Lagarde met la Grèce sous curatelle renforcée
Régis Soubrouillard - Marianne2.fr
Tout juste nommée à la tête du FMI, Christine Lagarde appelait les députés grecs à une entente nationale pour adopter le plan d'austérité proposé par le gouvernement sous la pression bienveillante du FMI et de l'Union Européenne. Sitôt adopté par le parlement, à Athènes des heurts violents ont opposé manifestants et forces de l'ordre. Si les places financières respirent, l'ancien responsable des pays émergents au FMI prévient Lagarde qu'en marchant dans les pas de DSK elle court à la catastrophe. La Grèce avec...
![Opposition entre forces de l'ordre et manifestants devant le Parlement (capture RTE) Opposition entre forces de l'ordre et manifestants devant le Parlement (capture RTE)](http://www.marianne2.fr/photo/art/default/936247-1110376.jpg?v=1309366057)
Opposition entre forces de l'ordre et manifestants devant le Parlement (capture RTE)
A l’heure de la canonisation médiatique de Christine Lagarde, à peine intronisée meilleure économiste du monde, après « l’empêché » DSK, l’ancienne Ministre de l’économie et des finances a déjà dévoilé une partie de son programme : mettre la Grèce sous tutelle.
La nouvelle directrice du FMI a ainsi dès hier appelé majorité et opposition à « l’entente nationale » politique en Grèce pour voter les mesures d’austérité proposées par le gouvernement sous la pression du FMI et de l’Union européenne. « Si j’ai un message à faire passer ce soir concernant la Grèce, c’est un appel à l’opposition politique grecque pour qu’elle rejoigne dans une entente nationale le parti qui est actuellement au pouvoir. Il y va vraiment du destin d’un pays », a déclaré Christine Lagarde, dans sa première déclaration sur le dossier grec.
Le chef de l’opposition est resté complètement insensible à ces appels du pied qui relèvent de la mise en garde, menaçant d’exclure les députés qui voteraient en faveur du plan d’austérité, jouant plutôt la carte de « celui qui a dit NON » au FMI.
Depuis un an, le mouvement de contestation ne faiblit pas et tisse sa toile sur les réseaux sociaux. Il n’est qu’à voir la profusion de blogs, pages facebook, sites militants et d’informations consacrés au mouvement. Egalement le film debtocracy qui montre comment, en 2007, l’équateur a résisté au FMI. Sous titré en 6 langues, le documentaire à charge notamment contre DSK a été vu par plus de 500.000 personnes.
La nouvelle directrice du FMI a ainsi dès hier appelé majorité et opposition à « l’entente nationale » politique en Grèce pour voter les mesures d’austérité proposées par le gouvernement sous la pression du FMI et de l’Union européenne. « Si j’ai un message à faire passer ce soir concernant la Grèce, c’est un appel à l’opposition politique grecque pour qu’elle rejoigne dans une entente nationale le parti qui est actuellement au pouvoir. Il y va vraiment du destin d’un pays », a déclaré Christine Lagarde, dans sa première déclaration sur le dossier grec.
Le chef de l’opposition est resté complètement insensible à ces appels du pied qui relèvent de la mise en garde, menaçant d’exclure les députés qui voteraient en faveur du plan d’austérité, jouant plutôt la carte de « celui qui a dit NON » au FMI.
Depuis un an, le mouvement de contestation ne faiblit pas et tisse sa toile sur les réseaux sociaux. Il n’est qu’à voir la profusion de blogs, pages facebook, sites militants et d’informations consacrés au mouvement. Egalement le film debtocracy qui montre comment, en 2007, l’équateur a résisté au FMI. Sous titré en 6 langues, le documentaire à charge notamment contre DSK a été vu par plus de 500.000 personnes.
Le système politique contre le peuple
Dans les rues d’Athènes, la tension est particulièrement vive ces derniers jours. Les manifestants sont arrivés par milliers place Syntagma et les syndicats menacent de prolonger la grève générale de 24h. En début d’après-midi, une dizaine de milliers de manifestants étaient rassemblés faisant face aux forces de police.
Aussitôt adopté, les marchés ont salué cette décision, pendant que la police noyait les manifestants sous une pluie de bombes lacrymogènes. La démocratie athénienne qu’ils disaient…
« C'est le système politique contre le peuple. Il y a une rupture de légitimité profonde » analyse Stathis Kouvelakis, professeur de philosophie politique au King's College à Londres.
Derrière le plan de sauvetage, c’est une mise sous curatelle renforcée qui attend les grecs. Le gouvernement grec mettra en place un plan de mesures drastiques pas du tout au goût d'une grande partie des citoyens. Alors que 28,4 milliards d'euros d'économie et des privatisations massives devant apporter 50 milliards d'euros aux caisses de l'Etat sont prévues d'ici 2015. L’accélération du plan de privatisations va de pair avec l’obtention de cette tranche. Athènes va donc vendre une part du capital de OTE Telekom, leader du secteur. Le programme de privatisation touchera également Hellena Postbank la poste publique, OSE, la compagnie ferroviaire, les ports du Pirée (à la Chine…) et de Thessalonique, ainsi que la compagnie des eaux de Thessalonique. Avec Lagarde, les grecs auront au moins la compensation de se faire étrangler avec le sourire.
« Le FMI et l'Union européenne ont conçu un carcan de mesures brutales d’austérité fiscale qui produisent une profonde récession dans ces pays, et sapent ses bases fiscales. Le programme actuel n'a aucun sens. Bien qu'il soit manifeste que la médecine d'austérité ne fonctionne pas en Grèce, le FMI et l'UE sont sur le point de doubler la dose avec leur dernier pack de sauvetage grec. Le fonds a déjà appliqué ses recettes en Irlande et au Portugal. Deux échecs. ».
Cet éparpillement façon puzzle des mesures du FMI est l’œuvre de l’économiste Desmond Lachman.
Aussitôt adopté, les marchés ont salué cette décision, pendant que la police noyait les manifestants sous une pluie de bombes lacrymogènes. La démocratie athénienne qu’ils disaient…
« C'est le système politique contre le peuple. Il y a une rupture de légitimité profonde » analyse Stathis Kouvelakis, professeur de philosophie politique au King's College à Londres.
Derrière le plan de sauvetage, c’est une mise sous curatelle renforcée qui attend les grecs. Le gouvernement grec mettra en place un plan de mesures drastiques pas du tout au goût d'une grande partie des citoyens. Alors que 28,4 milliards d'euros d'économie et des privatisations massives devant apporter 50 milliards d'euros aux caisses de l'Etat sont prévues d'ici 2015. L’accélération du plan de privatisations va de pair avec l’obtention de cette tranche. Athènes va donc vendre une part du capital de OTE Telekom, leader du secteur. Le programme de privatisation touchera également Hellena Postbank la poste publique, OSE, la compagnie ferroviaire, les ports du Pirée (à la Chine…) et de Thessalonique, ainsi que la compagnie des eaux de Thessalonique. Avec Lagarde, les grecs auront au moins la compensation de se faire étrangler avec le sourire.
« Le FMI et l'Union européenne ont conçu un carcan de mesures brutales d’austérité fiscale qui produisent une profonde récession dans ces pays, et sapent ses bases fiscales. Le programme actuel n'a aucun sens. Bien qu'il soit manifeste que la médecine d'austérité ne fonctionne pas en Grèce, le FMI et l'UE sont sur le point de doubler la dose avec leur dernier pack de sauvetage grec. Le fonds a déjà appliqué ses recettes en Irlande et au Portugal. Deux échecs. ».
Cet éparpillement façon puzzle des mesures du FMI est l’œuvre de l’économiste Desmond Lachman.
Lehman's Brothers, le retour
Chercheur à l’American Enterprise Institute, ce dangereux boutefeu fut dans une autre vie directeur adjoint à la politique du Fonds monétaire international spécialisé notamment dans la formulation des politiques du FMI à l’égard des marchés émergents. Se refusant à conseiller Christine Lagarde, il lui recommande tout de même d’adopter une autre ligne que celle de son prédécesseur et de ses opérations de renflouement pour la Grèce, l’Irlande et le Portugal. Manque de pot, Lagarde s’est empressée de rassurer les marchés en indiquant qu’elle s’inscrivait dans la stricte ligne de son prédécesseur : « les intérêts de Lagarde et ceux de l'économie mondiale seraient mieux servis si elle posait un nouveau regard sur l’échec de la politique du FMI sur la crise de dette souveraine dans la zone euro » écrit-il.
Il y a un an, dans le Financial Times, un brûlot néo-marxiste, partant de son expérience Lachman décrivait le processus qui attendait la Grèce, prédisant déjà que l’adhésion de la Grèce à l’euro se finirait en Big Bang. Première étape de l'écroulement: quand un pays importe la discipline économique d’un pays étranger qui ne lui est pas adaptée. Seconde étape sur le chemin de la ruine : lorsque le pays poursuit des politiques incompatibles avec les critères imposés par son nouveau cadre monétaire.
« Un déficit budgétaire conjugué à des taux d’intéreêt anormalement élevés entrainent une érosion de la compétitivité internationale. Dans ce secteur, la Grèce a surpassé l’Argentine de 2001 en perdant plus de 30% de sa compétitivité. Dans le cas de l’Argentine, l’appui conditionné du FMI avait permis d’éviter l’inévitable pendant quelques années avant les mesures d’ajustement qui ont conduit à des émeutes. Il est difficile d’imaginer que la crise grecque se terminera de manière plus joyeuse. Toute tentative pour ramener le déficit budgétaire à l’objectif de Maastricht ne ferait qu’approfondir la récession » prédisait l'auteur. Nous y sommes.
Pour éviter du sang et des larmes à la Grèce, Dennis Lachman préconise des mesures qui seraient marquées ici du sceau du charlatanisme : une sortie ordonnée du pays de la zone euro : « une stratégie risquée mais qui permettrait au moins d’échapper à une seconde crise Lehman’s Brothers ».
En plein cœur de l’Europe cette fois-ci…
Il y a un an, dans le Financial Times, un brûlot néo-marxiste, partant de son expérience Lachman décrivait le processus qui attendait la Grèce, prédisant déjà que l’adhésion de la Grèce à l’euro se finirait en Big Bang. Première étape de l'écroulement: quand un pays importe la discipline économique d’un pays étranger qui ne lui est pas adaptée. Seconde étape sur le chemin de la ruine : lorsque le pays poursuit des politiques incompatibles avec les critères imposés par son nouveau cadre monétaire.
« Un déficit budgétaire conjugué à des taux d’intéreêt anormalement élevés entrainent une érosion de la compétitivité internationale. Dans ce secteur, la Grèce a surpassé l’Argentine de 2001 en perdant plus de 30% de sa compétitivité. Dans le cas de l’Argentine, l’appui conditionné du FMI avait permis d’éviter l’inévitable pendant quelques années avant les mesures d’ajustement qui ont conduit à des émeutes. Il est difficile d’imaginer que la crise grecque se terminera de manière plus joyeuse. Toute tentative pour ramener le déficit budgétaire à l’objectif de Maastricht ne ferait qu’approfondir la récession » prédisait l'auteur. Nous y sommes.
Pour éviter du sang et des larmes à la Grèce, Dennis Lachman préconise des mesures qui seraient marquées ici du sceau du charlatanisme : une sortie ordonnée du pays de la zone euro : « une stratégie risquée mais qui permettrait au moins d’échapper à une seconde crise Lehman’s Brothers ».
En plein cœur de l’Europe cette fois-ci…