L'Espagne contrainte de se financer à des taux records, la Grèce une nouvelle fois sous surveillance de Moody's

Publié le par sceptix

16/12/10 | 16:55 | mis à jour à 17:03 | Jessica Berthereau

Pour sa dernière émission obligataire de l'année, l'Espagne a placé ce jeudi 2,4 milliards d'euros à des taux en forte hausse. Ils ont atteint un niveau record depuis dix ans. L'année 2011 s'annonce délicate avec d'importants besoins de refinancements.

Au lendemain de l'avertissement de Moody's, le Trésor espagnol a émis, ce jeudi 16 décembre, 2,4 milliards d'euros d'obligations à 10 et 15 ans à des taux en forte hausse. L'Espagne a ainsi dû concéder un rendement moyen de 5,446 % pour le titre à dix ans, contre 4,615 % lors de la précédente adjudication en novembre.

Pour les obligations à 15 ans, le taux moyen s'est porté à 5,953 %, en forte hausse par rapport à la dernière émission similaire en octobre (4,541 %). Le ratio de couverture, qui montre l'appétit des investisseurs pour la dette espagnole, est tombé à 1,67 pour l'emprunt à dix ans, contre 1,84 précédemment, mais il est passé à 2,52 pour l'obligation à 15 ans, contre 1,44.

Les taux reflètent la forte défiance envers l'Espagne

« Bien que l'émission n'ait pas été un succès et que son accueil n'ait pas été démesuré, les rendements n'ont pas augmenté de façon excessive. Le marché attendait cette hausse et n'a donc pas été surpris », réagit Soledad Pellon, stratégiste chez IG Markets à Madrid. En s'approchant des 6 %, les taux sont montés à un niveau jamais atteint depuis dix ans.

Même s'ils sont « en ligne avec ceux du marché secondaire, ils reflètent une situation de forte méfiance envers l'Espagne », commente José Luis Martinez, stratégiste chez Citibank à Madrid. Pourtant, l'émission a été souscrite à 70 % par des investisseurs étrangers, alors que la moyenne se situe normalement autour de 50 %.

« Surtout, l'Espagne a payé 18 % de plus sur les obligations à 10 ans et 31 % de plus pour celles à 15 ans alors que le Portugal a dû payer 87 % de plus pour émettre de la dette mercredi », souligne Soledad Pellon. « Cette émission nous laisse une saveur aigre-douce », résume-t-elle.

L'Espagne doit refinancer d'importantes échéances en 2011

Ce dernier test obligataire de l'année -seule une émission de bons sera réalisée fin décembre -intervenait au lendemain de la mise sous surveillance de l'Espagne par Moody's. L'agence de notation envisage un nouvel abaissement de la note souveraine espagnole « Aa1 » en raison de ses « besoins élevés de refinancement » qu'elle chiffre à un total de 290 milliards, Etats, régions et banques confondus.

Le Trésor espagnol va devoir refinancer d'importantes échéances en avril, juillet et octobre 2011. Ces besoins de refinancement « rendent le pays susceptible de connaître de nouveaux épisodes de tension pour se financer sur les marchés », s'inquiète Moody's.

« Pour regagner de la crédibilité, l'Espagne doit démontrer qu'elle peut poursuivre avec son modèle de régions autonomes [endettées à hauteur de près de 105 milliards d'euros, NDLR]. De plus les banques doivent être plus transparentes sur leur portefeuille d'actifs, puisqu'il s'agit là de l'une des principales préoccupations des investisseurs », avance Soledad Pellon.

Le gouvernement, qui a récemment annoncé de nouvelles mesures d'austérité et de relance, s'est engagé à transférer au Parlement le 28 janvier prochain sa réforme des retraites, très attendue par les marchés.

La situation de l'Espagne n'est pas seulement entre les mains espagnoles, mais aussi portugaises et européennes. « Si rien de plus n'est fait en Espagne, la probabilité que le pays ait recours au fonds européen est de 30 % ; si le Portugal tombe, cette probabilité passe à 50 % », pronostique Juan José Toribio, professeur à l'IESE Business School. Or « la situation portugaise est bien plus compromise que celle de l'Espagne », ajoute-t-il.

L'évolution de la crise de la dette souveraine en Europe dépendra aussi de la réponse systémique que les dirigeants européens réunis en sommet à Bruxelles depuis ce jeudi après-midi seront en mesure d'apporter. « Il doit y avoir des messages fermes sur l'euro au niveau européen », conclut José Luis Martinez.

JESSICA BERTHEREAU, CORRESPONDANTE À MADRID

 

 

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