3 vagues scélérates / Vers une guerre mondiale des taux d'intérêts pour capter l'épargne globale

Publié le par sceptix

3 vagues scélérates, par H-G Fandrich pour LEAP/E2020
3 vagues scélérates, par H-G Fandrich pour LEAP/E2020
Comme anticipé par LEAP/E2020 dès Octobre 2008, à la veille de l'été 2009, la question de la capacité des Etats-Unis et du Royaume-Uni à financer leurs déficits publics désormais incontrôlés s'est imposée comme la question centrale dans le débat international, ouvrant de ce fait la voie au double phénomène d'une cessation de paiement des Etats-Unis et du Royaume-Uni d'ici la fin de l'été 2009.

Ainsi, à ce stade de développement de la crise systémique globale, contrairement au discours médiatique et politique dominant actuellement, l'équipe de LEAP/E2020 n'envisage pas du tout de reprise après l'été 2009 (ni d'ailleurs dans les douze mois à venir) (1). Bien au contraire, du fait de l'absence de traitement de fond des problèmes à l'origine de la crise, nous considérons que l'été 2009 va voir la convergence de trois « vagues scélérates » (2) particulièrement destructrices qui traduisent la poursuite de l'aggravation de la crise et vont provoquer des bouleversements historiques d'ici les mois de Septembre/Octobre 2009. Comme c'est le cas depuis le début de cette crise, chaque région du monde ne sera bien entendu pas affectée de la même manière (3) ; mais, pour nos chercheurs, toutes sans exception connaîtront une forte dégradation de leur situation d'ici la fin de l'été 2009 (4).

Cette évolution risque ainsi de prendre à contre-pied nombre d'opérateurs économiques et financiers tentés par l'euphorisation médiatique actuelle.

Dans ce numéro spécial « Eté 2009 » du GEAB, notre équipe présente bien entendu en détail ces trois vagues destructrices convergentes et leurs conséquences. Et notre équipe détaille en conclusion ses recommandations stratégiques (or, immobilier, bons, actions, devises) pour éviter d'être emporté par cet été meurtrier.


Durée (en mois) des récessions US depuis 1900 (durée moyenne : 14,43 mois) - Sources : US National Bureau of Economic Research / Trends der Zukunft
Durée (en mois) des récessions US depuis 1900 (durée moyenne : 14,43 mois) - Sources : US National Bureau of Economic Research / Trends der Zukunft
Ainsi, pour LEAP/E2020, loin des « jeunes pousses » (« green shoots ») aperçues depuis deux mois dans tous les coins de tableaux statistiques (5) par les médias financiers internationaux, leurs experts attitrés et les politiciens qui les écoutent (6), ce sont trois vagues particulièrement destructrices pour le tissu socio-économique qui vont converger au cours de l'été 2009, traduisant la poursuite de l'aggravation de la crise et entraînant des bouleversements historiques dès la fin de l'été 2009, en particulier des situations de cessation de paiement des Etats-Unis et du Royaume-Uni, tous deux au cœur du système global en crise :

1. La vague du chômage massif: trois dates d'impact qui varient selon les pays d'Amérique, d'Europe, d'Asie, du Moyen-Orient et d'Afrique
2. La vague déferlante des faillites en série : Entreprises, banques, immobilier, états, régions, villes
3. La vague de la crise terminale des Bons du Trésor US, du Dollar et de la Livre et du retour de l'inflation


Le commerce mondial s'effondre : Graphique 1 : Evolution annuelle des exportations de 15 grands pays exportateurs (1991-02/2009) / Graphique 2 : Evolution annuelle des exportations de 15 grands pays exportateurs entre février 2008 et février 2009 (la ta
Le commerce mondial s'effondre : Graphique 1 : Evolution annuelle des exportations de 15 grands pays exportateurs (1991-02/2009) / Graphique 2 : Evolution annuelle des exportations de 15 grands pays exportateurs entre février 2008 et février 2009 (la ta
Ces trois vagues ne sont en fait pas successives comme ces vagues scélérates appelées « trois soeurs » pourtant si destructrices ; elles sont bien plus dangereuses car elles sont simultanées, asynchrones et non parallèles. De ce fait, leur impact sur le système mondial est générateur de dislocation puisqu'elles l'atteignent sous divers angles, à différentes vitesses, avec des forces variables. La seule certitude à ce stade, c'est que le système international n'a jamais été aussi faible et démuni face à une telle situation : la réforme du FMI et des institutions de gouvernance mondiale annoncée au G20 de Londres reste lettre morte (7), le G8 ressemble de plus en plus à un club moribond dont tout le monde se demande désormais à quoi il peut bien servir (8), le leadership américain n'est déjà plus que l'ombre de lui-même qui tente désespérément de conserver des acheteurs pour ses bons du trésor (9), le système monétaire mondial est en pleine désintégration avec les Russes et les Chinois notamment qui accélèrent leur jeu pour se positionner dans l'après-Dollar, les entreprises ne voient aucune amélioration à l'horizon et accroissent leurs licenciements, des états de plus en plus nombreux vacillent sous le poids de leur dette accumulée pour « sauver les banques » et devront assumer une déferlante de faillites dès la fin de l'été (10). A l'image des banques, d'ailleurs, qui, après avoir soutiré encore une fois l'argent des épargnants crédules grâce à l'embellie des marchés financiers orchestrée ces dernières semaines, vont devoir reconnaître qu'elles sont toujours insolvables dès la fin de l'été 2009.

Aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni en particulier, l'effort financier public colossal réalisé en 2008 et début 2009 au seul profit des grandes banques a atteint un tel degré d'impopularité qu'il était devenu impossible au Printemps 2009 d'envisager de nouvelles infusions de fonds publics au profit des banques pourtant toujours insolvables (11). Il est alors devenu impératif d'orchestrer un « beau conte de fée » pour pousser l'épargnant moyen à injecter ses propres fonds dans le système financier. A coup de « green shoots », d'indices boursiers poussés vers le haut sans fondement économique réel et de « remboursements anticipés de fonds publics », la mise en condition a été effectuée. Ainsi, pendant que les grands investisseurs des monarchies pétrolières ou des pays asiatiques (12), profitant de l'aubaine, sortaient du capital des banques en question, une multitude de nouveaux petits actionnaires y entraient pleins d'espoir. Quand ils découvriront que les remboursements de fonds publics ne sont qu'une goutte d'eau par rapport à ce que ces mêmes banques ont obtenus en terme d'aide public (notamment pour garantir leurs actifs toxiques) et que, d'ici trois à quatre mois au maximum (comme analysé dans ce GEAB N°36), ces mêmes banques seront à nouveau sur le point de s'effondrer, ils constateront, impuissants, que leurs actions ne valent à nouveau plus rien.


Accroissements respectifs du PNB (en vert) et de la dette US (en rouge) (en Milliards USD) - Sources : US Federal Reserve / US Bureau of Economic Analysis / Chris Puplava, 2008
Accroissements respectifs du PNB (en vert) et de la dette US (en rouge) (en Milliards USD) - Sources : US Federal Reserve / US Bureau of Economic Analysis / Chris Puplava, 2008
Intoxiqués par les financiers, les dirigeants politiques de la planète vont à nouveau avoir la surprise après l'été de découvrir que tous les problèmes de l'année passée vont resurgir, démultipliés, car ils n'ont pas été traités, mais juste « enfouis » sous des masses immenses d'argent public. Une fois cet argent dilapidé par des banques insolvables, forcées à « sauver » des concurrents en pire état qu'elles-mêmes, ou dans des plans de stimulation économique mal conçus, les problèmes ressortent aggravés. Pour des centaines de millions d'habitants d'Amérique, d'Europe, d'Asie et d'Afrique, l'été 2009 va être une terrible transition vers un appauvrissement durable du fait de la perte de leur emploi sans perspective d'en retrouver un avant deux, trois ou quatre années; ou du fait de l'évaporation de leurs économies placées directement en bourse, dans des fonds de retraite par capitalisation ou des placements bancaires liés à la bourse ou libellés en Dollar US ou en Livre britannique; ou bien du fait de leur investissement dans des entreprises poussées à attendre désespérément une embellie qui ne viendra pas avant longtemps.


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Notes:

(1) Pas même de reprise sans emplois («jobless recovery ») comme essayent de nous le vendre nombre d'experts. Aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en zone Euro, au Japon, ce sera une reprise sans reprise (« recoveryless recovery »), une pure invention destinée à essayer de faire re-consommer des consommateurs américains ou britanniques insolvables et à faire patienter le plus longtemps possible les pays acheteurs de Bons du Trésor US et de Gilts britanniques (avant qu'ils ne décident qu'il n'y a plus d'avenir pour leurs produits aux pays du Dollar et de la Livre).

(2) Les «
vagues scélérates » sont des vagues océaniques très hautes, soudaines et qui étaient considérées comme très rares, même si aujourd'hui on sait qu'elles apparaissent au cours de pratiquement toutes les tempêtes d'une certaine importance. Les « vagues scélérates » peuvent atteindre des hauteurs de crête à creux de plus de 30 mètres et des pressions phénoménales. Ainsi, une vague normale de 3 mètres de haut exerce une pression de 6 tonnes/m². Une vague de tempête de 10 mètres de haut peut exercer une pression de 12 tonnes/m². Une vague scélérate de 30 mètres de haut peut exercer une pression allant jusqu'à 100 tonnes/m². Or, aucun navire n'est conçu pour résister à une telle pression. Il existe aussi le phénomène des « trois sœurs ». Il s'agit de trois « vagues scélérates » successives et d'autant plus dangereuses, car un bateau qui aurait eu le temps de réagir correctement aux deux premières, n'aurait en aucun cas les possibilités de se remettre dans une position favorable pour affronter la troisième. Selon LEAP/E2020, c'est à un phénomène de ce type que le monde va être confronté cet été ; et aucun état (navire) n'est en position favorable pour les affronter, même si certains sont plus en danger que d'autres comme l'anticipe ce GEAB N°36.

(3) LEAP/E2020 considère que ses anticipations sur l'évolution socio-économique des différentes régions du monde publiées dans le GEAB N°28 (15/10/2008) sont toujours pertinentes.

(4) Ou, plus exactement, dans chacune des régions, la dégradation de la situation ne pourra plus être masquée par des artifices médiatiques et boursiers.

(5) Il sera d'ailleurs intéressant, en matière de statistiques économiques américaines, de suivre les conséquences de la révision par le
Bureau of Economic Analysis des classifications et processus de calcul qui interviendra le 31/07/2009. En général, ce type de révisions a pour résultat de rendre plus complexe les comparaisons historiques et de modifier dans un sens favorable les statistiques importantes. Il suffit pour s'en rendre compte de constater comment les révisions précédentes ont permis de diminuer par 3 en moyenne le niveau d'inflation mesuré. Source : MWHodges, 04/2008.

(6)Les lecteurs du GEAB n'auront pas manqué de constater que ce sont exactement les mêmes personnes, médias et institutions qui, il y a 3 ans, trouvaient que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes ; il y a 2 ans, qu'il n'y avait aucun risque de crise grave ; et il y a un an, que la crise était sous contrôle. Donc des avis d'une très grande fiabilité !

(7) Sauf au niveau régional, où chaque entité politique s'organise à sa manière. Ainsi, profitant de l'effacement politique du Royaume-Uni englué dans la crise financière, la crise économique et la crise politique, l'UE est en train de mettre la City londonienne sous tutelle (source :
Telegraph, 11/06/2009). L'été 2009 risque ainsi de mettre fin à 300 ans d'histoire d'une City toute puissante au cœur du pouvoir britannique. A ce sujet, il faut lire le très instructif article de George Monbiot dans The Guardian du 08/06/2009 et surtout prendre le temps de lire le brillant essai de John Lanchester publié dans la London Review of Books du 28/05/2009 et intitulé « It's finished ».

(8) D'ailleurs qui se soucie encore des déclarations finales des G8, comme celle du G8 Finance du 13/06/2009 (source :
Forbes, 13/06/2009), à un moment où chacun agit en fait de son côté : Américains d'un côté, Canadiens et Européens de l'autre, Britanniques et Japonais au milieu, tandis que les Russes jouent un jeu différent ?

(9) La mésaventure arrivée au Secrétaire d'Etat au Trésor américain, Timothy Geithner lors de son récent discours aux étudiants en économie de l'université de Pékin est à ce titre très instructive : le public de l'amphithéâtre a éclaté de rire lorsqu’il s’est mis à expliquer doctement que les Chinois avaient fait un bon choix en investissant leurs avoirs en Bons du Trésor et en Dollars US (source :
Examiner/Reuters, 02/06/2009) ! Or il n'est rien de pire pour un pouvoir établi que de susciter l'ironie ou le ridicule car la puissance n'est rien sans le respect (de la part à l'ami autant que de l'adversaire), surtout quand celui qui se moque est censé être « piégé » par celui qui est moqué. Cet éclat de rire vaut, selon LEAP/E2020, de longues démonstrations pour indiquer que la Chine ne sent pas du tout « piégée » par le Dollar US et que les autorités chinoises savent désormais exactement à quoi s'en tenir sur l'évolution du billet vert et des T-Bonds. Cette scène aurait été impensable il y a seulement douze mois, peut-être même il y a seulement six mois, d'abord parce que les Chinois étaient encore dupes, ensuite parce qu'ils pensaient qu'il fallait continuer à faire croire qu'ils étaient toujours dupes. Visiblement, à la veille de l'été 2009, cette préoccupation a disparu : plus besoin de feindre désormais comme l'indique ce sondage de 23 économistes chinois publié le jour de l'arrivée de Timothy Geithner à Pékin qui jugent les actifs américains « risqués » (source : Xinhuanet, 31/05/2009). Les mois à venir vont résonner de cet éclat de rire estudiantin…

(10) Et il n'y a pas qu'aux Etats-Unis que les actionnaires seront systématiquement lésés par l'état sous prétexte de l'intérêt collectif supérieur, comme le montrent les pertes des fonds de pension qui avaient investi dans les actions de Chrysler ou GM, ou les pressions de la Fed et du gouvernement US sur Bank of America pour qu'elle cache à ses actionnaires l'état désastreux de Merrill Lynch au moment de son rachat. Sources :
OpenSalon, 10/06/2009 / WallStreetJournal, 23/04/2009. Au Royaume-Uni, en Europe et en Asie, les mêmes causes produiront les mêmes effets. La « raison d'état » est depuis toujours l'excuse la plus simple pour justifier toutes les spoliations. Et les crises graves sont propices pour invoquer la « raison d'état ».

(11) En Allemagne, un problème similaire se pose du fait de l'élection nationale de Septembre prochain. Après l'élection, les problèmes bancaires du pays feront la une des médias, avec plusieurs centaines de milliards d'actifs à risque dans les bilans des banques notamment régionales. On est loin de l'ampleur des problèmes des banques US ou britanniques, mais Berlin va sans aucun doute devoir faire face à des faillites potentielles. Source :
AFP/Google, 25/04/2009. Et aux Etats-Unis, les banques aidées par l’état fédéral ont tout simplement diminué leurs prêts à l’économie alors qu’elles étaient censées faire le contraire. Source : CNNMoney, 15/06/2009

(12) Sources :
Financial Times, 01/06/2009; YahooFinance, 04/06/2009; StreetInsider+Holdings/4656921.html , 15/05/2009; Financial Times, 01/06/2009

http://www.leap2020.eu/Francais_r26.html


Vers une guerre mondiale des taux d'intérêts pour capter l'épargne globale


- Extrait GEAB N°31 (15 janvier 2009) -


Vers une guerre mondiale des taux d'intérêts pour capter l'épargne globale
D'ailleurs, la nouvelle étape que franchit la Fed montre bien que, sans le reconnaître, elle commence à se rendre compte qu'elle fait face à un problème d'insolvabilité généralisée aux Etats-Unis (et dans les pays connexes comme le Royaume-Uni (1)), affectant l'état fédéral, les états fédérés, les entreprises, les banques et les ménages. Ainsi a-t-elle commencé (2) à racheter les Bons du Trésor émis par le gouvernement fédéral américain. C'est bien entendu de la création monétaire pure et simple illustrant le fait que Washington est obligé de financer ses déficits désormais astronomiques par l'émission de milliers de milliards de nouveaux Dollars. Et cela ne fait que reporter le problème de solvabilité sur la Fed dont le bilan, déjà encombré d'actifs toxiques rachetés aux banques ces derniers mois, se voit encore dégradé par l'achat massif de Bons du Trésor US (T-Bonds) qui ne trouvent plus d'acheteurs (quoiqu'en disent les médias financiers dominants). Il serait en effet très étonnant que la Fed se sente obligée d'acheter des Bons du Trésor US si d'autres acheteurs étaient prêts à les acquérir. Et le contexte général incite à suspecter que la Fed achète les Bons du Trésor US depuis de nombreux mois déjà, via ses « Primary Dealers ». Deux indices alimentent cette analyse : d'une part, la Fed refuse de divulguer qui a bénéficié (et donc à quelle fin) de plusieurs dizaines de milliards de Dollars d'injection de sa part (3) ; d'autre part, même l'Allemagne, assise sur une économie saine, une orthodoxie budgétaire de référence et des excédents très importants, commence à avoir des difficultés à placer ses propres Bons du Trésor (les Bunds) (4).

La Chine ralentit ses achats de Bons du Trésor US et autres titres étrangers - Evolution du pourcentage du PNB chinois consacré à l'accroissement de ses réserves de change - Sources : National Bureau of Statistics / Banque populaire de Chine / CEIC D
La Chine ralentit ses achats de Bons du Trésor US et autres titres étrangers - Evolution du pourcentage du PNB chinois consacré à l'accroissement de ses réserves de change - Sources : National Bureau of Statistics / Banque populaire de Chine / CEIC D
Aussi, en écartant le conte pour enfants qui ferait des T-Bonds US un placement si sûr et recherché que spontanément la planète entière serait prête à les acheter, même avec un rendement négatif, la seule explication possible reste que la Fed achète (ou fait acheter) en cachette déjà depuis des mois les Bons du Trésor US.

Cette situation est d'ailleurs totalement logique dans le cadre d'une séquence d'insolvabilité globale. Les Etats-Unis avaient besoin d'attirer 80% de l'épargne mondiale pour financer leurs déficits au moment où l'économie mondiale était florissante et leurs déficits bien inférieurs à ceux qui gonflent depuis six mois. Aujourd'hui où leurs déficits ont « explosé » de 400% minimum (sinon 1.000% d'ici fin 2009) (5) tandis que la planète a perdu (et continue à perdre) des milliers de milliards d'actifs financiers (6), la problématique quotidienne de Washington est devenue : comment emprunter en 2009 500% au moins de l'épargne mondiale (et on suppose ici une stabilité de l'épargne mondiale disponible alors que la perte de valeurs d'actifs est probablement très supérieure à la tendance croissante à l'épargne du fait de la crise) ?

C'est bien entendu une mission impossible, qui condamne le Dollar comme devise de référence (7), sauf à tricher et à maquiller la création monétaire en investissement de l'épargne mondiale ; et/ou, comme l'a déjà anticipé LEAP/E2020, à déclencher une « guerre mondiale de l'emprunt d'Etat » qui va voir les Etats obligés d'accroître considérablement les taux offerts pour leurs emprunts et se livrer à une surenchère sans merci pour financer leurs déficits.

Le monde de 2009 est devenu insolvable et la guerre des taux va commencer (8), ruinant ceux qui ont investi dans les Bons du trésor d'états incapables de rester solvables si les taux montent fortement, c'est-à-dire, d’états (et autres acteurs économiques) fortement endettés.

Fondamentalement, ce qu'essayent de faire actuellement les banques centrales qui imitent la Fed, c'est de rendre solvable des acteurs économiques qui ne le sont plus et qui ne peuvent plus l'être puisque leur modèle économiques s’est effondré. Leur espoir est qu'en maintenant la fiction d'une solvabilité suffisamment longtemps par un apport massif de liquidités, la reprise surviendra et permettra de masquer l'opération. C'est malin mais, hélas, on ne triche pas avec l'Histoire. Or la crise actuelle est de dimension historique. Sa durée pour nombre de pays (dont les Etats-Unis) risque d'égaler celle de la crise de 1873-1896 tandis que son impact socio-économique ressemblera à celui de 1929 mais à l'échelle de la planète (9). La stratégie des banques centrales américaine et britannique conduit à un désastre car une fois l'évidence installée dans les esprits que la crise va durer bien au-delà de 2009 (point d'inflexion que notre équipe situe autour de Mars 2009, voir GEAB N°30), l'insolvabilité des acteurs publics et privés concernés sera impossible à camoufler et les milliers de milliards engloutis dans l'apport de liquidités deviendront des dettes explosives pour les Etats et les banques centrales qui les auront créées.

Périodes de chômage et crises bancaires : analyse des pics - Accroissement en pourcentage du taux de chômage (à gauche) / Durée de la récession (en année) - Source : Reinhart/Roggoff, US National Bureau of Economic Research (19/12/2008)
Périodes de chômage et crises bancaires : analyse des pics - Accroissement en pourcentage du taux de chômage (à gauche) / Durée de la récession (en année) - Source : Reinhart/Roggoff, US National Bureau of Economic Research (19/12/2008)
Concrètement, les gouvernements doivent arrêter de penser en termes de plans de « relance » ou de « stimulation » car il n'y aura pas de solution de continuité entre hier et demain. Ils doivent au contraire mettre en place des « plans de traversée de crise », à savoir une double démarche de protection des populations les plus exposées (notamment les chômeurs ou les actifs susceptibles d'être licenciés prochainement) et des acteurs économiques sains (c'est-à-dire non endettés et disposant d'un modèle économique viable dans les années à venir), tout en soutenant les processus socio-économiques nouveaux qui seront profondément différents de ce que le monde a connu ces dernières deux décennies.

En surveillant le langage des dirigeants, il sera possible de déterminer à quel moment les premiers commenceront à comprendre dans quelle crise le monde est dorénavant entré. Pour 2009, LEAP/E2020 se fait peu d'illusion hélas en la matière. Préparez-vous donc à un dangereux cocktail d'inefficacité, de déni de réalité et de surenchère, le tout sur fond de course généralisée à l'épargne mondiale.

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Notes:

(1) La Banque d'Angleterre s'est lancée elle aussi dans l'impression sans limite de Livres Sterling. Et pour tenter de camoufler l'ampleur de la création monétaire envisagée, le gouvernement britannique fait disparaître l'obligation (datant de 1844) pour la Banque centrale anglaise de publier son bilan hebdomadaire. Source :
Telegraph, 12/01/2009. Et là aussi des voix s'élèvent pour dénoncer une fuite en avant désastreuse qui tente de guérir l'endettement par un endettement encore plus grand ou, pour reprendre notre analyse, qui prétend guérir l'insolvabilité par un apport de liquidité. Source : Independent, 11/01/2009.

(2) En fait ce processus est en action depuis déjà plusieurs années selon LEAP/E2020 qui l'avait analysé dans différents numéros du GEAB dès 2006, mais il était à l'époque effectué discrètement via les « Primary Dealers ». Désormais, la crise oblige à le faire publiquement et directement étant donnés les montants impliqués.

(3) Bloomberg, peu suspect de sentiments anti-Wall Street, a d'ailleurs intenté un procès à la Réserve fédérale à ce sujet, notamment pour savoir quels étaient les actifs apportés en garantie à la Fed par les banques aidées… pour l'instant sans aucun résultat (source :
SeekingAlpha, 15/12/2008). Et ce n'est pas du futur Secrétaire d'Etat au Trésor (Timothy Geithner), qui a notamment laissé Citigroup devenir un géant aux pieds d'argile en relâchant sa régulation par la Fed de New-York dont il était le président, qu'on risque de voir naître une farouche volonté de transparence en la matière.

(4) Source :
Bloomberg, 07/01/2009

(5) L'estimation actuelle d'un déficit public fédéral américain pour 2009 à 1.200 milliards USD est très timorée car elle n'inclut pas le plan de relance de Barak Obama, elle voit en « rose » le coût réel des sauvetages initiés depuis 6 mois et elle sous-estime les pertes de recettes fiscales. Pour notre équipe, le déficit fédéral américain 2009 se situera au minimum dans la zone des 2.000 milliards USD (contre 455 Milliards USD en 2008). Ainsi pour l'instant personne ne comptabilise la demande de plus de 1.000 milliards des états fédérés ou le « trou de financement » des retraites par les entreprises américaines qui atteindra plus de 100 milliards USD juste pour l'année 2009. Sources :
Reuters, 13/01/2009; NewYorkTimes, 13/01/2009

(6) Les réserves de change de la Chine ont baissé en 2008 pour la première fois depuis 5 ans. Source :
Bloomberg, 22/12/2008.

(7) D'ailleurs, durant la période de Noël dernier, la Chine a discrètement autorisé ses opérateurs des principales régions exportatrices à utiliser le Yuan au lieu du Dollar US pour commercer avec les pays de l'ASEAN. Ce test grandeur nature préfigure une évolution accélérée dans cette direction dans la seconde moitié de 2009. Source :
TimesofIndia, 25/12/2008. Pour bien anticiper 2009, il est désormais nécessaire d'analyser la vision chinoise de l'année 2009 et des risques qu'elle comporte. Cet article de Xinhuanet, consacré aux prévisions pour 2009 et intitulé « Changements prononcés dans le paysage politique et économique mondiale », est très instructif en la matière. Source : Xinhuanet, 28/12/2008

(8) Et elle sera parallèle à une guerre commerciale puisque les Etats-Unis, avec leurs plans de sauvetage à répétition qui ignorent les règles de concurrence de l'OMC et leur nouvelle majorité démocrate, vont céder aux sirènes des grands groupes industriels des secteurs automobile et sidérurgique et mettre en place une politique de « Buy American ». Source :
CNBC, 02/01/2009

(9) Cette
crise de 1873-1896, appelée aussi « Grande Dépression » par les économistes, a été la première à avoir une réelle envergure mondiale. Sa durée démontre que les crises peuvent s'étaler sur une très longue période de temps, plus longue encore que celle des années 1930. Cette crise a en effet duré 23 ans. Son déroulement comporte nombre de similitudes avec celle que nous traversons aujourd'hui : crise de l'immobilier, bulles financières, fragilité des banques trop exposées à une forte spéculation, insolvabilité d'un grand nombre d'opérateurs, contamination par les flux financiers et commerciaux d'une première mondialisation, investissements sans discernement dans l' « Eldorado » américain (aujourd'hui la Chine par exemple). Le travail remarquable de Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, dont est extrait le graphique ci-joint sur la corrélation des pics de chômage et des crises bancaires, pourrait ainsi utilement être complété par l'analyse de cette crise de 1873-1896. Pour compléter, on peut aussi lire un intéressant article sur cette crise, avec un regard plus canadien/québécois, dans le Devoir (09/10/2008).

http://www.leap2020.eu/Francais_r26.html
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