Elles sont belles nos zélites - Elections, piège à ....
De nouveaux carnets secrets détaillent l’existence de caisses noires alimentées par des commissions liées à l’exécution de grands contrats de la DCN-Internationale… et donnent des noms : Balladur, Pasqua, Guigou, Sarkozy.
Ces derniers temps, en France, les grands commis de l’État sont saisis par le démon de l’écriture. Après les ubuesques fiches du général Rondot et les non moins célèbres carnets d’Yves Bertrand qui mêlaient, à l’abri des spirales, le vrai et le faux, voilà que débarquent les cahiers de Gérard-Philippe Menayas, l’ancien directeur financier des Constructions navales, fabricant des fameuses frégates de Taïwan.
Les brûlants feuillets sont aujourd’hui conservés dans de grands classeurs du pôle financier, sous l’éloquente étiquette « Verbatim ». De la TNT pur vélin que l’Élysée surveille de très près. Des personnalités politiques, de gauche et de droite, apparaissent sous la plume minutieuse du scribe Menayas : Édouard Balladur et Nicolas Sarkozy, mais aussi l’incontournable Charles Pasqua, Élisabeth Guigou, Jean-Marie Cambacérès et Jean-Yves Le Drian, alors députés PS. Ce dernier était aussi maire de Lorient, ville qui abrite un chantier de la Direction des Construction Navales (DCN).
On apprend donc qu’au début des années 90, presque tous les partis politiques, de gauche comme de droite, ont reçu des commissions à l’occasion de l’exécution des grands contrats de la DCN-Internationale (DCNI). Notamment à au moment de la vente de frégates à Taïwan et de sous-marins au Pakistan.
L’existence de ces grosses gâteries a même pu, à l’été 2004, rendre crédible le montage, totalement fantaisiste, du faux listing passé aujourd’hui à la loupe dans le procès Clearstream. Ainsi, Eurolux et Heine – les officines luxembourgeoises qui distribuaient les prébendes au nom de la DCNI – passaient elles par les services de la fameuse banque de compensation plutôt que par les virements bancaires classiques, plus transparents…
À la manœuvre de tout le système servant à alimenter les caisses noires des partis politiques, se trouvait un personnage forcément discret,Jean-Marie Boivin, alias Bacchus. Un monsieur au mieux avec l’ensemble du personnel politique tricolore. Sous Chirac, Bacchus avait ses entrées à l’Élysée. Et ce sont les confidences de cet homme de l’ombre, consignées par le scrupuleux Menayas, qui tourmentent un président de la République qui l’est déjà trop.
L’encombrant « Verbatim » signé Gérard Menayas est aujourd’hui dans les scellés d’une discrète instruction menée par les juges Françoise Desset et Jean-Christophe Hullin. Ouverte sur des faits mineurs, une histoire de barbouzerie pour le compte de la DCNI, l’enquête a conduit à d’innombrables visites policières chez les principaux patrons des constructions navales. En janvier dernier, les flics français partaient même au Luxembourg perquisitionner les officines chargées de distribuer la manne. Vaine balade, les autorités du Grand-duché les boutaient hors de leurs frontières sans un document à garder en souvenir.
Comme une opportune convention européenne les y autorise. Depuis, les deux juges du pôle attendent toujours le retour de la commission rogatoire adressée aux autorités luxembourgeoises via la voie diplomatique classique.
Rédigés jusqu’en mars 2008, ces écrits ne constituent que « des allégations non vérifiées », comme le constate une note de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), dont Bakchich a pu prendre connaissance. Reste qu’à l’Élysée, mais aussi chez les socialistes, on suit comme le lait sur le feu l’évolution de ce dossier judiciaire explosif. Passionnants à décrypter, les cahiers Menayas comportent de nombreuses initiales : « NS », pour Nicolas Sarkozy, « JPP », pour Jean-Paul Perrier, président de Thalès International. Des codes apparaissent également « Bacchus », pour Jean-Marie Boivin, grand manitou des commissions ; « DD » pour Andrew Wang, l’intermédiaire flamboyant qui reçut près d’un demi milliard de dollars pour le contrat des frégates.
À propos du contrat des frégates, les cahiers Menayas révèlent que « l’un des principaux bénéficiaires […] serait Édouard Balladur. L’autre, Élisabeth Guigou, grâce à un système élaboré de prêts adossés ».
Toujours d’après les cahiers Menayas, « les masses financières dont Andrew Wang assurait la circulation occulte étaient destinées à la France et, pour une part substantielle, à l’Allemagne. Pour notre pays, elles devaient revenir au parti socialiste, à des membres du parti républicain et des balladuriens, via Charles Pasqua… ».
Notons qu’une des rares traces de rétro commission retrouvée par le juge suisse Paul Perraudin concernait Étienne Leandri qui, jusqu’à son décès en 1995, fut le grand argentier de Pasqua. Ailleurs, Menayas note : « Les rétros JMP/Bravo (nom de code du procès des frégates) ont été rétrocédées à J.Y Le Drian », ancien maire de Lorient.
Enfin, « JPP [Jean Paul Perrier] a utilisé la société Lobbying Transasia Développement présidée par Jean-Marie Cambacérès. […] » Jean-Marie Cambacérès, ancien député socialiste, était un spécialiste de l’Asie.
« Les autorités luxembourgeoises auraient découvert que NS aurait été intéressé à SW2 [le contrat de vente de frégates à l’Arabie Saoudite] avec le concours de Nicolas Bazire, voire de JL Lagardère, dont il a fréquenté les haras… », note Menayas.
Le nom de Nicolas Bazire, à l’époque directeur de cabinet d’Édouard Balladur, n’apparaît pas par hasard. Un rapport de la DNIF (Division nationale des investigations financières), daté du 5 mars 2007 et versé au dossier des juges Hullin et Desset, revenait sur la création de Heine, une des officines luxembourgeoises créées par la DCNI. « Une chronologie fait apparaître que la création de la société Heine, au deuxième semestre 1994, s’est faite après accord de Nicolas Bazire et du minisre Nicolas Sarkozy », notait le rapport des flics financiers. D’après les cahiers Menayas, Nicolas Sarkozy aurait envoyé deux émissaires rencontrer Bacchus, l’homme clé des commissions des constructions navales. Cette initiative, pouvons-nous préciser à Bakchich, date de l’époque où Nicolas Sarkozy était ministre de l’Intérieur. L’enquête préliminaire qui devait aboutir à l’ouverture d’une instruction judiciaire était engagée. Il y avait le feu au lac apparemment.
Par ailleurs, Bacchus aurait reçu plus tard un courrier à l’en-tête de la présidence de la République, de Claude Guéant, bras droit de Sarkozy, « s’excusant que le numéro 1 n’ait pas le temps de recevoir Bacchus », mais s’engageant « sur un RV avec Hervé Morin », ministre de la Défense.
Dans un courrier interne daté du 22 novembre 2007 et que le site Bakchich.info avait publié, le procureur Jean-Claude Marin avait effectivement averti sa hiérarchie qu’il allait « circonscrire » l’enquête aux éléments les moins sensibles… « JC Marin, petit frère, pilote l’instruction, dont il a sérieusement réduit le périmètre. Il y a malgré cela affecté deux magistrats de premier plan. C’est un opportuniste, balladurien reconverti à NS. », note enfin Gérard Menayas.
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