la fin justifie très souvent les moyens, mais qu’est-ce qui justifie la fin ?

Publié le par Charlotte sceptix

 

Altantuya Shaariibuu 16 avril 2010

 

Nous avons une dette envers cette défunte dame et les deux enfants qu’elle laisse derrière elle. Nous tous, Français.

A partir de l’année 2000, Najib Tun Razak fut nommé ministre de la défense de Malaisie et se lança dans un vaste projet de modernisation de l’armement de son pays.  En 2002 il finalisa l’achat de deux sous marins Scorpène à la Direction des Chantiers Navals (DCN, fusionné avec Thalès en 2005) ainsi que la location d’un troisième de classe Agosta. Ce contrat pesait environ 1 milliard d’euros.

Pour avoir conclu cette vente, la filiale de DCN, Amaris, remercia la société malaisienne Perimekar pour ses « services de logistique et d’assistance » en lui reversant 11% de la transaction totale, soit 114 millions d’euros. Pour cette transaction les cadres Français d’Amaris ont rencontré Abdul Razak Baginda à Paris en 2005 et les discussions étaient traduites par Altantuya Shaariibuu, 28 ans à l’époque.
Abdul et Altantuya sortaient ensemble, cela va sans dire.
Problème : il est établi que Perimekar n’existait pas un an avant et qu’elle n’avait pas les ressources pour fournir de quelconques services de logistique et d’assistance. L’argent lui a bien été versé, cependant.

En 2006, lorsque la société Amaris verse les 114 millions Altantuya réclame sa part, qui ne lui est pas versée. Il semble que la femme de Najib Tun Razak se soit opposée au paiement puisque son mari avait couché avec son employée.  L’homme est alors vice-premier ministre de Malaisie, rien de moins… et il est devenu le premier ministre depuis.

Altantuya Shaariibuu va alors faire tellement de bruit et émettre tellement de menaces que son amant attitré (Baginda) va louer les services de deux membres des services spéciaux malaisiens.
Ils tuent la jeune femme et font exploser son corps à l’explosif militaire C-4. Peu après les registres des Douanes sont effacés et Altantuya disparaît de la surface de la planète.
Sauf que l’affaire se poursuit aujourd’hui en justice grâce à l’ONG malaisienne Suaram qui lutte contre la corruption.

Quel rapport avec les Français allez-vous me dire ?…
Il semble malheureusement que les procédures commerciales de notre DCN incluent la mort de civils en temps de paix.
Que notre pays soit un grand marchand de canons est en soi un mal (sans doute) nécessaire, soit. Si vis pacem, para bellum comme disait l’autre. Mais qu’au moins cela soit fait de façon honorable.
Car ce n’est pas DCN ou Thalès ou Dassault qui vend des armes, c’est la France. C’est nous. Et c’est bien dommage que nous laissions des morts dans le sillage de notre business.
Car les plus attentifs d’entre vous auront remarqué les étranges similitudes entre cette affaire malaisienne, les pots de vin commissions aux officiels de Taiwan pour la vente de frégates Lafayette et la vente de sous marins Agosta au Pakistan. Dans ce pays en 2002, 11 ingénieurs avaient explosé dans leur minibus en allant à leur travail. Compte tenu du contexte c’est Al Qaida qui avait porté le chapeau (au début).

Se pourrait-il donc que les ingénieurs de DCN ait été tués à Karachi parce que leur entreprise avait fait un faux-pas dans le versement des commissions ?

Lors d’un compte rendu de synthèse en janvier 2007, le directeur de Thalès a loué le passage au statut d’entreprise privée survenu en 2003, notamment car « La souplesse d’achat est revenue par rapport à l’administration, permettant de mieux répondre aux besoins. » Est-ce à dire que l’entreprise est parvenue à s’affranchir de verrous qui l’encombraient ?

Cet enchaînement d’histoires tordues est donc peu honorable pour les marchands de canons de notre pays, c’est un premier point.

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Un deuxième point concerne l’imbrication de ces grands contrats d’armement avec le pouvoir politique, le nôtre, celui de l’État français. Car il ne vous aura pas échappé qu’il ne s’agit pas que de vendre des engins de guerre, des systèmes d’armement et autres systèmes de surveillance.  Dans la mesure où les contrats d’armement sont une affaire qui concerne aussi bien les industriels que les Affaires Étrangères, on ne s’étonnera pas que le pouvoir politique garde un œil attentif sur qui-vend-quels-canons-à-qui.

Cela serait honorable précisément s’il y avait un contrôle juridique contraignant prélable aux ventes d’armes. Après tout, il ne s’agirait pas de vendre des Mirages F-1 à une dictature qui pourrait venir nous bombarder ensuite avec nos propres avions, sans parler de sa propre population, n’est-ce pas ? En France c’est plutôt l’inverse : vendons et ensuite on s’occupera des conséquences. Car en filigrane de ces contrats d’armement, commissions, rétrocommissions et autres récompenses pour services rendus, à chaque fois, il semble que cela serve d’abord à financer des campagnes électorales. Pour les personnes qui gravitent autour de ces contrats, il s’agit d’une excellente opportunité de se financer au travers d’échanges discrets de millions d’euros. Les bénéficiaires de ces contrats, ceux qui reçoivent nos sous-marins, chars, missiles, avions, logiciels et séances de formation à leur utilisation peuvent bien faire ce qu’ils en veulent, l’essentiel c’est de vendre ces trucs. Et peu importe combien d’Altantuya sont tuées en chemin.

L’aspect légal ou illégal de ces financements me laisse un peu de marbre je l’avoue, parce que même légale cette source de financement est particulièrement irresponsable. On pourra me répondre qu’il ne s’agit là que d’un moyen pour atteindre un objectif noble et louable, dans une vieille nation patrie des Droits de l’Homme, mère de Voltaire et Montesquieu…

Certes, la fin justifie très souvent les moyens, mais qu’est-ce qui justifie la fin ?

Commençons par faire des deux orphelins d’Altantuya Shaaribu des Pupilles de la Nation. Ça ne leur rendra pas leur maman mais ça compensera les errements qui ont amené à son assassinat.

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