L'ancien témoin sous X qui accuse Coupat dément des pressions policières
Jean-Hugues Bourgeois avait quitté en décembre le village de Teilhet, où il s'était installé fin 2006 avec sa femme et sa fille pour ouvrir une fromagerie biologique © GENEVIEVE COLONNA D'ISTRIA / lepoint.fr
Nouveau rebondissement dans l'affaire de Tarnac. La dernière version du témoignage de Jean-Hugues Bourgeois, un chevrier qui a été en contact avec des personnes poursuivies dans l'affaire des sabotages de lignes TGV en novembre 2008, pourrait nourrir les éléments à charge contre Julien Coupat. Lors d'une nouvelle audition, l'homme affirme en effet ne pas subi de pression de la part de la Sous-Direction antiterroriste (Sdat) lorsqu'il a déclaré en novembre 2008 que Coupat "faisait peu de cas de la vie humaine".
Les avocats du jeune homme avaient fait état, le 25 novembre, de "présomptions très sérieuses de falsification" par les enquêteurs et dénoncé un "florilège de manipulations", parmi lesquelles ils avaient cité un témoignage sous X recueilli le 14 novembre 2008 et qui s'est avéré être celui de Jean-Hugues Bourgeois. Ce dernier, par ailleurs mis en examen pour s'être adressé à lui-même de prétendues lettres de menaces de mort, leur répond aujourd'hui qu'il n'y a pas eu de pression "de la part" des policiers. Il assure en revanche avoir subi "depuis un an de nombreuses pressions, entre autres des chantages de la presse". Selon lui, "dans ce dossier, depuis le début, peu de gens s'intéressent à la vérité : on a d'abord dépeint le témoin anonyme (lui-même, ndlr) comme un fou mythomane. Aujourd'hui, on cherche à en faire une victime de tortures policières", explique-t-il dans le procès-verbal de l'audition.
Problème, cette version contredit ses propres déclarations tenues un an après le début de l'affaire devant une caméra de TF1, le 11 novembre 2009. L'homme, alors identifié comme le témoin numéro 42 (mais dont l'identité s'est révélée être celle de Jean-Hugues Bourgeois), filmé flouté, sous l'objectif d'une caméra cachée, déclare n'avoir eu "aucune idée du témoignage anonyme", recueilli le 14 novembre 2008 par les policiers de la Sdat. L'un des fonctionnaires lui aurait expliqué qu'il y avait "tout un tas d'infos, d'interceptions de mails" qui n'étaient "pas exploitables dans une procédure judiciaire", et qu'ils avaient "besoin d'une signature". Les policiers auraient donc ajouté des éléments, extraits de leurs dossiers, dans la déposition du témoin.
L'enjeu est de taille puisque les affirmations initiales de l'agriculteur constituent l'un des éléments à charge retenus contre le groupe de Tarnac et son leader supposé Julien Coupat. L'homme, âgé de 30 ans, a notamment expliqué fin 2008 que Julien Coupat faisait "peu de cas de la vie humaine". Il a donc été réentendu le 26 novembre sous sa véritable identité par un des juges en charge de l'enquête. "Je ne veux plus jouer le moindre rôle dans l'affaire dite de Tarnac et je tiens à ce que mon identité figure au dossier afin que mon anonymat ne puisse plus faire l'objet d'un quelconque chantage", a expliqué Jean-Hugues Bourgeois, selon le procès-verbal.
Motifs de la dénonciation
La version des policiers de la Sdat est soutenue par les dires d'un autre témoin entendu par les magistrats le 4 décembre dernier. Un gendarme du Puy-de-Dôme affirme avoir été contacté dès le 11 novembre 2008, jour de l'interpellation des membres du groupe, par Jean-Hugues Bourgeois qui assurait "avoir des révélations à (lui) faire". Les deux hommes se sont vus, selon le gendarme, le 11 novembre en fin de journée. Jean-Hugues Bourgeois, qui indique au gendarme "être en relation agricole avec les gens de Tarnac", lui explique alors qu'il souhaite lui parler "pour ne pas voir débarquer un jour la police antiterroriste chez lui".
"En aucun cas, Jean-Hugues Bourgeois ne m'a parlé des dégradations sur les TGV", a précisé le gendarme, selon une copie du procès-verbal d'audition. Mais, selon lui, le témoin a présenté Julien Coupat comme "le leader charismatique et virulent du groupe". "Alors que je lui demandais en quoi ces gens étaient intéressants et dangereux comme il le disait, il m'a expliqué qu'au cours d'une discussion politique avec eux, sans me préciser exactement avec qui, ils lui avaient dit que le combat politique était plus important que la vie humaine", a assuré le gendarme. Jean-Hugues Bourgeois "voulait les dénoncer absolument parce que lui-même avait failli être capté par cette communauté et que de bons copains à lui avaient été interpellés par la police en suivant les idées de ce groupe".
Le gendarme raconte qu'il a alors mis en relation Jean-Hugues Bourgeois avec les enquêteurs. "En aucun cas", a-t-il souligné, "Bourgeois n'a été forcé de déposer, je n'ai jamais entendu une quelconque menace" de la part des enquêteurs de la Sdat et "Bourgeois était d'ailleurs libre de partir à tout mome nt s'il le souhaitait".