Le secrétaire d'État aux affaires européennes ignore l'ACTA
L'ACTA ruse
L’ACTA (anti-counterfeiting trade agreement ou accord commercial anticontrefaçon ACAC) a décidément du mal à être abordé en France, même devant la représentation nationale. En témoigne la réponse du secrétaire d'État chargé des affaires européennes au député UMP Jean-Marc Roubaud.
Fin septembre, le parlementaire interroge le gouvernement « sur les mesures pratiques et non législatives adoptées par la Commission européenne pour lutter contre la contrefaçon et le piratage ». Quelques pistes sont données dans la question: « plusieurs initiatives ont été adoptées pour répondre aux conséquences graves qu'ont la contrefaçon et le piratage sur les économies de l'Union européenne. Ainsi, la Commission européenne propose de compléter le cadre juridique existant en la matière en renforçant la coopération entre le secteur privé, les autorités nationales et les consommateurs dans l'ensemble du marché intérieur ». A charge donc pour le secrétaire d’État de « faire connaître les tenants et aboutissants de ces mesures pratiques ».
Avec un tel sujet, la route était tracée pour que l’exécutif nous en dise en peu plus sur les négociations autour de l’ACTA, dans lesquelles la Commission européenne est impliquée jusqu'au cou. D’autant plus que la réponse gouvernementale a été publiée au journal officiel le 23 février dernier, alors que l’ACTA est sous le feu d’une forte pression médiatique et politique et que venait de s’achever quelques semaines auparavant, le round des négociations à Mexico.
Néanmoins, à la lecture de la réponse de Pierre Lellouche, secrétaire d’État aux affaires européennes, on ne peut constater que le sujet est encore tabou. La voilà dans son intégralité :
Certes, dans la résolution du 25 septembre 2008 sur « un plan européen global de lutte contre la contrefaçon et le piratage », la Commission est invitée à mener une politique de lutte contre le piratage (initiatives douanières, actions complémentaires aux normes législatives, conclusion d’accords entre les secteurs, l’exécution transfrontalière des jugements, actions en faveur du respect des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers et… les travaux sur un accord commercial plurilatéral de lutte contre la contrefaçon).
Dans la communication de septembre 2009, on veut encourager « les accords volontaires entre les parties prenantes et donc d'aboutir à des solutions concrètes », mais pour le reste : motus, le gouvernement évitant même de prononcer les 4 lettres d’ACTA.
On pourrait expliquer ce silence par le fait que ce traité vise l’international, avant tout. Argument rejeté quand on se souvient de cette autre réponse gouvernementale où le ministre du Budget indiquait que la France « participe aux négociations du traité « anticounterfeiting » trade agreement (ACTA) ou accord commercial anticontrefaçon (ACAC) qui réunissent actuellement l'UE et dix-neuf États autour du Japon et des États-Unis ». Le même ministre précisait un peu avant que « la lutte contre la contrefaçon a constitué un axe principal de la présidence française de l'Union européenne, au cours de laquelle a été défini un plan d'action douanier européen visant à lutter contre les violations de droit de propriété intellectuelle pour la période 2009-2012 ».
Guerric Poncet, du Point, insistait sur son blog que, de source européenne, c'est bien la présidence française de l'UE, en 2008, « qui a poussé pour l'extension de l'ACTA sur le terrain de la lutte antipiratage, et pour la protection des négociations par le secret le plus absolu. Cela colle parfaitement avec l'esprit des lois Hadopi et Loppsi, que le gouvernement français a fait voter récemment. » Notre confrère rapportait alors les propos de NKM : "Vous savez, l'ACTA c'est mystérieux pour tout le monde, y compris pour nous"... alors même que la France participe aux négociations.
Pourquoi taire une nouvelle fois l’avancée de ces travaux surtout lorsqu’on est en charge des affaires européennes ? Cette non-réponse gouvernementale est d’autant plus choquante que l’ACTA fait bouillir les eurodéputés. Plusieurs d’entre eux ont lancé un appel à signature pour demander à la Commission d’un, de respecter le traité de Lisbonne et le principe de co-décision, de deux, de ne pas anéantir la liberté de communication par la généralisation du filtrage des réseaux et la démultiplication des atteintes à la neutralité. Enfin, de lever le secret entourant ce projet d’accord.
Visiblement, cette demande des eurodéputés publiée le 24 février dans nos colonnes n’aura pas été lue par le secrétariat d’État aux affaires européennes.
Rédigée par Marc Rees le mardi 09 mars 2010Fin septembre, le parlementaire interroge le gouvernement « sur les mesures pratiques et non législatives adoptées par la Commission européenne pour lutter contre la contrefaçon et le piratage ». Quelques pistes sont données dans la question: « plusieurs initiatives ont été adoptées pour répondre aux conséquences graves qu'ont la contrefaçon et le piratage sur les économies de l'Union européenne. Ainsi, la Commission européenne propose de compléter le cadre juridique existant en la matière en renforçant la coopération entre le secteur privé, les autorités nationales et les consommateurs dans l'ensemble du marché intérieur ». A charge donc pour le secrétaire d’État de « faire connaître les tenants et aboutissants de ces mesures pratiques ».
Avec un tel sujet, la route était tracée pour que l’exécutif nous en dise en peu plus sur les négociations autour de l’ACTA, dans lesquelles la Commission européenne est impliquée jusqu'au cou. D’autant plus que la réponse gouvernementale a été publiée au journal officiel le 23 février dernier, alors que l’ACTA est sous le feu d’une forte pression médiatique et politique et que venait de s’achever quelques semaines auparavant, le round des négociations à Mexico.
Néanmoins, à la lecture de la réponse de Pierre Lellouche, secrétaire d’État aux affaires européennes, on ne peut constater que le sujet est encore tabou. La voilà dans son intégralité :
« L'amélioration du régime des droits de propriété intellectuelle au niveau de l'Union européenne est une priorité des autorités françaises. Sous présidence française, le Conseil de l'Union européenne, dans sa formation « compétitivité », a ainsi adopté, le 25 septembre 2008, une résolution sur un plan d'action de lutte contre la contrefaçon. Dans le prolongement de ces travaux, la Commission a adopté une communication sur l'amélioration de l'application des droits de propriété intellectuelle dans le marché intérieur, le 14 septembre 2009. Ce texte a pour objet de garantir un système d'application des droits de propriété intellectuelle hautement efficace, proportionné et prévisible, dans et hors du marché intérieur. À cet effet, il est prévu la création d'un observatoire européen de la contrefaçon et du piratage, réunissant experts des États membres comme des entreprises ainsi que des représentants des consommateurs. Cet organisme s'appuiera par un réseau de coordinateurs nationaux disposant d'un réseau électronique pour le partage d'informations. Les acteurs concernés sont par ailleurs invités à mettre au point des accords volontaires de collaboration afin de régler conflits et litiges. Un accord de ce type a notamment été conclu dans le domaine de la lutte contre la contrefaçon sur Internet (charte signée le 16 décembre 2009 entre les titulaires de droits et les plates-formes de vente sur Internet). »En somme : rien, ou pas grand-chose.
Certes, dans la résolution du 25 septembre 2008 sur « un plan européen global de lutte contre la contrefaçon et le piratage », la Commission est invitée à mener une politique de lutte contre le piratage (initiatives douanières, actions complémentaires aux normes législatives, conclusion d’accords entre les secteurs, l’exécution transfrontalière des jugements, actions en faveur du respect des droits de propriété intellectuelle dans les pays tiers et… les travaux sur un accord commercial plurilatéral de lutte contre la contrefaçon).
Dans la communication de septembre 2009, on veut encourager « les accords volontaires entre les parties prenantes et donc d'aboutir à des solutions concrètes », mais pour le reste : motus, le gouvernement évitant même de prononcer les 4 lettres d’ACTA.
On pourrait expliquer ce silence par le fait que ce traité vise l’international, avant tout. Argument rejeté quand on se souvient de cette autre réponse gouvernementale où le ministre du Budget indiquait que la France « participe aux négociations du traité « anticounterfeiting » trade agreement (ACTA) ou accord commercial anticontrefaçon (ACAC) qui réunissent actuellement l'UE et dix-neuf États autour du Japon et des États-Unis ». Le même ministre précisait un peu avant que « la lutte contre la contrefaçon a constitué un axe principal de la présidence française de l'Union européenne, au cours de laquelle a été défini un plan d'action douanier européen visant à lutter contre les violations de droit de propriété intellectuelle pour la période 2009-2012 ».
Guerric Poncet, du Point, insistait sur son blog que, de source européenne, c'est bien la présidence française de l'UE, en 2008, « qui a poussé pour l'extension de l'ACTA sur le terrain de la lutte antipiratage, et pour la protection des négociations par le secret le plus absolu. Cela colle parfaitement avec l'esprit des lois Hadopi et Loppsi, que le gouvernement français a fait voter récemment. » Notre confrère rapportait alors les propos de NKM : "Vous savez, l'ACTA c'est mystérieux pour tout le monde, y compris pour nous"... alors même que la France participe aux négociations.
Pourquoi taire une nouvelle fois l’avancée de ces travaux surtout lorsqu’on est en charge des affaires européennes ? Cette non-réponse gouvernementale est d’autant plus choquante que l’ACTA fait bouillir les eurodéputés. Plusieurs d’entre eux ont lancé un appel à signature pour demander à la Commission d’un, de respecter le traité de Lisbonne et le principe de co-décision, de deux, de ne pas anéantir la liberté de communication par la généralisation du filtrage des réseaux et la démultiplication des atteintes à la neutralité. Enfin, de lever le secret entourant ce projet d’accord.
Visiblement, cette demande des eurodéputés publiée le 24 février dans nos colonnes n’aura pas été lue par le secrétariat d’État aux affaires européennes.
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