Côte d'Ivoire : Ouattara et la liberté de la presse (+ vidéo)
Le camp Ouattara était attendu au tournant sur ce terrain... celui de la libre expression, celui de la liberté de la presse... lui dont les médias, sous Gbagbo, ont si bien pu attaquer le pouvoir, le critiquer, le diffamer, le calomnier, l'injurier même parfois, tant chacun savait combien le président ivoirien était sensible sur la question et inflexible : pas de délit d'opinion, pas de délit de presse. Dès le 12 avril, les "nominations", les récompenses et les promotions de fidèles ont plu dans les médias ivoiriens. La Télé de la Communauté Internationale (TCI) - qui peinera encore longtemps avant de remplacer la RTI autrement que sur les offres satelitaires - permet à certaines figures de reprendre du service. Venance Konan, après son tragi-comique exil promotionnel dans la capitale de son nouveau pays, la France, a enfin eu ce qu'au fond, comme tous les employés, il a passé sa vie à attendre : une place de chef. Un chef aux ordres (on ne se refait pas). Mais un chef quand même.
Il était d'autant plus attendu au tournant qu'une bonne partie de la propagande anti-Gbagbo développée dans les médias occidentaux aura consisté à prétendre celui-ci tyrannique, hermétique aux droits de l'homme et ne rechignant pas à la violence (Venance Konan ne la fuyait-il pas, hein, la violence des pro-Gbagbo ?)... Il était donc entendu, évident et vérifié d'avance qu'avec le nouveau régime on allait tout de suite voir la différence ! Là aussi, les masques sont vite tombés...
Aux interdictions de fait, pour cause d'imprimerie détruite ou d'occupation des locaux et rédactions par d'hirsutes FRCI bien incapables de dire de qui ils dépendent vraiment, à qui ils obéissent réellement (mais qui n'oublient pas de se faire payer, comme des hommes de main de quelque maffieux syndicat du crime, pour assurer la sécu), succèdent les "suspensions". Sans parler des calomnies et mensonges délibérés, destinés à démoraliser, diviser et dévitaliser, ainsi qu'en atteste ce petit extrait d'un droit de réponse du Nouveau Courrier (presse bleue, presse Gbagbo, pour aller vite) adressé au Mandat (Ouattara, toujours pour aller vite) en date du 15 mai...
"Nous avons les moyens financiers de paraître, mais nous en sommes empêchés par des obstacles sécuritaires réels qui ont été relevés par Reporters sans frontières (RSF) et le Comité pour la protection des journalistes (CPJ). Au demeurant, de quelles garanties sécuritaires parle Le Mandat ? Le discours musclé du ministre de l’Intérieur le 3 mai (Hamed Bakayoko, ndlr) a fait un tollé dans la corporation et au sein des organisations de protection de la liberté de la presse ; et nulle part nous ne voyons les garanties sécuritaires dont fait cas Le Mandat."
C'est dans ce contexte confortable et chaleureux que nos confrères du Temps (presse bleue, toujours) ont pu commencer à paraître à nouveau il y a quelques jours. Juste le temps, si l'on peut dire, de se faire suspendre ! Bravo Ouattara et Hamed Bakayoko ! Le motif ? La chronique ci-dessous. Que nous republions, évidemment, par principe. Ultime information utile : c'est Le Temps qui a révélé que la sécurité d'ADO par la Force Licorne allait coûter 21 milliards de FCFA à la Côte d'Ivoire. Qui est le méchant : celui fait ou celui qui dit ?
DU TAC AU TAC : COMMENT ENTRER AU « DIOULABOUGOU » ?
« Le Dioulabougou ! » Voilà comment les Ivoiriens ont surnommé le pouvoir de Ouattara. Déjà ! Pour certains, c’est le Gouvernement qui est le Dioulabougou. Pour d’autres, c’est même l’ensemble du régime Ouattara. Comment entrer au Dioulabougou ? Simple. Etre adepte des coups d’Etat. Ingrat. Avoir une haine pour Gbagbo et la refondation. Accepter l’exploitation de la France. Ne considérer la loi que lorsqu’elle frappe les Gbagbo. Cautionner le génocide des Wê pour donner leurs terres aux gens. Etre complice de l’épuration des Bété. Faire la réconciliation entre vainqueurs pendant que des villages sont massacrés. Etre content des pillages des biens d’autrui. Avoir la force de soutenir un mensonge. Prôner la paix en faisant des morts. Etre content de voir les opposants au chômage. En prison. A l’hôpital ou au cimetière. Aimer la pensée unique. Entrer au Dioulabougou, c’est bien facile.
Source : Le Temps (Germain Séhoué)
PS : le journaliste Germain Séhoué lui-même est également suspendu pour deux mois.
Par J.O. dr www.legrigriinternational.com
Les Questions du Gri-Gri
Diffusées initialement sur Tropiques FM le 17 Décembre 2009