Suisse : Les passeports biométriques évoquent le «1984» de George Orwell

Publié le par sceptix

Eveline Widmer-Schlumpf pourrait devoir revenir avec un nouveau projet pour sauver le passeport biométrique.

La fronde contre la loi en votation le 17 mai ratisse large, de gauche à droite. Vingt ans après l'affaire des fiches, beaucoup craignent un nouvel «Etat fouineur».

Le texte combattu par référendum vise à donner une base légale au passeport électronique. Ce dernier sera muni d'une carte à puce sur laquelle seront enregistrées les données usuelles (nom, prénom, date de naissance), la photo et deux empreintes digitales du détenteur. La Suisse répondrait ainsi aux exigences des Etats-Unis et de l'Union européenne (UE).

«1984»

Le fait que ces informations seront centralisées dans la banque de données ISA fait bondir les opposants. A gauche, certains n'ont pas hésité à évoquer le totalitarisme de «1984», l'ouvrage de George Orwell. Et de prédire une dérive vers le fichage forcé de 6,7 millions de Suisses.

Le Conseil fédéral se veut rassurant. Le système ISA a fait ses preuves depuis 2003, seules les autorités suisses (office fédéral de la police, bureaux des passeports, gardes-frontière, police) y auront accès, les données ne pourront pas être utilisées à des fins policières. Mais comme ce registre n'est pas exigé par l'UE, le camp du «non» réclame que la Suisse s'en passe.

Idem de la carte d'identité biométrique. Les services d'Eveline Widmer-Schlumpf répètent qu'il n'est prévu pour l'instant de rendre obligatoire un tel document. Mais le simple fait que la loi donne cette compétence au Conseil fédéral suffit à échauffer les esprits.

Large front d'opposants

La gauche n'est pas seule à pourfendre le projet. Le camp du «non» regroupe aussi la droite dure, UDC en tête, certains bourgeois ainsi les milieux de défense des consommateurs et du contrôle des habitants. Et il n'en va pas que de la protection des données.

Selon plusieurs informaticiens, les failles techniques seraient trop nombreuses. Il serait ainsi possible de suivre à la trace les détenteurs du nouveau passeport. Certains n'apprécient pas que la Suisse se soumette aux «ordres» de Washington et Bruxelles.

D'autres critiquent le prix du nouveau document (140 francs pour les adultes, 60 pour les enfants). D'autres encore s'opposent à la centralisation au niveau cantonal de l'émission des documents d'identité.

Plus sûr

Face à ces critiques, le Conseil fédéral, soutenu par le PDC et le PLR, met en avant la sécurité. Il sera plus difficile de se servir d'un document perdu ou volé. Le risque qu'une personne se procure un passeport sous une fausse identité sera quasi nul.

La Suisse pourra certes autoriser d'autres Etats, voire des compagnies de transport ou des exploitants d'aéroports, à lire les informations contenues dans la puce. Mais le gouvernement pourra en tout temps retirer son autorisation.

Liberté de voyager

Les services d'Eveline Widmer-Schlumpf et l'économie espèrent faire mouche avec un autre argument plus pratique: la liberté de voyager. L'absence de puce avec empreintes digitales pourrait signifier pour les Suisses l'obligation d'un visa pour se rendre aux Etats-Unis. Outre les tracasseries administratives, il en coûtera quelque 170 francs.

La poursuite de la participation suisse aux espaces Schenhen et Dublin est en outre liée à l'adoption d'un passeport biométrique conforme aux normes européennes. Le tourisme pâtirait alors d'un «non». Indiens, Russes ou Chinois devraient en effet commander un visa rien que pour la Suisse. Ils risquent donc de ne plus vouloir s'y arrêter lors de leur périple en Europe.

Aucun danger, répondent les oppposants de gauche. La Suisse a jusqu'au 1er mars 2010 pour mettre en oeuvre un projet. Puis, à partir de cette date, encore 90 jours pour trouver avec l'UE une solution qui évite de dénoncer les accords Schengen/Dublin.

En cas de «non» le 17 mai, le Conseil fédéral n'a qu'à revenir avec un nouveau texte sans recours au fichier centralisé et laissant le libre choix aux Suisses entre documents (carte d'identité et passeport) biométriques ou non biométriques, affirme le comité.


Quels documents et à quel prix?

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, de nombreux pays ont renforcé sous la pression des Etats-Unis la sécurité des documents de voyages. La saga des passeports suisses émis depuis lors peut faire tourner la tête aux voyageurs.

La Suisse s'est dotée en 2003 d'un nouveau passeport à lecture optique, valide dix ans. Ce modèle coûte 120 francs (55 francs pour les moins de 18 ans) alors qu'auparavant l'émolument était laissé à la libre appréciation des cantons (en moyenne 113 francs, de 80 francs à Zoug à 160 francs à Genève).

Ce document était censé permettre aux voyageurs suisses de continuer de se rendre aux Etats-Unis sans visa. Mais il a fallu passer à l'étape suivante: le passeport biométrique, introduit en 2006 dans le cadre-d'un projet pilote, valide cinq ans et facturé 250 francs (180 francs pour les moins de trois ans).

Eviter le visa

Actuellement pour éviter le visa américain, il faut posséder soit un passeport modèle 2006, soit un passeport modèle 2003 pour autant qu'il ait été émis avant le 26 octobre 2006. Le nouveau modèle biométrique que le Conseil fédéral veut généraliser dès 2010 devrait procurer les mêmes avantages.

L'émolument s'élèvera à 140 francs (60 francs pour les moins de 18 ans). Mais il sera possible d'obtenir un rabais en cas de commande simultanée d'un passeport et d'une carte d'identité: 148 francs les deux documents (68 francs pour les moins de 18 ans). Les passeports 03 et 06 resteront valides jusqu'à leur date d'échéance.

Si la Suisse n'introduit pas définitivement le passeport électronique, elle risque d'être exclue du Visa Waiver Programm américain. Les Suisses devraient alors se déplacer en personne à l'ambassade des Etats-Unis à Berne pour se procurer le sésame nécessaire à leur voyage, non sans avoir déboursé 170 francs et réuni la série de documents exigés.

Carte d'identité

Le ciel semble un peu plus dégagé concernant l'Union européenne. Pour se rendre dans la plupart des pays de l'UE, une simple carte d'identité suffit. L'introduction d'une carte munie d'une puce électronique reste encore de la musique d'avenir. La loi soumise en votation permettrait au Conseil fédéral de l'imposer mais rien de concret n'a pour l'instant été décidé.

La carte d'identité continuera pour l'heure de coûter 65 francs. Mais il ne sera plus possible de s'adresser au contrôle des habitants de sa commune. Après un délai de deux ans au plus, les cantons seront compétents pour le traitement des demandes. Ils fixeront le nombre de centres de commande sur leur territoire.

L'établissement d'un passeport et d'une carte d'identité pourra être demandé au même endroit selon une procédure identique. Il ne sera plus nécessaire de courir au photomaton, les données biométriques (photo et empreintes digitales) étant collectées sur place. Le traitement des commandes devrait en outre être plus rapide, de 15 jours ouvrables actuellement à 10.
http://www.20min.ch/ro/news/dossier/votations/story/17123137

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R
"la sécurité. Il sera plus difficile de se servir d'un document perdu ou volé. Le risque qu'une personne se procure un passeport sous une fausse identité sera quasi nul." qu'ils donnent comme "avantage.Est-ce si sûr que ce soit et sera tojours un avantage ?On oublie trop viteon n e pense pass assezSi on veut penser "principe de précaution", il y a une précaution qu'il ne faut surtout pas négliger .....écoutez Ici des entretiens avec Germaine Tillion (ça fait un drole d'effet d'entendre parler quelqu'un qui est né en 1907 ....) elle évoque son action de résistance dans le réseau du Musée de l'Homme. Une de leurs principales occupations consistaient à faire des faux papiers pour les prisonniers de guerre évadés. Je répète : la Résistance française a été principalement basée sur la confection de faux papiers. Ils n'y pensent pas (ou bien y pensent -ils justement ? ...) nos sécuritaristes à outrance: si advenait une nouvelle situation comme celle de la France sous l'occupation, l'action de la Résistance (gaulliste donc) ne serait plus possible, avec toutes les mesures sécuritaires actuelles elle serait décapitée en un rien de temps, et tous les gens qui ont été alors sauvés par des faux papiers n'auraient plus aucune chance. C'est ça aussi le "principe de précaution", pensez-y ! Et tout ça sous le prétexte de "lutter contre le terrorisme" (en attendant les gens qui terrorisent les citoyens ordinaires actuellement ne sont pas ces fantomatiques "terroristes" mais bien ceux-ci: http://hns.samizdat.net/article2381.html) Hé! rouvrez les journeaux d'alors: c'est ce que faisaient aussi les allemands (et la milice Vichyste): lutter pour la Sécurité (Sicherheit) et contre les terroristes ! (Terroristen) ...... de nos jours la wikipedia anglophone classerait sans doute sans rémission Germaine Tillion comme d'une illégalité inadmissible et toute mention de son nom sur Internet comme un "pourriel"
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