’a jamais vu autant de presse à propos des paradis fiscaux depuis 5 ans environ. Presque comique si la situation financière mondiale n’était pas tragique.

 

La dernière croisade des Etats-Unis et de l’Europe entamée il y a une dizaine d’années contre les « trous noirs de la dérégulation financière » ciblait surtout les paradis fiscaux exotiques.
Au début de la campagne, les grandes déclarations d’intention visaient à « moraliser » la pratique de l’offshore business, à mettre un peu d’ « éthique économique » dans la mécanique.
De cette lutte mondiale contre le secret bancaire, les paradis onshore de la vieille Europe s’en étaient plutôt bien sortis, laissant leurs correspondants des Caraïbes ou du Pacifique prendre les coups à leur place, scandale Enron oblige (on pourrait citer Worldcom aussi).
Suite à la faillite retentissante aux Etats-Unis de ce courtier en énergie, on avait appris que cette compagnie tentaculaire au chiffre d’affaires conséquent de 100 milliards de dollars dégageant d’énormes profits, ne payait plus d’impôts sur les bénéfices depuis quatre ans grâce à ses filiales offshore hébergées dans les Caraïbes, environ 700 aux Cayman et 120 aux Turks et Caïcos, deux petites colonies britanniques bien connues des experts en « optimisation fiscale ».
Au même moment, les USA étaient condamnés en appel par l’Organisation mondiale du commerce pour la pratique économique de ses « filiales offshore » jugée déloyale et surtout illégale, dénoncée comme un « système prohibé de subvention à l’exportation ».
Après le 11 septembre 2001, la traque à l’argent sale a pris une nouvelle dimension, motivant une implication plus radicale de l’administration Bush sur la piste des réseaux financiers du terrorisme et de leurs ayant droits.
Blacklistés par l’OCDE, menacés de représailles par le Trésor américain, nombre de petits paradis fiscaux insulaires ont fait mine de coopérer pour sortir de la liste des PTNC (Pays et territoires non coopératifs), multipliant les accords en matière de transparence et d’échanges d’informations fiscales et coupant les branches les plus pourries de leurs services financiers internationaux.
Dans les Petites Antilles, les fermetures en cascade des banques privées plus ou moins bidons et autres programmes de « citoyenneté économique » (vente de passeports) se sont accélérées à un rythme rare.
Gag collatéral du 11 septembre financier : quelque 2 millions de clients américains qui avaient pour habitude de frauder le fisc grâce aux services des banques offshore étrangères et notamment caribéennes, ont été dénoncés par leurs groupements de cartes bancaires contraints de dévoiler les titulaires de comptes affiliés à une banque d’Antigua, des Bahamas ou des Cayman. On était sûr à cet instant que l’offshore business était définitivement mort et enterré.
Quelques années ont passé, et les transactions « moralement préjudiciables » ont continué bon train de tous les côtés de l’Atlantique et partout sur la planète.
Fin d’une époque : dans le contexte actuel de la crise financière mondiale, ces transactions sont vécues aujourd’hui comme « inacceptables ». La preuve par Madoff et ses 50 milliards de dollars évaporés. La preuve aussi par la fraude fiscale des multinationales : plus de 125 milliards d’euros par an, soit « la somme que les Nations unies demandent pour réduire de moitié la pauvreté d’ici 2015 » a rappelé Oxfam France-Agir quinze jours avant le G-20.
Les
trois listes « provisoires » publiées par l’OCDE hier, jour du G-20 et lendemain du 1er avril, identifiant les juridictions plus ou moins fiscalement coopératives ont créé un petit effet de surprise presque comique. Seuls territoires à figurer en première ligne sur la liste noire : Costa Rica, Malaisie, Philippines et Uruguay. Pas vraiment des stars de la finance occulte, mais il fallait bien trouver des boucs émissaires au nom du « Naming and Shaming ». Ses pays sont donc « nommés » et « blâmés » parce qu’ils ne se sont pas encore engagés à coopérer, ce qu’a aussitôt démenti l’Uruguay.
Ensuite, pas de jaloux, Monaco ou Montserrat même combat, une liste « grise » intermédiaire regroupe tout le gratin du secret bancaire offshore et onshore, européen ou exotique, qui promet d’être coopératifs depuis plusieurs années (depuis quelques jours seulement pour les paradis européens) : Autriche, Andorre, Anguilla, Antigua et Barbuda, Aruba, Bahamas, Bahreïn, Belgique, Belize, Bermudes, Brunei, Cayman, Chili, Cook, Dominique (à ne pas confondre avec République dominicaine qui ne figure dans aucune liste), Gibraltar, Grenade, Guatemala, Liberia, Liechtenstein, îles Marshall, Luxembourg, Monaco, Montserrat, Nauru, Antilles néerlandaises, Niue, Panama, St Kitts - Nevis, Ste Lucie, St Vincent et les Grenadines, Samoa, Saint-Marin, Singapour, Suisse, Turks et Caïcos, Vanuatu et îles Vierges britanniques.
Seules îles des Caraïbes à sortir sur la liste blanche des pays coopératifs aux côtés de grandes nations comme la Chine, Chypre, l’île de Man, Malte ou encore les Seychelles : les îles vierges américaines et la Barbade. A force de lobbying entamé depuis une décennie, la Petite Angleterre a donc fini par convaincre qu’elle n’était pas un paradis fiscal, mais bien une destination « faiblement taxée ».
D’autres juridictions caribéennes peu transparentes, et encore moins coopératives pour certaines, sont étonnamment absentes de ces listes : Colombie, Cuba, Haïti, Honduras, Jamaïque, Nicaragua et Venezuela.
La liste des «
juridictions du secret offshore » récemment dévoilée par le projet de loi US visant à stopper le recours abusif aux paradis fiscaux nous semble moins diplomatiquement correcte, donc plus réaliste. La Barbade y côtoie par exemple les autres îles Caraïbes réputées paradisiaques, mais aussi Jersey, Chypre, Malte, l’île de Man et les paradis onshore de l’Europe et aussi le Costa Rica. Pas de trace en revanche de l’Uruguay, de la Malaisie ou des Philippines.
eCARAIBES

 

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O
merci
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C
A force de vouloir surfer sur la vague de l'opinion, les politiques ont oublié d'en apprécier le fond...
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