FNAC : 10 minutes pour craquer 418 millions
Chez nous,à la Fnac, enseigne du groupe PPR, les conflits sociaux tournent
le plus souvent à la mascarade. Depuis 2007 des réformes sont en cours
pour "moderniser" et "investir" pour le futur, selon, bien sûr, le grand
patron, M. Pinault.
Hier, c'était la réforme "Bac office" : tous les services administratifs
centralisés au siège, à Paris. Finis les postes de secrétaires dans tous
les magasins Fnac. Soit disant, cela allait concerner seulement 450
postes dans toute la France, mais sans suppressions "pures" : un poste
équivalent allait être proposé aux personnels concernés dans les autres
enseignes du groupe.
C'était le message officiel. La réalité était autre : des postes ont été
proposés ; mais demander à des gens de retourner en région parisienne dans
une autre enseigne pour redémarrer à zéro (sans ses avantages, son
ancienneté, etc.)… sachant de plus que, aujourd'hui, certaines enseignes
du groupe ont été vendues (comme Surcouf)… il ne s'agissait en fait que de
licenciements déguisés. Et en plus, on a culpabilisé les salariés en leur
faisant bien remarquer que c'est eux qui "refusaient" ! Un véritable
chantage à l'emploi.
Suite à ce plan social, un pseudo bras de fer s'est installé entre
syndicats et direction : appel au débrayage sur toute la France - plus ou
moins suivi -, tracts à l'appui. La stratégie des uns était de débrayer et
de distribuer des tracts devant les magasins pendant que la stratégie des
autres était de passer de service en service pour expliquer le pourquoi du
comment des choix du groupe. Et puis, au final, quoi ? Ben, rien. Comme
d'habitude : les syndicats ont fait leur débrayage puis tout le monde est
rentré gentiment chez lui. Quant à mes collègues secrétaires, elles ont
été licenciées.
Et voilà maintenant qu'on nous annonce 400 nouvelles suppressions,
toujours pour la "modernisation" de la Fnac ; suppressions à ajouter aux
600 postes de Conforama et aux 800 de La Redoute, si je compte bien, ça
fait 1 800 de plus pour le groupe PPR. Officieusement, les syndicats et la
direction nous préparent psychologiquement à pire : si la crise perdure,
il faudra "s'adapter" (on sait ce que ça veut dire). Pendant ce temps, 418
millions d'euros vont être versés aux actionnaires et Pinault se rachète
une crédibilité aux yeux de l'opinion publique pour une dizaine de
millions d'euros avec le film "Home" (l'écologie étant la bonne porte de
secours à la crise !).
10 minutes fanfaronne-t-il, ça lui a pris 10 minutes pour prendre la
décision de financer ce film. 10 minutes, c'est aussi le temps qu'il a
fallu pour virer cette vendeuse, à Tours, qui ne vendait pas assez
d'assurances, de services, selon la direction - une très bonne vendeuse
selon ses collègues. C'est aussi le temps qui a suffit pour virer un
collègue qui avait bénéficié d'une remise personnelle.
Alors on a entendu parler de séquestrations de patrons. Des collègues de
Paris ont parlé de faire pareil. Mais les syndicats ont pris les devants,
ils ont écrit une lettre de protestation à M. Pinault, genre "On n'est pas
très contents…". En réponse, on a eu l'annonce de la fermeture de
Fnac-Bastille ainsi qu'un courrier de M. Pinault disant en gros : "Je sais
que j'ai raison, et je vous emm…". Quelques licenciements, s'en sont
suivis, puis des débrayages d'une heure par-ci une heure par-là, à l'appel
des syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC, SUD et même CNT-Vignoles). Du côté des
salariés, au début on adhère, puis, de moins en moins. A la dernière
"mobilisation", à Toulouse, ils n'étaient que 6, la CGT-Fnac au grand
complet !
Tout ceci est très largement commenté chez les employés. On parle entre
nous. Il y a un malaise profond et un sentiment d'amertume et
d'impuissance, ce qui peut aisément se comprendre. Pendant des années, les
gens ont fait confiance aux syndicats. Aujourd'hui, il ne reste plus grand
chose de cette confiance. Il leur est reproché par mes collègues de ne pas
aller assez loin, de parler au nom des salariés sans les consulter une
seconde. Pire, il leur est reproché de faire accepter des choses aux
salariés dont ils ne voulaient pas. Je pense en particulier à un épisode
qui s'est produit dans mon service, début mai A la dernière minute, la
direction nous demande de travailler de nuit pour un inventaire. On s'est
tous réunis immédiatement entre nous : hors de question qu'on nous impose
de travailler jusqu'à minuit, un samedi soir, sans pause repas. Des idées
ont fusé : une grève surprise, immédiate et radicale, en posant nos
conditions. Malheureusement, un délégué syndical a entendu tout ça, s'est
empressé de le rapporter au "chef" de la CGT, qui lui-même est allé
négocier avec le directeur une heure de pause repas, plus un ticket
restaurant de plus. Il est revenu nous voir, claironnant qu'il avait la
situation en main, qu'il négociait et qu'on pouvait être tranquilles.
Ça a cassé le début de dynamique, et on est gentiment resté travailler le
samedi soir. On en est là, entre la volonté du patron de pressurer les
salariés et les manoeuvres de tous les syndicats, quelle que soit leur
étiquette, dont le résultat constant est de désamorcer la colère des
employés l'avenir est sombre, du moins tant que les salariés ne sortent
pas de leur incapacité (que j'espère provisoire) à envoyer promener les
dits syndicats et à prendre leurs affaires en main.
Gigi
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le plus souvent à la mascarade. Depuis 2007 des réformes sont en cours
pour "moderniser" et "investir" pour le futur, selon, bien sûr, le grand
patron, M. Pinault.
Hier, c'était la réforme "Bac office" : tous les services administratifs
centralisés au siège, à Paris. Finis les postes de secrétaires dans tous
les magasins Fnac. Soit disant, cela allait concerner seulement 450
postes dans toute la France, mais sans suppressions "pures" : un poste
équivalent allait être proposé aux personnels concernés dans les autres
enseignes du groupe.
C'était le message officiel. La réalité était autre : des postes ont été
proposés ; mais demander à des gens de retourner en région parisienne dans
une autre enseigne pour redémarrer à zéro (sans ses avantages, son
ancienneté, etc.)… sachant de plus que, aujourd'hui, certaines enseignes
du groupe ont été vendues (comme Surcouf)… il ne s'agissait en fait que de
licenciements déguisés. Et en plus, on a culpabilisé les salariés en leur
faisant bien remarquer que c'est eux qui "refusaient" ! Un véritable
chantage à l'emploi.
Suite à ce plan social, un pseudo bras de fer s'est installé entre
syndicats et direction : appel au débrayage sur toute la France - plus ou
moins suivi -, tracts à l'appui. La stratégie des uns était de débrayer et
de distribuer des tracts devant les magasins pendant que la stratégie des
autres était de passer de service en service pour expliquer le pourquoi du
comment des choix du groupe. Et puis, au final, quoi ? Ben, rien. Comme
d'habitude : les syndicats ont fait leur débrayage puis tout le monde est
rentré gentiment chez lui. Quant à mes collègues secrétaires, elles ont
été licenciées.
Et voilà maintenant qu'on nous annonce 400 nouvelles suppressions,
toujours pour la "modernisation" de la Fnac ; suppressions à ajouter aux
600 postes de Conforama et aux 800 de La Redoute, si je compte bien, ça
fait 1 800 de plus pour le groupe PPR. Officieusement, les syndicats et la
direction nous préparent psychologiquement à pire : si la crise perdure,
il faudra "s'adapter" (on sait ce que ça veut dire). Pendant ce temps, 418
millions d'euros vont être versés aux actionnaires et Pinault se rachète
une crédibilité aux yeux de l'opinion publique pour une dizaine de
millions d'euros avec le film "Home" (l'écologie étant la bonne porte de
secours à la crise !).
10 minutes fanfaronne-t-il, ça lui a pris 10 minutes pour prendre la
décision de financer ce film. 10 minutes, c'est aussi le temps qu'il a
fallu pour virer cette vendeuse, à Tours, qui ne vendait pas assez
d'assurances, de services, selon la direction - une très bonne vendeuse
selon ses collègues. C'est aussi le temps qui a suffit pour virer un
collègue qui avait bénéficié d'une remise personnelle.
Alors on a entendu parler de séquestrations de patrons. Des collègues de
Paris ont parlé de faire pareil. Mais les syndicats ont pris les devants,
ils ont écrit une lettre de protestation à M. Pinault, genre "On n'est pas
très contents…". En réponse, on a eu l'annonce de la fermeture de
Fnac-Bastille ainsi qu'un courrier de M. Pinault disant en gros : "Je sais
que j'ai raison, et je vous emm…". Quelques licenciements, s'en sont
suivis, puis des débrayages d'une heure par-ci une heure par-là, à l'appel
des syndicats (CGT, CFDT, FO, CFTC, SUD et même CNT-Vignoles). Du côté des
salariés, au début on adhère, puis, de moins en moins. A la dernière
"mobilisation", à Toulouse, ils n'étaient que 6, la CGT-Fnac au grand
complet !
Tout ceci est très largement commenté chez les employés. On parle entre
nous. Il y a un malaise profond et un sentiment d'amertume et
d'impuissance, ce qui peut aisément se comprendre. Pendant des années, les
gens ont fait confiance aux syndicats. Aujourd'hui, il ne reste plus grand
chose de cette confiance. Il leur est reproché par mes collègues de ne pas
aller assez loin, de parler au nom des salariés sans les consulter une
seconde. Pire, il leur est reproché de faire accepter des choses aux
salariés dont ils ne voulaient pas. Je pense en particulier à un épisode
qui s'est produit dans mon service, début mai A la dernière minute, la
direction nous demande de travailler de nuit pour un inventaire. On s'est
tous réunis immédiatement entre nous : hors de question qu'on nous impose
de travailler jusqu'à minuit, un samedi soir, sans pause repas. Des idées
ont fusé : une grève surprise, immédiate et radicale, en posant nos
conditions. Malheureusement, un délégué syndical a entendu tout ça, s'est
empressé de le rapporter au "chef" de la CGT, qui lui-même est allé
négocier avec le directeur une heure de pause repas, plus un ticket
restaurant de plus. Il est revenu nous voir, claironnant qu'il avait la
situation en main, qu'il négociait et qu'on pouvait être tranquilles.
Ça a cassé le début de dynamique, et on est gentiment resté travailler le
samedi soir. On en est là, entre la volonté du patron de pressurer les
salariés et les manoeuvres de tous les syndicats, quelle que soit leur
étiquette, dont le résultat constant est de désamorcer la colère des
employés l'avenir est sombre, du moins tant que les salariés ne sortent
pas de leur incapacité (que j'espère provisoire) à envoyer promener les
dits syndicats et à prendre leurs affaires en main.
Gigi
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Paru dans Anarchosyndicalisme ! No 113
Téléchargeable ici :
http://www.cntaittoulouse.