La grande charcuterie du redécoupage électoral est ouverte

Publié le par sceptix

Le redécoupage des circonscriptions législatives est en cours. Les méthodes employées sont révélatrices d'une vision de la transparence électorale à la Française.

 

Déjà sous Napoléon III, le pouvoir utilisait le redécoupage comme arme électorale. La tactique est connue : concentrer les cantons favorables à B dans quelques circonscriptions bétonnées pour l'adversaires, diluer le reste des cantons majoritaires pour B dans des circonscriptions favorables à A (remplacer A par le parti au pouvoir, B par l'opposition). La dilution des villes dans des cantons ruraux est une méthode connue, tout comme l'absence total de la prise en compte des réalités géographiques et économique d'un département. Les Alpes de Haute Provence en sont un très bon exemple, et l'ont pourrait citer Lyon découpé en lannière, le charcutage de Marseille, ou la division d'Aix en deux circonscriptions.

 

Le dernier découpage date de 1988 (dans sa biographie, l'ex Ministre de l'Intérieur Charles Pasqua avouait avoir fait un découpage défavorable au PS, très défavorable au PS, et gentil avec le PCF). Même si ce travail est toujours long et impopulaire, un redécoupage était plus que nécessaire. Entre la 2ème circonscription de Lozère (34 400) et la 2ème du Val-d'Oise (188 134 habitants), le rapport était de plus d'un à cinq ! Le Sud Est, la facade Atlantique et l'ïle de France étaient sous-représentées à l'Assemblée. Dans un même département la différence pouvait également être conséquente (Var : 79 244 habitants pour la 1ère circo, 180 368 pour la 8ème). Certains départements perdront des circonscriptions, d'autres en gagneronts, d'autres enfin seront redécoupés quand les disparités internes seront trop fortes (voir la liste des gains et des pertes).

 

Nécessaire donc. Mais inquiétant. Car une nouvelle fois, ce redécoupage est à nouveau plus politique que géographique. De nombreux éléments nous le montrent  :

- Le maître d'oeuvre n'est autre qu'Alain Marleix, Secrétaire d’Etat à l’Intérieur et aux Collectivités Territoriales mais surtout grand spécialiste UMP de la carte électorale. Il est anormal que le spécialiste des élections à un parti se retrouve à pouvoir redéfinir l'ensemble des règles d'une élection.

- Avant censure par le conseil constitutionnel, le projet de loi encadrant le redécoupage contenait plusieurs cadeaux pour la droite. La règle absurde du minimum de deux députés par circonscriptions favorisait la droite. Le fait de donner un député aux îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin en leur faisant passer pour des collectivités territoriales, malgrè leurs tailles très restreintes (8400 habitants pour Saint Bath).Le conseil constitutionnel a également souhaité limiter l'explosion de villes ou de cantons en deux circonscriptions;

- la commission de contrôle du rédoupage électorale vient tout juste d'être mise en place alors que plusieurs cartes fuitent déjà (Le Monde publie aujourd'hui la carte des circonscriptions supprimées). Il est problématique que ce soit le gouvernement qui ait le pouvoir de proposition. La commission évitera juste les propositions trop scandaleuses, mais le rédécoupage restera sur des bases de pure comptabilité élecotrale, loin de toute cohérence des territoires.

 

Et ce n'est qu'un début. Car les députés, plutôt que de se battre pour un rédécoupage sain, défendront leur bout de gras. Leur hantise est de perdre des cantons favorables qu'ils ont patiemment investis, voir clientélisés.A la lecture du redécoupage girondin, le secrétaire départemental de l'UMP Gironde Nicolas Florian a ainsi déclaré dans Sud Ouest :  « J'y vois une cohérence territoriale et aucun parlementaire ne sera obligé de déménager, ce qui était un des principes de base ». La clause "déménageur" ne figure pourtant pas dans la loi...

 

L'opposition ? Comme d'habitude le PS va hurler mais ne proposera qu'un autre découpage fait avec les mêmes méthodes. Elle met d'ailleurs en avant ses propres spécialistes qui ne feront que du Marleix à l'envers, n'utilisant les critères économiques et géographiques qu'à condition qu'ils leurs soient utiles. Les petits partis déjà laminés par l'absence de proportionnel (Modem, PRG, PCF, Verts) et les Villepinistes (la circonscription de Jean Pierre Grand est visée) risquent de faire les frais des marchandages des deux gros.

 

La démocratie ne sera pas grandie par ce marchandage de charcutiers électoraux. D'autres méthodes sont pourtant possibles. Je ne saurais que conseiller l'excellent site du géographe Frédéric Salmon.

Publié dans Russie

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