Les accords de compétivité ou le chantage à l'emploi (accord collectif qui s'imposerait à tous les salariés, qui ne pourraient plus refuser. )
Les partenaires sociaux, mis sous pression par l'Elysée, ouvrent aujourd'hui des discussions sur la modulation du temps de travail et des salaires pour préserver l'emploi. L'Association nationale des DRH a présenté hier ses recommandations
Les salariés et l'entreprise ont un intérêt commun : « Tout faire pour éviter un plan social. » Les premiers pour sauver leur emploi, la seconde pour garder les compétences et s'épargner le coût d'un PSE (plan de sauvegarde de l'emploi), « qui l'enfonce quand elle est déjà en difficulté ». C'est en partant de ce constat que Jean-Christophe Sciberras, président de l'ANDRH (Association nationale des DRH), a défendu hier les « accords de compétitivité » et s'est attaché à tracer la voie aux partenaires sociaux, qui ouvrent aujourd'hui leur négociation sur ce thème.
Les enjeux sont lourds. S'inspirant de l'Allemagne, le gouvernement veut autoriser les employeurs à moduler, par accord, le temps de travail et les salaires pour mieux s'adapter à la conjoncture. En résumé, les salariés accepteraient des baisses de salaires pour préserver les emplois. C'est déjà possible, mais il faut l'accord individuel de chaque salarié car cela constitue une modification de son contrat de travail. L'Elysée veut faire sauter ce verrou : l'accord collectif s'imposerait à tous les salariés, qui ne pourraient plus refuser.
Garde-fous
Nicolas Sarkozy a laissé deux mois aux partenaires sociaux pour encadrer le tout. Passé ce délai, le gouvernement s'en chargera en déposant un projet de loi, qui ne pourra toutefois pas être adopté avant la présidentielle. Les discussions s'annoncent très dures. La CGT et FO sont vent debout contre ces « chantages à l'emploi » et la CFDT, la CFTC et la CGC, plus ouvertes, jugent le délai bien trop court.
Soucieuse que les postures et la politisation du débat « ne tuent pas le sujet », l'ANDRH a préconisé, hier, une série de garde-fous pour rassurer les syndicats. « Comme on touche au contrat de travail », elle préconise que de tels accords ne soient valables qu'en cas de signature de syndicats ayant recueilli au moins 50 % des voix aux élections (et non 30 %, le seuil actuel).
« Eviter la démobilisation »
Jean-Christophe Sciberras se veut aussi rassurant sur la modération salariale : « Les entreprises n'ont pas intérêt à imposer des mesures trop dures, pour éviter de démobiliser les salariés et de voir les meilleurs partir ailleurs. On peut aussi éviter de toucher au salaire de base, en jouant sur d'autres éléments : le 13e mois, la participation, les primes d'ancienneté, etc. » A tout le moins, « l'entreprise doit s'engager à ce qu'une fois passées les difficultés, les salariés retrouvent leur salaire antérieur et touchent une compensation. »
Il évoque des accords « d'une durée de un à trois ans » et souligne qu'il est « par nature » impossible de s'engager sur le maintien dans l'emploi au-delà de la durée de l'accord. Quid du cas Continental-Clairoix, où les salariés ont accepté des baisses de salaires en 2007 avant de voir le site fermer en 2010 ? « On ne peut jamais garantir que cela suffira à sauver l'entreprise. Mais sans l'accord, le PSE serait arrivé avant. Il a au moins permis de tout tenter et de préserver plus longtemps les emplois. »
Jean-Christophe Sciberras est en revanche sceptique sur les accords compétitivité-emploi dits « offensifs », qui permettraient de moduler à la hausse temps de travail et salaire en cas de pic d'activité. A mélanger les deux sujets, « on risque de polluer le débat » sur les accords « défensifs », priorité du moment.