POURQUOI LES AUTORITÉS FINANCIÈRES NE PROTÈGERONT PAS LE DOLLAR
[Claire Lamotte - MoneyWeek - 21/08/2009]
“Vous avez deux manières de financer le déficit : l’une par l’esbroufe, l’autre par le vol“, selon Bill Bonner, l’un des éditorialistes de MoneyWeek. Il poursuit : “dans la grande phase d’expansion de crédit, les consommateurs américains empruntaient tant qu’ils pouvaient et ils s’achetaient ce qu’ils voulaient, des voitures par exemple. Maintenant, c’est au tour du gouvernement fédéral d’emprunter et de soudoyer les électeurs pour qu’ils achètent des voitures. A vrai dire, peu importe qui emprunte, car au bout du compte, l’emprunt au profit de la consommation ne fait que retirer à l’avenir. Et lorsque l’avenir est là… le compte doit être réglé. Résultat: pas de gain net. Ce qui a été consommé dans l’année ne sera pas consommé l’année suivante.
Selon Warren Buffett, le dollar est en danger. Pourtant il ne s’inquiète que du vol et non pas de la tricherie. Or l’impression de dollars supplémentaires vole les épargnants. Chaque nouveau dollar créé pour acheter la dette des États-Unis donne à chaque dollar déjà existant – par exemple dans une chambre forte de la Banque de Chine – une valeur un peu inférieure à ce qu’elle était avant. Si ce n’est pas le cas, l’ensemble de la pensée économique d’Adam Smith à Irving Fisher n’est rien d’autre qu’une fantasmagorie.
En théorie, le seul moyen de protéger la valeur des dollars détenus par les épargnants est de retirer les stimulants monétaires avant que l’inflation ne fasse envoler les prix. Warren Buffett estime que les autorités américaines ont fait ce qu’elles avaient à faire, qu’elles vont stopper la machine à imprimer et absorber l’excès de liquidité afin de protéger le billet vert.
“Il a probablement tort“, affirme Bill Bonner.
“D’abord, le marasme économique risque de s’empirer bien plus qu’escompté. Ceci dissimulera les effets de l’impression du dollar. Plus que jamais, le besoin de dollars supplémentaires sera urgent, entraînant encore plus de dépenses fédérales et davantage de dettes aux États-Unis. Au lieu de freiner, nous allons prendre de la vitesse.
D’autre part, le gouvernement fédéral ne se soucie pas vraiment de la santé de l’économie réelle. Les politiciens répondent avant tout aux demandes de leurs électeurs. Un donateur de campagne veut éviter la faillite de son entreprise. Un autre veut garder son emploi. Un autre encore promet aux membres du gouvernement fédéral des emplois bien rémunérés à Wall Street, après la fin de leur mandat à Washington. Des millions d’autres – suffisamment nombreux pour faire basculer une élection – veulent des pilules gratuites ou des subventions hypothécaires, etc. Lorsque le gouvernement fédéral tente de renflouer l’économie, eh bien, il ne fait que faire son travail ! Et il ne va sûrement pas cesser de le faire– tout particulièrement en période dépression – pour protéger les intérêts d’étrangers titulaires de dollar…
La crise devrait être bien plus profonde et plus durable que ce que la plupart des gens attendent”, conclut Bill Bonner pour MoneyWeek. “En conséquence, les États-Unis mettront encore plus de dollars en circulation, plus que ce que n’importe qui aurait cru possible… Voilà qui préfigure des taux d’inflation encore plus élevés pour l’avenir
http://www.moneyweek.fr/conseils/01406/finances-dollar-etats-unis-buffet.html
[Marc Mayor - MoneyWeek - 12/08/2009]
Le 4 juillet 1776, le roi George III écrivait dans son journal : “Rien d’important ne s’est passé aujourd’hui.” Le même jour, les Etats-Unis proclamaient leur indépendance. Une future superpuissance était née, et l’homme le mieux informé du monde ne le savait pas.
Le 4 juillet 2009, Sergey Aleynikov fut amené devant un juge. La veille, ce programmeur avait été arrêté par des agents de la police fédérale américaine à l’aéroport de Newark, suspecté d’avoir volé des algorithmes top secrets à son ancien employeur, la banque Goldman Sachs. Les médias généralistes n’ayant pas couvert la nouvelle, le grand public en sait aussi peu à propos de cette affaire que le roi d’Angleterre sur la déclaration d’indépendance, deux cent trente-trois années plus tôt. Pourtant, il n’est pas impossible que cette affaire marque la fin d’une ère pour la finance mondiale.
Le Groupe de travail sur les marchés financiers avait été créé par le président Ronald Reagan moins de six mois après le krach du 19 octobre 1987, qui avait fait perdre aux Bourses mondiales un quart de leur valeur en un seul jour. Sous la présidence du secrétaire du Trésor, il réunit le patron de la Réserve fédérale ainsi que les responsables du marché des actions et des marchés à terme. Goldman Sachs assiste ce groupe dans ses interventions sur le marché et se tient à la disposition de la Bourse de New York pour fournir de la liquidité dans des cas particuliers. Pour cette raison, l’établissement a accès à certains codes de sécurité, notamment sur le réseau du New York Stock Exchange.
Le système le plus complexe sur lequel a travaillé Sergey Aleynikov permet d’installer des logiciels capables de capturer des flux de texte passant par des serveurs informatiques. Sur le Nyse, de telles informations contiennent des indications d’intérêt pour un achat ou une vente, des prix de titres ainsi que des notifications d’exécution de transactions. Quiconque disposant de ces informations avant le public serait comparable à un joueur de poker seul capable de voir les cartes de ses adversaires ; cette affaire pourrait donc être liée aux prix fantômes dont je vous parlais en mai.
L’assistant du procureur Joseph Facciponti a déclaré : “La banque [Goldman Sachs] a soulevé la possibilité qu’il y ait un danger que quelqu’un qui sache comment utiliser ce logiciel puisse s’en servir pour manipuler le marché d’une manière injuste.” Si tel est le cas, cela signifie que, avant la prétendue malversation, Goldman Sachs disposait d’un outil qui lui permettait de manipuler les marchés.
Le vendredi 3 juillet, le Nyse livrait les derniers chiffres de program trading, qui donne le nombre d’actions achetées et vendues par des algorithmes, le tout classé par établissement. Goldman Sachs, qui auparavant disposait d’une part de marché de 60%, avait subitement disparu de la liste d’une semaine à l’autre. C’est d’autant plus surprenant que le groupe avait déclaré, en mai, avoir gagné plus de 100 millions de dollars par jour de trading au cours de 34 jours (sur un total de 63) sur le premier trimestre dernier.
Dans ce cas, pourquoi arrêter ? Il n’en faut pas davantage pour échafauder des théories : le groupe bancaire a peut-être accès avant les autres, en raison des services rendus au gouvernement et à la Bourse de New York, à des informations liées au marché des actions et contrats à terme. Il est possible que la banque ait engagé Sergey Aleynikov pour installer son application sur les serveurs du Nyse, de manière à disposer d’un avantage comparable à celui du joueur de poker mentionné ci-dessus. Armée de cet outil, il lui aurait été quasiment impossible de perdre. La banque pourrait ainsi avoir raflé une centaine de millions par jour ouvrable en toute impunité. En admettant ce scénario, cette affaire est-elle vraiment susceptible de changer les marchés à jamais ? C’est possible.
Selon l’assistant du procureur, “le programme se trouve quelque part sur un serveur allemand, et nous ne savons pas actuellement qui d’autre y a accès et ce qu’il adviendra de ce logiciel”. Sans vouloir faire dans le profilage, le fait est que Sergey Aleynikov est originaire de Russie. Lequel pays est la patrie des hackers les plus doués de la planète : selon Alex Spillius, du Telegraph, une cyber-attaque venue de Russie et visant les systèmes du Pentagone en novembre avait eu tellement d’impact que le président Bush et le secrétaire à la Défense Robert Gates avaient dû en être avertis. Si l’algorithme en question tombait entre les mains de tels pirates, cela pourrait provoquer des dégâts importants sur les Bourses mondiales.
En 2006, Steve Knopper, du magazine Wired, avait tenté une expérience amusante : acheter un ordinateur tout neuf, puis l’exposer au pire de l’Internet, après avoir désactivé pare-feu et logiciel d’antivirus. Le journaliste avait alors ouvert des pourriels, puis téléchargé quantité de pornographies, de musique piratée et autres jeux informatiques sur la Toile. Résultat : après dix-huit jours de ce régime, il fut contraint d’amener sa machine, qui ne démarrait plus, au support technique. Moins de quatre heures plus tard, le technicien l’informait que toute tentative de réparation était futile. Espérons que l’arme de destruction massive issue de Goldman Sachs n’ait pas le même impact sur les Bourses mondiales.
http://www.moneyweek.fr/conseils/01325/logiciel-informatique-goldman-sachs-actions.html