Le CSA, chambre d'enregistrement ...
Hees bien raisonnable ?
RADIO - Quelle surprise ! Le CSA a adoubé ce matin Jean-Luc Hees, le candidat présenté par Nicolas Sarkozy pour remplacer Jean-Paul Cluzel à la tête de Radio France. Un “choix” dicté d'avance : Hees était le seul candidat. Entendu hier après-midi par les sages du CSA, il n'avait pourtant pas été très convaincant. Retour sur quelques phrases clés.
Hier après-midi. Devant le siège du Conseil supérieur de l’audiovisuel, des paparazzis sont cachés derrière les arbres, des caméras disposées partout : étonnamment, la première audience publique pour la nomination d’un président de Radio France suscite une curiosité médiatique considérable. Quelle affaire ! Pendant deux heures, Jean-Luc Hees, le candidat auditionné, va présenter son projet pour Radio France et répondre aux questions des neuf sages. Florilège en dix points et mots clés.
Le mot du début : « co-décision ! »
Sûrement fâché que la presse ait annoncé que le président de la République himself a choisi le candidat Hees, Michel Boyon, le président du CSA, met d’emblée les points sur les i : « Il s’agit d’une co-décision avec l’exécutif - [le nouveau surnom de Nicolas Sarkozy - ndlr]. A la suite de cette audience, nous donnons un avis favorable ou non. Le candidat passe ensuite devant la commission des Affaires culturelles de l’Assemblée nationale et du Sénat. C’est le processus. »
Que pense le candidat Hees des antennes de Radio France ?
Il le dit comme il le pense, il souhaite que la maison Radio France (et notamment France Inter, croit-on lire dans ses pensées) soit « moins prétentieuse ». « Dans le privé [JLH anime des émissions sur Radio Classique depuis 2006], les salariés savent qu’il fait froid dehors. Ils sont dans la réalité, ce n’est pas le cas à Radio France. Ce n’est pas un luxe de travailler dans le service public, mais un privilège. Sur les radios privées, il y a plus de chaleur et d’empathie avec les auditeurs. »
Attaché à l’aventure de France Info, il désire que cette radio prenne plus de risques ; que Le Mouv’ et FIP soient mieux diffusés en FM ou par d’autres moyens. Il n’a rien à dire sur France Culture, qu’il considère comme « une vision chimiquement pure du service public. » Il apprécie France Bleu – « je ne suis pas parisien, mais un gars de la province » –, mais n’accepte pas que son audience n'augmente pas…
Au sujet de France Musique, il dit : « Pendant ma plongée à Radio Classique, j’ai découvert un monde moderne, fantaisiste. Il y a un problème d’audience à France Musique, il faut revoir la programmation. » Le modèle Radio Classique transposé à France Musique ? Les mélomanes vont apprécier…
L'impertinence !
A propos de Stéphane Guillon qui aurait, par ses chroniques trop subversives au goût du président de la République, provoqué le départ de Jean-Paul Cluzel, Jean-Luc Hees se contente de dire que c’est lui qui l’a fait venir sur France Inter. « Il me fait rire un jour sur deux (…). Quand à l’impertinence, je ne l’accepte que s’il n’y a ni diffamation ni insulte. [Tiens tiens, ce sont exactement les mots de Nicolas Sarkozy commentant, en d’autres circonstances, ces fameuses chroniques !]. D’ailleurs, je ne suis pas sûr que les auditeurs cherchent de l’impertinence...» Ah bon ? On est ravis de l'apprendre.
Un nom bel et bien cité !
Philippe Val, dont on annonce l’arrivée à France Inter. « Je confirme que Philippe Val est mon ami. Mais ce n’est pas un critère pour lui donner un job. » Là dessus, on est d'accord.
Des noms jamais cités
Nicolas Sarkozy, Jean-Paul Cluzel, l’actuel président de Radio France, Frédéric Schlesinger, l’actuel patron de France Inter.
Mais tout de même… quel bilan pour le Radio France de Cluzel ?
Il ne souhaite pas en parler. Lorsque les sages lui parlent des années Cluzel, Jean-Luc Hees arrête systématiquement ses interlocuteurs par cette phrase : « J’ai 57 ans, la vie est courte. Je regarde devant. » Quand il s’agit de lui, en revanche, il ne cesse de regarder dans le rétroviseur. Alors, « Hees been », le futur patron de Radio France ?
Et l'avenir, le numérique, la radio sur Internet ?
Ses déclarations sur le numérique font frémir dans l'assemblée, et au-delà : « L'avenir... ça va prendre du temps. Vous savez, les Anglais ont adopté le numérique depuis 15 ans, et ils n’y font que 15 % de leur audience. Je crois plus volontiers à la complémentarité de la radio avec Internet. » Pas très visionnaire, tout ça...
La phrase qui tue
« Lorsque j’étais directeur de France Inter, j’ai toujours été devant Europe 1. Mes plus mauvais scores d’audience, réalisés lors de grèves, sont meilleurs que ceux d’aujourd’hui... » D'accord. Une autre phrase qui tue ? « Le service public doit faire de l’audience. Il ne peut rester autour d’un feu de camp et deviser en trouvant que le monde extérieur est cruel. » Les équipes de la Maison Ronde ont sans doute adoré.
La passion du métier
Lorsqu’on lui demande s’il est capable d’abandonner le micro, l’intéressé supplie : « Vous savez, je me soigne. Mais laissez-moi la possibilité d’interviewer, si cela se présente, Bruce Springsteen et Barack Obama. » Rien que ça ?
Le mot de la fin
On ne s'en lasse pas, de cette phrase, alors on vous la repasse. « L’avenir... va prendre du temps. » Ben en fait, pas tant que cela. Douze heures après cet entretien peu convaincant, le CSA annonce qu’il accepte la proposition de L’Exécutif... Pouvait-il faire autrement ? Il n’y avait qu’un candidat.
Anne-Marie Gustave
http://www.telerama.fr/radio/hees-bien-raisonnable,41586.php