L'Amérique, pays de justice, de liberté, de démocratie ? Foutaises...
Publié le 20.09.2011, 07h52 | Mise à jour : 22.09.2011, 08h04
Troy Davis, 42 ans, a été exécuté. Après le rejet par la Cour Suprême des Etats-Unis de l'ultime recours déposé par ses avocats, il a reçu l'injection mortelle à 22h53 (4h53 en France) dans la prison de Jackson, en Géorgie. Sa mort a été déclarée à 23h08 (5h08 en France). Le gouvernement français a rapidement réagi pour regretter l'exécution.
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«Nous déplorons vivement que les nombreux appels à la clémence n'aient pas été entendus», a fait savoir le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué. Le président Barack Obama avait fait savoir mercredi soir qu'il se refusait à intervenir. Le porte-parole de la Maison Blanche, Jay Carney, a indiqué qu'il n'appartenait pas au président «de peser sur des affaires spécifiques comme celle-ci, qui est une procédure d'Etat fédéré».
Jusqu'au dernier moment, il aura clamé son innocence. S'adressant à la famille de Mark MacPhail, le policier qu'il est accusé d'avoir tué, il a déclaré : «Ce n'était pas de ma faute, je n'avais pas d'arme». «A ceux qui s'apprêtent à m'ôter la vie, que Dieu vous bénisse», a-t-il ajouté, selon une journaliste locale qui assistait à l'exécution aux côtés de parents de la victime.
Interrogée sur la chaîne de télévision CNN, Anneliese MacPhail, la mère du policier tué en 1989, a dit attendre «soulagement et paix» de l'exécution de Troy Davis, après «l'enfer» qu'elle a vécu depuis la mort de son fils.
La Cour suprême rejette le recours in extremis
L'exécution avait été retardée de quatre heures, ses avocats ayant déposé in extremis un recours devant la Cour suprême, finalement rejeté. Mardi, le comité des grâces de Georgie avait déjà rejeté son recours en grâce malgré une intense mobilisation internationale.
Condamné en 1991 pour le meurtre d'un policier perpétré en 1989, Troy Davis avait passé vingt ans dans le couloir de la mort. Il était présenté par ses partisans comme le prototype du Noir condamné à tort et avait reçu le soutien de nombreuses personnalités comme l'ancien président Jimmy Carter, le pape Benoît XVI ou l'actrice Susan Sarandon. Des centaines de manifestations de soutien ont eu lieu dans le monde.
Mercredi, plus de deux cents personnes étaient réunies devant le pénitencier de Jackson, pour crier leur colère. «C'est un scandale, personne ne doit exécuter quelqu'un sans preuve matérielle et uniquement sur la base de témoignages visuels», s'indignait le révérend Al Sharpton, connu pour son combat pour les droits civiques. En France, l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter, père de l'abolition de la peine de mort il y a 30 ans, évoquait «une tache sur la justice des Etats-Unis».
Martina (en fauteuil) et Kimberly, les soeurs de Troy Davis, s'adressent à la foule devant le pénitencier de Jackson, alors que la Cour suprême a retardé l'exécution le temps de se prononcer sur un ultime recours.
AFP/ERIK S. LESSER
Les appels répétés ces derniers jours de l'Union européenne à la clémence, eux non plus, n'ont pas été entendus. Lundi encore, Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, exprimait «sa vive inquiétude dans l'affaire de Troy Davis». «De sérieux doutes ont toujours entouré les preuves sur lesquelles a été établie la condamnation de M. Davis, comme l'ont reconnu les juges en appel», écrivait-elle.
«Le combat pour la justice ne s'arrête pas avec moi»
Mardi soir, le condamné avait adressé un message à ses défenseurs : «Le combat pour la justice ne s'arrête pas avec moi», avait-il écrit dans un texte diffusé par Amnesty International USA. «Je n'arrêterai de me battre qu'à mon dernier souffle.» Le comité des grâces venait de rejeter le dernier recours déposé par les avocats du condamné.
Et selon les experts, d'éventuels recours auprès de juridictions locales ou de la Cour suprême n'avaient plus que d'infimes chances d'aboutir. Restait l'ultime action menée par l'organisation de défense des droits de l'homme, l'American civil liberties union (ACLU), qui avait appelé «à une grève générale des personnels pénitentiaires en Géorgie».
Sept des neuf témoins se sont rétractés
Les doutes sur sa culpabilité ont toujours existé. A l'époque des faits, neuf témoins l'avaient désigné comme étant l'auteur du coup de feu qui a tué un policier blanc. Seulement, l'arme du crime n'a jamais été retrouvée et aucune empreinte digitale ou ADN n'a été relevée. Depuis, sept des neufs témoins sont revenus sur leurs déclarations, expliquant comment la police les avait persuadés de désigner le jeune Noir.
En 2009, la Cour suprême avait même offert à Troy Davis la possibilité de bénéficier d'une nouvelle audience. Mais la famille de Mark MacPhail, le policier tué, ne voulait rien entendre. Pour elle, il est l'auteur du meurtre.
Depuis 1976, date à laquelle la peine de mort a été rétablie dans l'Etat de Géorgie, 51 exécutions ont été programmées. Et sept demandes de grâce ont été accordées. Quelques heures avant Troy Davis, dans l'Etat du Texas, Lawrence Brewer, un Américain de 44 ans membre du Ku Klux Klan condamné pour un meurtre raciste, était lui aussi exécuté.