La « main invisible » donne une grosse baffe à la France

Publié le par sceptix

Par Simone Wapler, le 21 décembre 2010

J’avais prévu de vous parler de l’hyperinflation et de ses signaux avant-coureurs. Nous avons d’ailleurs commencé sur le sujet, hier, dans la Quotidienne. Voilà qu’aujourd’hui, 21 décembre, la très respectable Agefi, qu’on ne peut soupçonner d’alarmisme outrancier nous fait déployer nos petites antennes fébriles. « Le CDS sur la France à un niveau record », titre le quotidien.

Le CDS, c’est cette assurance contre le défaut sur une dette. Il existe des CDS pour les pays – et donc les obligations souveraines qu’ils émettent – comme pour les entreprises.

Tout soupçon sur la bonne santé d’un émetteur commence par un renchérissement de la prime d’assurance le concernant. La crise grecque a commencé comme cela, la crise irlandaise aussi, les CDS sur le Portugal et l’Espagne sont actuellement très élevés…

La « main invisible » de M. Le Marché nous réveille ce matin par une bonne claque : les CDS de la France coûtent maintenant plus chers que ceux de France Télécom, Carrefour ou Air Liquide. A un horizon de 5 ans, le marché estime que les probabilités de l’Etat français de faire défaut sur sa dette sont supérieures à celle des entreprises que je viens de vous citer. Mieux vaut la signature d’Air Liquide que celle de Bercy !

Graphique des CDS de la France
Sources Bloomberg et Agefi

Bien sûr, L’Agefi donne immédiatement un petit comprimé de Lexomil à ses fidèles lecteurs : « un autre indicateur de la perception du risque est plutôt favorable à la France. L’écart entre les dettes souveraines française et allemande à 10 ans s’est resserré récemment ». Traduction : la signature française a malgré tout remonté un peu dans l’estime des investisseurs par rapport à la signature allemande. Ouf, dormez tranquille braves gens…

Mais me direz-vous « comment se fait-il qu’une entreprise puisse donner moins d’inquiétude à ses débiteurs qu’un Etat » ?

C’est simple : une entreprise qui ne paie pas ses créanciers sait qu’elle ne pourra plus trouver d’argent. Elle pourra être liquidée. Mais un Etat qui décide de rééchelonner sa dette ne fera pas faillite comme une entreprise. Il ne disparaîtra pas. Il lèvera des impôts, il imprimera de la monnaie ! Ses citoyens feront peut-être faillite, lessivés par l’inflation, mais pas l’Etat. Une entreprise mise au ban de la société financière peut mourir. Un Etat, non.

Comment a-t-on pu en arriver là, pour que la signature France soit moins bien vue que la signature France Télécom ? Par les taux bas, nous conduisant sur la pente fatale de l’endettement puis du surendettement collectif.

Ce qui nous ramène à notre sujet inflation – hyperinflation et à la sortie de crise qui nous attend peut-être.

Au commencement est une équation monétariste

Produits et services vendus = Masse monétaire x Vélocité
Ou encore
PIB = M x V

V : la vélocité est la rapidité de circulation de la monnaie, en d’autres termes, combien de fois elle change de main.
M : la masse monétaire
Le PIB, je ne vous le présente pas… somme de la vente des produits et services – l’équivalent collectif de la richesse.

C’est l’équation dont se servent la plupart des banquiers centraux, issus de l’école keynésienne et monétariste.

Si vous tenez cette équation pour de vrai :

- si M augmente, le PIB augmente. La croissance de la masse monétaire aboutit à une croissance du PIB.
– Si V augmente, le PIB augmente. Augmenter la vitesse à laquelle circule la monnaie fait croître le PIB.

Vous remarquerez que cette équation, très théorique et désincarnée, défie la vie quotidienne.

Une égalité se lit dans les deux sens. Au contraire, il devrait être logique de dire que la masse monétaire caractérise (est la résultante) de la richesse et que l’inverse n’est pas vrai. Un tas d’argent n’est pas la richesse.

Ensuite, à l’échelle individuelle, ce n’est pas parce que l’argent circule vite que l’on s’enrichit. Au contraire : l’achat compulsif conduit plutôt à de mauvais investissements.

Mais ce genre de constat ne dérange absolument pas les économistes monétaristes qui nous gouvernent. Pour eux, une équation peut résumer une agglomération d’individus et la psychologie rentre parfaitement dans une formule telle que PIB = M x V.

Le levier V comme vélocité = le taux directeur. Il est déjà en butée…
Traduit à la sauce des économistes monétaristes, il existe un moyen très simple de faire grandir la vélocité, la vitesse à laquelle vous dépensez votre argent : le taux directeur.

Plus les taux sont bas, moins l’emprunteur réfléchit avant de se décider. Le prêteur fait lui aussi moins attention aux dossiers. Après tout, la charge pesant sur son débiteur n’est pas très élevée. Tout ceci conduit (tout comme vos achats compulsifs) à de mauvais investissements. Mais les économistes monétaristes n’en ont cure : le PIB croît, tout au moins, on le croit.

C’est exactement ce qui s’est passé lors de la crise du crédit subprime : le PIB des Etats-Unis augmentait puisque de mauvais prêts augmentaient la valeur de l’immobilier.

Aujourd’hui, les taux directeurs sont à presque zéro. Nos apprentis sorciers ne peuvent plus espérer augmenter le PIB par augmentation de la vélocité.

Le levier M comme masse monétaire = l’impression monétaire. Elle s’accélère
Que leur reste-t-il ? M, la masse monétaire, bien sûr. C’est pour cela que la Fed imprime de la fausse monnaie.

« Imprime » n’est pas tout à fait exact, puisqu’aujourd’hui la monnaie existe en « devenir » sous forme de prêts et de façon électronique.

Sur Wikipédia, vous trouverez un graphe éloquent de la masse monétaire européenne. Rassurez-vous, de l’autre côté de l’Atlantique, c’est du même acabit.

Schéma : http://fr.wikipedia.org/wiki/Masse_monétaire
Schéma : http://fr.wikipedia.org/wiki/Masse_monétaire

La manoeuvre sur le levier « V » a foiré. Les Banques centrales manoeuvrent donc le levier « M ». Elles créent de la fausse monnaie en espérant faire croître la richesse collective.

C’est insensé, mais c’est ce qui nous gouverne.

Vous l’avez compris, il ne s’agit pas de pièces et de billets. Il s’agit de dettes souveraines et du fameux quantitative easing. Cette opération consiste pour l’Etat émetteur à racheter sa propre dette avec de l’argent ne correspondant à aucune richesse créée ou même en devenir. Donc de la fausse monnaie.

En général, ce qui est insensé rate. Donc nous escomptons que ce beau plan va rater. Comment ?

Au bout d’un moment les gens vont réaliser qu’ils sont noyés sous de la fausse monnaie. Ces gens seront très probablement les débiteurs, les souscripteurs de la dette souveraine libellée en dollar, en euro et dans une moindre mesure en yen.

Ils n’ont cure d’équation telle que PIB = M x V. Tout ce qu’ils vont constater c’est que leur richesse diminue et que les prix montent. Ca, croyez-moi, c’est très concret, beaucoup plus que l’équation.

Alors, dites-moi, que faites-vous lorsque vous vous apercevez que vous avez affaire à de la fausse monnaie ?

Vous la rapportez à la banque ? Bravo, vous êtes honnête ! Sauf que la banque fait partie des faux-monnayeurs… Alors ? Oui, c’est ça : vous tâchez de vous en débarrasser au plus vite. Vous êtes prêt à l’échanger contre n’importe quoi, pourvu qu’elle ne vous colle pas aux pattes.

C’est exactement cela, l’hyperinflation. Car, en face, les faux monnayeurs en rajouteront toujours, dans une folle fuite en avant comme la République de Weimar.

Si vous voulez impressionner les économistes monétaristes et les keynésiens de tout poil, vous leur sortez votre grande équation à vous :

Hyperinflation = Fausse Monnaie x Hypervélocité

Comment allons-nous en arriver là et que devez-vous surveiller ? C’est ce que nous verrons dès demain…


Pour aller plus loin aujourd’hui :
Une analyse exceptionnelle de Simone Wapler… en vidéo !
La dette abyssale des Etats a toutes les chances d’être remboursée par l’épargne de centaines de milliers d’épargnants français…

Comment est-possible ?

Simone Wapler vous explique dans une vidéo exceptionnelle tous les détails de cette gigantesque manipulation. Elle vous dévoile également les trois moyens les plus à même de protéger votre capital. Pour la visionner, rien de plus simple, il vous suffit de cliquer ici (et n’oubliez pas de brancher le son de votre ordinateur).

- La remontée des taux longs observée depuis le début du mois amène différentes implications, en particulier sur les secteurs défensifs comme vous l’explique Mathieu Lebrun dans Le Billet du Trader. Un article à découvrir en cliquant ici…


Photo : Олександр – Flickr

 

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