De la comparaison hasardeuse à la mystification du peuple – Les banques au cœur de l’économie

Publié le par sceptix

 
Written by Harald Greib (Traduction Geneviève Walter)   
Thursday, 02 April 2009

Voici revenu le temps des Grands Simplificateurs. Le temps de ceux qui, pendant des années, nous ont expliqué la mondialisation comme un phénomène naturel qui nous rendrait tous riches, qu’une économie résolument tournée vers l’avenir nécessitait un secteur financier sur-développé, que la dérégulation et la baisse des impôts nous ouvraient tout droit la route de la félicité.


Une chose est sure, ils ne cherchaient pas faire de la pédagogie, ni à dire la vérité. Ce qu’ils voulaient surtout, c’est leurrer l’opinion publique avec des slogans afin de servir leurs propres intérêts.

Comment ces mêmes politiciens, banquiers et leurs acolytes les experts en économie justifient-ils les sommes colossales qui sont injectées dans les banques en faillite? Les banques seraient les piliers du système, condition /sine qua non /de l’économie, et devraient, pour cette raison, être sauvées sans considération de coûts.

La métaphore qui inculquera au peuple cette vérité, unique et éternelle, est même déjà toute trouvée.

"L’argent est le sang de l’économie, son cœur en est la banque-pompe qui l’envoie dans les muscles."

Toute comparaison est boiteuse, certaines plus que d’autres. Mais celle-ci /boite/ tellement qu’elle ne se différencie pas du mensonge. Notre économie n’est pas un corps entier avec des organes vitaux irremplaçables mais un système d’éléments innombrables qui dépendent plus ou moins les uns des autres. Les banques ne forment pas non plus un corps stable et indivisible, mais bien un système fait de nombreux éléments: des grands et des petits, des nationaux et des internationaux, des caisses d’épargne et des banques d’investissement. Lorsque l’un s’écroule, il ne provoque pas la chute de tout le système. Que l’un ou l’autre s’effondre, d’autres apparaissent.

Que des créances soient perdues, ce n’étaient que des créances virtuelles, de simples atomes d’une énorme bulle de crédits, bulle qu’il faut vider avant toute possibilité d’un retour à une économie responsable.

S’il fallait faire une comparaison à tout prix, ce qui représenterait le mieux la situation économique du monde ce serait une infrastructure routière, dans laquelle des tronçons essentiels seraient impraticables. Car lorsque la circulation se reporte sur les voies secondaires, elle devient plus lente et difficile. Serait-ce si grave? N’est-ce pas là exactement ce dont nous avons besoin: d’une économie dans laquelle les entreprises ne seraient pas sous la contrainte d’une course aux profits? Et les travailleurs sous celle d’une course à la productivité? Une économie, où ceux qui gagnent le plus seraient ceux qui produisent véritablement des valeurs et non ceux qui spéculent et désossent les entreprises avec leurs sociétés d’actionnaires privés? Si une ou plusieurs banques font faillite, l’économie mondiale ne s’écroulera pas plus que ne le ferait l’économie allemande avec la faillite d’Opel. Chez Opel, c’est aussi comme ça qu’on dit les choses. L’amalgame entre Opel et les politiciens serait-il moins solide que celui entre les banques et les politiciens? Est-ce que Opel verse moins aux caisses des partis politiques ? N’y a t il pas pléthore de politiciens dans les conseils d’administration et cabinets juteux de consultants ?

Le calcul concernant les banques est très simple : si une banque est surendettée, il faut qu’elle fasse faillite. Ce n’est pas une catastrophe, si l’état peut financer le système de protections sociales qui garantit des conditions de vie décentes aux personnes jusqu’à ce que celles-ci retrouvent un emploi.

On nous brandit volontiers le sauvetage de la Nordenbank suédoise dans les années 90 pour justifier les perfusions financières aux banques allemandes. L’état suédois y aurait même gagné de l’argent. Depuis lors, le ministre des finances de l’époque a lui-même souligné dans un essai (cf 
http://www.project-syndicate.org/print_commentary/lpagrotsky2/German) qu’on ne pouvait pas comparer les deux situations. La Nordenbank était en grande difficulté car le marché immobilier s’était effondré. Les créances faisaient alors référence à des biens de valeur réels qui avaient perdu leur valeur de manière passagère. Il ne s’agissait alors que de conserver les créances jusqu’à ce que les signes d’un rétablissement du marché de l’immobilier apparaissent.

Bien au contraire, dans les bilans bancaires, les valeurs toxiques ne sont aucunement garanties par des biens réels dont la valeur serait susceptible de remonter.

La plupart des crédits dits "subprime" n’ont aucune valeur, car ils ne sont convertibles qu'en biens immobiliers pour lesquels si le marché était sain, il n’y aurait aucune demande.

La plupart des crédits, dits "default swaps" sont sans valeur parce qu’ils ont été souscrits par des entreprises qui n’ont jamais provisionné leur remboursement éventuel.

La valeur sur le marché étant nulle, la «fair value» des valeurs toxiques envisagé par l’état pour racheter les créances toxiques est profondément injuste pour les contribuables.

Ce sont eux qui paieront la note pour les pertes des banques. C’est incroyable: ceux qui ne juraient que par le tout puissant marché et sa main invisible croient désormais qu’une instance suprême est capable, en dehors de toute demande et d’offre, d'évaluer les créances !

Le plus tôt nous comprendrons tout ça et en tirerons les conséquences, le mieux se sera: la richesse des dernières années était virtuelle, la croissance aussi. Aujourd’hui, c’est la réalité qui  frappe à notre porte et, à long terme, aucune action de sauvetage ne pourra l'empêcher d'entrer dans nos vies. Le choix est tout simple: soit c'est la crise aujourd’hui , soit c'est la méga crise , la catastrophe, demain.

http://www.newropeans-magazine.org/content/view/9185/84/
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