"Le dollar chutera"
Par Mike Whitney
CounterPunch, le 10 août 2009
article original"Economy on a Scaffold" Nous rendons les choses compliquées alors qu’elles sont simples en réalité.
La FED n’a qu’un seul outil à sa disposition : la création monétaire. Comme d’habitude, c’est en abaissant les taux d’intérêt que la FED accroît la masse monétaire. Lorsqu’elle baisse les taux d’intérêt en dessous de l’inflation, la FED vend essentiellement des dollars à moins d’un dollar. C’est une bonne affaire et les spéculateurs sautent donc sur l’occasion en déclenchant une expansion du crédit. Ce qui s’ensuit est une frénésie d’activité sur les marchés qui se termine en bulle immobilière, en bulle du crédit, en bulle technologique ou en bulle du capital risque. A la fin, la bulle éclate et l’économie part en vrille. Ensuite, après une période de redressement, le processus reprend. Lessivage, rinçage, recommencement. C’est toujours la même chose.
La morale de cette histoire est la suivante : L’argent bon marché crée les bulles ; et les bulles déplacent la richesse depuis les travailleurs vers les riches profiteurs. C’est aussi simple que cela. Voilà pourquoi le fossé en matière de richesse est plus grand aujourd’hui que depuis l’Age d’Or. Les riches possèdent tout.
La Réserve Fédérale est le bras politique des grandes banques et des maisons de courtage. Point final. Apparemment, le mandat de la FED est de maintenir la « stabilité des prix et le plein emploi ». Bien. Quelqu’un a-t-il remarqué le nombre d’emplois créés par la FED ces derniers temps ? Et qu’en est-il du dollar ? Est-il réellement censé zigzaguer comme cela a été le cas depuis dix ans ? La tâche centrale de la FED est de déplacer la richesse d’une classe vers l’autre. Et elle y réussit admirablement bien.
Le « mandat » de la FED consiste à débiter des âneries en matière de relations publiques. Bernanke n’a pas levé le petit doigt pour les propriétaires, les consommateurs ou les travailleurs ordinaires. Toutes les liquidités affluent vers le haut… selon un plan bien défini. La FED est une agence d’ingénierie sociale destinée à servir de gouvernement de fait derrière l’écran de fumée des institutions démocratiques. Est-ce qu’un sénateur noir élu depuis deux ans et n’ayant aucune expérience en politique étrangère ou en économie dicte la loi ?
Obama est une invention des relations publiques qui sert à inaugurer les chrysanthèmes, à consoler les chômeurs et à convaincre les Américains qu’ils vivent dans une société « post raciale ». Bon. (Jetez à nouveau un coup d’oeil aux images de [l’ouragan] Katrina.) La FED a le contrôle total de la politique monétaire et, par conséquent, de l’avenir économique du pays. Bernanke ne prétend même plus rendre de compte au Congrès. Pourquoi s’en faire ? Après l’effondrement de la banque Lehman, Bernanke a invoqué la clause « inhabituelle et exigeante » de la charte de la FED et s’est auto déclaré tsar. Désormais, il a un pouvoir absolu sur les cordons de la bourse de la nation. Les 13.000 milliards de dollars que la FED a engagés dans le système financier depuis le début de la crise – à travers des prêts et des achats directs de saloperies adossées aux crédits hypothécaires et à la dette souveraine des Etats-Unis – n’ont pas reçu l’autorisation du Congrès. En fait, la FED a refusé avec entêtement ne serait-ce que d’identifier quelles institutions ont obtenus ces « prêts », à combien ce montaient ces prêts, quelle sorte de garantie était acceptée en échange de ces prêts ou quand ces prêts seraient remboursés.
En vérité, ces prêts n’étaient pas du tout des prêts, mais des cadeaux faits à l’industrie [bancaire et financière] pour maintenir le prix de ses actifs artificiellement élevé afin que l’ensemble du système financier ne s’effondre pas. Visez un peu :
« Dans une analyse écrite par l’économiste Gary Gorton, pour la Conférence de 2009 sur les Marchés Financiers organisée par la Banque de Réserve Fédérale d’Atlanta et intitulée, « Giflé par la Main Invisible ; le Secteur Bancaire et la Panique de 2007 », l’auteur montre que les titres liés aux crédits hypothécaires se sont envolés en passant de 492,6 milliards de dollars en 1996 à 3.071,1 milliards de dollars en 2003, tandis que les actifs adossés à des titres (les ABS) ont bondi de 168,4 milliards de dollars en 1996 à 1.253,1 milliards de dollars en 2006. En tout, plus de 20.000 milliards de dollars de dette titrisée ont été vendus entre 1997 et 2007. »
20 trillions de dollars ! Quelle quantité de ce papier fétide repose dans les bilans des banques et des autres institutions financières, attendant juste d’exploser dès que la FED demandera le remboursement de son argent ? Et la FED ne récupèrera jamais son argent parce que le prix des titres et des dérivés complexes ne retrouveront jamais leur valeur d’avant la crise. Pourquoi ? Parce que ces dérivés sont liés au collatéral sous-jacent (les crédits hypothécaires) qui a déjà chuté de 33% depuis son pic et qui se dirige encore plus bas. Aussi, ces actifs toxiques ont été vendus comme étant sans risque (un grand nombre d’entre eux étaient notés AAA) et ils sont maintenant exposés comme étant extrêmement risqués ou frauduleux. Parce que ces actifs étaient empaquetés ensemble pour réduire à zéro le taux d’intérêt qui y était associé, ils ne peuvent pas être aisément séparés, ce qui signifie qu’ils valent beaucoup moins que les 33% qui ont été perdus sur les collatéraux sous-jacents (les crédits hypothécaires). On ne s’attend pas à ce que le marché de la titrisation rebondisse avant au moins dix ans, ce qui veut dire que la FED n’aura pas d’autre moyen plus créatif pour bidonner le système du crédit, afin d’éviter une spirale descendante.
Mais comment ?
Des taux d’intérêt à zéro pour-cent n’ont pas marché parce que les emprunteurs qualifiés réduisent leurs dépenses et économisent leur revenu disponible, tandis que ceux qui ont besoin d’emprunter, ne répondent plus aux critères plus sévères des banquiers. Le crédit bancaire se réduit, même si les excédents de réserves bancaires avoisinent les 900 milliards de dollars. Lorsque les banques cessent de prêter, l’économie se contracte, l’activité des entreprises ralentit, le chômage explose et la croissance bafouille.
Actuellement, l’économie se contracte toujours, mais à un rythme plus lent qu’auparavant. « Moins mauvais » est la nouvelle façon pour dire « bon ». Tous les indicateurs de la récession clignotent toujours dans le rouge – les revenus, l’emploi, les ventes et la production – tous en baisse ! Mais cela ne fait rien parce il y a un rallye boursier sur « signe de reprise » [ou plutôt de faux espoirs] ; plein de liquidités bon marché pour les bourses et une bretelle d’accès autoroutière (pour dormir) pour les chômeurs.
Les facilités de crédit de la FED sont destinées à injecter des liquidités dans le système et à faire grossir une nouvelle bulle en générant plus de dette. Malheureusement, la plupart des gens acceptent la défense peu convaincante de Berkanke sur ces programmes de « protection sociale » pour les entreprises et ne parviennent pas à discerner leur objectif réel. Un exemple pourrait aider à expliquer comment ils fonctionnent vraiment :
Disons que vous avez acheté une maison au plus haut de la bulle en 2005 et que vous l’avez payée 500.000 dollars. Ensuite les prix ont baissé de 40% (comme cela a été le cas en Californie) et votre maison vaut à présent 300.000 dollars. Si vous n’avez mis au départ que 5% de la somme (soit 25.000 dollars) et emprunté le reste, alors vous êtes sous l’eau de 175.000 dollars. Ce qui signifie que vous devez plus en crédit hypothécaire que ce votre maison vaut actuellement. (C’est essentiellement ce qui s’est produit pour l’ensemble du système financier. La valeur des actifs a fondu comme neige au soleil et les institutions utilisent donc des astuces comptables douteuses au lieu de rendre compte de leurs pertes réelles.) Alors, Bernanke arrive et vous accorde un prêt revolving de 175.000 dollars sans intérêt afin que personne ne sache que vous être en réalité à sec et vous pouvez continuer de dépenser comme vous le faisiez auparavant. Pas mal, hein ? Voilà ce qu’est réellement cette facilité de crédit. C’est une comédie destinée à cacher le fait qu’une grande partie des institutions financières nationales sont insolvables et qu’elles sont soutenues par les largesses de l’Etat.
Mais ce n’est pas tout.
A présent que Bernanke vous a accordé un crédit revolving de 175.000 dollars sans intérêt, vous vous attendez à ce qu’il vous demande tôt ou tard de le rembourser. Vrai ? Donc, votre seul espoir pour sauver votre maison, sur le long terme, est de vous engager dans des comportements risqués,tels que boursicoter. C’est comme jouer à la roulette, sauf que vous n’avez rien à perdre puisque de toute façon vous avez déjà la tête sous l’eau. C’est exactement ce que les institutions financières sont en train de faire avec les prêts de la FED. Elles parient sur les actions et espèrent pouvoir éviter la « Faucheuse ». Voici comment l’ancien directeur de hedge fund, Andy Kessler, l’a résumé la semaine dernière dans le Wall Street Journal :
« En achetant des Bons du Trésor américains et des crédits hypothécaires pour accroître la masse monétaire de mille milliards de dollars, le président de la FED, Ben Bernanke, ne met pas directement de l’argent dans la bourse. Et il n’avait pas besoin de le faire. Avec nulle part ailleurs où aller, sauf peut-être dans les matières premières, les afflux de capitaux à la bourse ont été une pure folie. Les fonds en actions et en obligations ont connu des afflux nets de capitaux depuis janvier proches des 150 milliards de dollars. Ces dollars qui ont été créés ne sont pas allés vers l’économie réelle, mais, à la place, vers les actifs négociables. Autrement dit, Ben Bernbanke a été le marché. » (Andy Kessler, "Le Marché Bernanke", Wall Street Journal)
Seule, une petite partie de l’argent qui est allé vers la bourse ces six derniers mois (depuis les plus bas de mars) provient… de l’argent de la bourse. Les prêts accordés par la FED ont été recyclés dans les actions par l’intermédiaire des institutions financières qui jouent à la roulette pour leur propre survie. La montée de la bourse a permis aux banques insolvables de lever des fonds sur les marchés de capitaux, afin de ne pas avoir à ramper devant le Congrès pour obtenir un nouveau plan de sauvetage TARP. Tout le monde a été transporté de joie par la dernière bulle de Bernanke, à l’exception des travailleurs qui ont vu leurs salaires fondre de 4,5%, leurs lignes de crédit se réduire, la valeur de leurs maisons plonger et leurs niveaux de vie sombrer à des niveaux comparables à ceux du tiers monde.
Et la folie dépensière de la FED n’est pas encore terminée; pas avant un bon moment. La prochaine vague de saisies de maisons (déjà 1,9 millions pour le premier semestre 2009) approche – avec les prêts Alt-A, option arm et prime. Le marché de l’immobilier commercial qui pèse 3.500 milliards de dollars chavire. Le système bancaire sous-capitalisé obtiendra plus d’aides. Et il y aura une nouvelle série d’encouragement fiscal pour les consommateurs mal en point, autrement, les détenteurs étrangers de Bons du Trésor américains feront en sorte que les Etats-Unis ne puissent plus représenter 25% de la demande mondiale et qu’ils quittent la scène.
Bernanke a le dos au mur. La seule chose qu’il peut faire est d’imprimer plus d’argent, sortir précipitamment par la porte de derrière de la Bourse et croiser les doigts. Le reste dépendra de CNBC [la chaîne TV américaine d’informations boursières] et des autres adulateurs dans les médias.
Le patron de la FED a engagé 13.000 milliards de dollars pour maintenir une apparence de solvabilité, mais le système est en faillite. Le marché des titres de créances, les marchés monétaires, les trillions de dollars d’instruments toxiques pour gérer la dette et les myriades de banques d’investissement et de compagnies d’assurance véreuses sont désormais soutenues financièrement par la « confiance totale et le crédit » du Trésor américain. Le système financier est désormais un service de l’Etat. Le « libre marché » s’est détérioré pour devenir un capitalisme d’Etat ; un système centralisé où tous les leviers du pouvoir sont contrôlés par la Banque Centrale. Si le Politburo de Bernanke retire ses prêts – où même s’il augmente les taux d’intérêt trop vite – le système s’effondrera.
L’économie est à présent en équilibre sur l’échafaudage branlant du dollar. Au fur et à mesure que le plan de stimulation d’Obama s’estompe, la pourriture de l’économie deviendra plus visible. Les découverts des ménages ont atteint des niveaux records et la consommation ne rebondira donc pas. Cela signifie que les actifs américains et la dette souveraine des Etats-Unis deviendront moins attractifs. Le capital étranger partira. Le dollar chutera.
Le monde a besoin d’un répit de la part des Etats-Unis et il l’obtiendra plus tôt que beaucoup ne le pensent.