L'aide à l'Espagne pourrait ne fournir qu'un bref répit :
par Paul Taylor
PARIS (Reuters) - Les ministres des Finances de la zone euro ont finalement volé au secours des banques espagnoles ce week-end, voulant s'assurer qu'un plan de soutien était en place pour éviter toute contagion d'une éventuelle sortie de la Grèce de l'Union économique et monétaire (UEM).
Mais ces mesures pourraient n'apporter qu'un bref répit.
Après avoir répété pendant des semaines que l'Espagne n'avait pas besoin d'une aide extérieure pour recapitaliser des établissements bancaires plombés par des mauvaises créances depuis l'effondrement d'une bulle immobilière, le président du gouvernement Mariano Rajoy a été prié d'accepter cette aide pour échapper au pire, ont dit des sources proches des négociations.
Les ministres des Finances de la zone euro ont convenu samedi de prêter jusqu'à 100 milliards d'euros à l'Espagne afin de lui permettre de renflouer ses banques en difficulté, Madrid s'engageant à préciser le montant de ses besoins dès que seront connus les résultats d'audits indépendants en cours sur son système bancaire.
Mais la dernière digue en date érigée par la zone euro pour juguler la crise de la dette qui la mine depuis plus de deux ans -après les deux plans d'aide à la Grèce (mai 2010 et février 2012), celui à l'Irlande (novembre 2010) et celui au Portugal (mai 2011)- pourrait céder dès dimanche prochain.
Ce jour-là, le 17 juin, les électeurs grecs se rendent aux urnes pour la deuxième fois en un peu plus d'un mois, et les dirigeants de la zone euro pourraient être confrontés à une possible sortie d'Athènes de la zone euro si le scrutin ne parvient pas à faire émerger une majorité soutenant les mesures d'austérité liées au deuxième plan de sauvetage.
En cas de sortie de la Grèce de la zone euro, analystes et agences de notations s'accordent pour dire que l'Espagne et l'Italie figureront parmi les pays les plus exposés à une telle déflagration.
Mariano Rajoy a défendu dimanche sa gestion de la crise de la dette, estimant que les réformes menées sous sa direction avaient permis à Madrid d'éviter le recours à une aide étrangère, malgré le plan de sauvetage des banques annoncé la veille par la zone euro.
Certains analystes estiment toutefois que le plan en faveur des banques n'est qu'un prélude à un sauvetage de l'Etat espagnol lui-même, une extrémité qui épuiserait ce qui reste des capacités d'intervention des fonds d'urgence européens.
"Le poids de la recapitalisation de banques insolvables (...) pèsera au bout du compte sur les épaules des citoyens espagnols. Pour cette raison, l'annonce du week-end pourrait bien exclure l'Espagne du marché obligataire", a estimé Karl Whelan, économiste à l'University College à Dublin.
PRÉSERVER BANQUES FRANÇAISES, ALLEMANDES ET L'ITALIE
L'Espagne, quatrième économie de la zone euro, replongée en récession et confrontée à un taux de chômage record, doit encore refinancer 47,3 milliards de dettes arrivant à échéance cette année.
Même si le rendement des obligations à dix ans a reflué dans l'anticipation d'un plan en faveur des banques espagnoles après un pic de près de 6,7% la semaine dernière, il est encore largement au-dessus de la barre de 6%, dernière zone à risque avant le niveau de 7% qui a vu l'Irlande et le Portugal solliciter une aide.
"Nous sommes proches d'une catégorie spéculative et nous y finirons. Dans cette situation, il faut observer la réaction des investisseurs et voir si la fuite des capitaux cesse (...) Si l'hémorragie n'est pas stoppée, il y aura de nouveaux problèmes de financement et nous verrons que ce plan de sauvetage qui a commencé petit deviendra de plus en plus important", a déclaré Jose Carlos Diez, économiste chez Intermoney.
Malgré les dénégations de Mariano Rajoy au sujet d'une pression de ses pairs, l'Allemagne, la France, la Banque centrale européenne (BCE), le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne ont insisté pour que Madrid sollicite une aide avant les élections grecques.
Un haut responsable allemand a déclaré que Berlin avait averti le gouvernement espagnol que s'il ne demandait pas tout de suite une aide pour ses banques, il courait le risque de devoir un plan de sauvetage pour tout le pays plus tard.
En dehors de leur volonté de préserver la stabilité de la zone euro, Paris et Berlin ont également encouragé Madrid à se tourner vers une aide internationale au nom de leurs propres intérêts.
"Si l'Espagne se retrouvait dans une situation catastrophique, on pourrait faire une croix sur les banques françaises et allemandes", a estimé dimanche le ministre des Finances luxembourgeois Luc Frieden sur RTL.
Le plan d'aide préparé pour l'Espagne a également pour but de donner un peu d'air à l'Italie, troisième économie de la zone euro.
Certains intervenants du marché voient l'Italie, pays le plus endetté de la zone euro derrière la Grèce, être le prochain à devoir solliciter une aide internationale.
Vendredi, le rendement des obligations italiennes à 10 ans s'est établi à 5,773%.
Benoît Van Overstraeten pour le service français, édité par Jean-Loup Fiévet
Via boursorama
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