Comment la propagande israélienne exploite le désastre d’Haïti
Israël a exploité la crise en Haïti pour les besoins de sa propagande, tout en travaillant à expulser les organisations humanitaires de la bande de Gaza - Photo : les Palestiniens de Gaza organisent la collecte de dons pour la population sinistrée d’Haïti [Wissam Nassar/MaanImages]
En dépit des difficultés logistiques, le tremblement de terre du 12 janvier en Haïti a vu une grande partie de « la communauté internationale » se rassembler pour envoyer de la nourriture, des médecins et tout type d’aide d’urgence pour ce pays déjà frappé de misère.
Mais le désastre a également fourni à ceux qui font l’apologie de l’Etat d’Israël, connu pour ses abus concernant les droits de l’homme, une occasion de tenter de gagner une haute stature morale. Par chance, une remarque faite par le comédien juif anti-sioniste Ivor Dembina m’a alertée à ce sujet. « Il y a une immense campagne de courriers électroniques disant ‘regardez ce que fait Israël, ceci est ce que nous voulons dire par une réponse disproportionnée’, » a-t-il dit tandis que je l’interviewais le 22 janvier pour un article dans The Electronic Intifada.
L’email dont Dembina fait mention semble provenir de Lynn Sharon, une citoyenne israélienne qui écrit de courts et occasionnels articles sur les sites Web de langue anglaise en lsraël, et envoie des lettres aux journaux locaux. Les affirmations qu’elle profère — comme « le monde arabe et musulman » n’ont « rien » donné - sont incontestablement fausses, alors que les informations font mention de donations venant du Maroc, des Emirats Arabes Unis, du Qatar, de l’Egypte, du Liban, de la Jordanie et de l’Indonésie. Même les Palestiniens de Gaza, qui vivent sous le blocus israélien, ont rassemblé des dons pour Haïti.
L’article de Sharon commence par une affirmation biaisée selon laquelle « beaucoup de pays et de dirigeants dans le monde ont accusé Israël de répondre d’une façon disproportionnée à l’agression du Hizballah au Liban et du Hamas à Gaza. » Peu de « pays et dirigeants mondiaux » ont réellement eu le courage de se lever et de tenir un tel discours, bien que beaucoup d’individus et d’organisations l’aient fait. Mais ce qui est tordu dans cette déclaration, c’est que c’est l’ancien premier ministre israélien Ehud Olmert qui a rendu l’expression « réponse disproportionnée » si fameuse, afin de paraître dur devant les électeurs israéliens extrémistes dont fait partie Lynn Sharon elle-même.
« La réponse disproportionnée » a été, justement, l’expression utilisée par Olmert à la suite des attaques d’Israël l’hiver dernier, afin d’essayer de gagner l’appui des électeurs lors des élections de février passé. C’était une menace destinée au Hamas que toute fusée mise à feu attirerait une répétition des 22 jours de mort et de destruction que les militaires israéliens venaient juste d’infliger à Gaza. L’expression « réponse disproportionnée » est devenue un cliché par l’insistance d’Israël de disposer du droit de choisir le niveau de ses actions militaires contre des civils, et pour que ses actions se situent sur une échelle complètement différente de mort et de destruction que tout ce que les groupes armés palestiniens pourraient infliger.
Mais le principal contenu de l’email de Sharon, expédié sur beaucoup de listes de diffusion et depuis signalé sur des blogs, pages de commentaire sur les informations et envoyé comme « lettre » aux journaux autour du monde, est que « les USA ont envoyé des approvisionnements et du personnel, la Grande-Bretagne a envoyé 64 pompiers et 8 volontaires, la France a envoyé des troupes pour la recherche et le secours aux victimes. Beaucoup de grandes et riches nations du monde ont envoyé de l’argent. Le monde arabe et musulman — rien. Israël, une nation de 7.5 millions de personnes a envoyé une équipe de 220 personnes dont du personnel médical et a établi le plus grand hôpital de campagne en Haïti, traitant jusqu’à 5000 personnes par jour avec une équipe expérimentée de secours et des fournitures médicales. »
Le courrier électronique poursuit en critiquant les Nations Unies, le juge Richard Goldstone, et quiconque critique Israël tout en épargnant d’autres pays accusés de « crimes contre leurs minorités [sic], » comme « le Soudan, la Chine [et] la Russie ».
Selon l’analyse faite le 21 janvier par Catherine Philp, correspondante à l’étranger pour The TimesAmericanThink, qui a inséré des liens supplémentaires aux pages pour soutenir son argumentation. Cependant, à partir du 25 janvier, la page des statistiques du journal The Guardian ne citait aucune liste d’aides venant d’Israël, mais incluait les donations des Emirats Arabes Unis et du Maroc (le Canada vient en tête en nombre de dollars versés par individu). Les copies conformes de cet email paraissent insérées dans le champ « commentaire » d’innombrables histoires au sujet de l’aide pour Haïti, particulièrement celles citant l’aide venue des pays arabes comme cela apparaît largement sur le site Web de CNN. de Londres, les journaux et magazines « ont été inondés avec des courriers identiques. » La circulaire a été incorporée dans un article par Peggy Shapiro sur le site largement relayé
Sur quelques sites Web israéliens et sionistes, l’exploitation de la tragédie d’Haïti pour des raisons de propagande dépasse les « faits » mensongers cités dans le court article de Lynn Sharon. Beaucoup citent le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu tandis qu’il entremêle la communauté juive plus large avec l’état d’Israël en déclarant : « je pense que c’est dans la meilleure tradition du peuple juif ; c’est le vrai engagement de l’état d’Israël et du peuple juif... en dépit d’être un petit pays, nous avons répondu avec un grand coeur. » Les commentateurs tels qu’Arlene Kushner, « experte auto proclamée sur les questions du Moyen-Orient, » parle du manque de soins médicaux adéquats pour les survivants du tremblement de terre. « Il y a apparemment d’autres installations hospitalières, mais les équipements sont maigres, » dit-elle, contente de pouvoir ensuite proclamer qu’Israël avait à partir du 18 janvier établi le seul hôpital de campagne, en dépit des difficultés avec les malades et blessés.
Cuba volontairement oublié
Les principaux reportages ont été également touchés par la propagande israélienne. Time Magazine, Sky et Fox News parmi d’autres, ont fait la pub de l’hôpital de campagne. C’est naturellement un sujet aussi légitime que n’importe quelle autre aspect de l’aide apportée, et la couverture « disproportionnée » pourrait être attribuée au fait que les Israéliens étaient véritablement l’une des premières équipes sur le terrain (bien que pas la première , car c’était Cuba, l’état communiste dont l’assistance médicale n’est jamais mentionnée dans beaucoup de médias occidentaux).
La BBC était à signaler de son côté pour sa couverture des sommes massives venues du public britannique au profit du Comité de secours pour les désastres (DEC), la coalition des organisations non gouvernementales britanniques qui mettent leurs moyens en commun pour éviter « les collectes de fonds concurrentielles » en cas de désastre majeur. C’était en contraste frappant avec la même époque l’année dernière, lorsque la BBC avait de façon tout à fait volontaire refusé d’annoncer le lancement d’un appel du DEC pour collecter de l’argent afin de venir en aide aux victimes des bombardements israéliens sur Gaza. C’était la première fois que la BBC avait refusé de relayer un appel de la coalition DEC depuis 1963.
Quelques rares médias ont relevé les anomalies dans « l’auto-louange » sioniste. The Times a fait remarquer dans le même article qui notait le paquet d’email « identiques » s’inspirant de l’article de Lynn Sharon, que tandis que le rôle israélien en Haïti était glorifié, « les efforts là-bas pour l’amélioration de l’image d’Israël sont en complète contradiction avec les barrières qu’il dresse maintenant devant les mêmes organismes d’aide et qu’il harcèle dans les ruines [de Gaza]. » Philp se rapportait au refus de plus en plus fréquent par Israël de délivrer des visas pour le personnel des organisations d’aide et de développement travaillant en Palestine. L’article était également l’un des rares, sans mentionner les agences de presse ou la presse pro-palestinienne, à reprendre les commentaires de Max Gaylard, coordonnateur humanitaire pour l’ONU en Palestine, déclarant : « nous sommes profondément préoccupés par l’état du système de santé à Gaza aujourd’hui et en particulier par sa capacité à fournir des soins appropriées aux habitants ... Cette grave situation n’est pas comme celle en Haïti. Haïti a été détruit par un tremblement de terre. Les circonstances [à Gaza] sont entièrement le fait de l’homme et peuvent être résolues en conséquence. »
Donnons à Ivor Dembina le mot de la fin. « C’est tellement cynique, » dit-il à propos de la campagne sioniste de courriers électroniques. « Les sionistes se sont rendus compte que les campagnes de haine contre ceux qui les critiquent deviennent inefficaces, aussi passent-ils à la propagande positive, comme toute cette affaire sur l’aide médicale envoyée en Haïti. Évidemment n’importe quelle aide pour Haïti doit être relevée, mais c’est un exercice tellement évident de propagande. S’ils sont tant intéressés à aider des gens dans des crises humanitaires, ils peuvent aller juste à la porte à côté et aider ceux sur lesquels ils ont versé leurs bombes. »
* Sarah Irving est écrivain et vit à Manchester au Royaume-Uni. Elle a travaillé avec le mouvement international de solidarité [ISM] en Cisjordanie en 2001 et 2002 et avec Olive Co-op pour le commerce des produits palestiniens, et l’organisation de visites de solidarité de 2004 à 2006. Elle écrit maintenant à plein temps sur une série de sujets dont la Palestine. Son premier livre, Gaza : Sous les bombes [Gaza : Beneath the Bombs], écrit en collaboration avec Sharyn Lock, a été édité en janvier 2010.
Sur le même thème :
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25 janvier 2010 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/v2/ar...
Traduction de l’anglais : Claude Zurbach