Les "stress tests", des outils de communication pour faire taire rumeurs et fantasmes
Un an exactement après les Etats-Unis, l'Europe se décide donc à rendre publics les résultats des tests de résistance aux chocs financiers, les "stress test", auxquels elle soumet en ce moment ses banques.
Demandée depuis de longs mois par le Fonds monétaire international (FMI), cette opération-vérité, longtemps empêchée par l'Allemagne et annoncée pour juillet, permettra de connaître le réel état de santé du système bancaire européen. Il s'agira de recapitaliser les groupes les plus fragiles.
Cet exercice de transparence doit enrayer fantasmes et spéculations sur de prochaines faillites bancaires. Sans baromètre ni boussole, les investisseurs sur les marchés financiers se demandent si les banques européennes sont en mesure d'absorber la crise des dettes publiques, dont elles sont les principales acheteuses. L'extrême volatilité des échanges est entretenue par cette incertitude.
De fait, fin 2009, les banques de la zone euro concentraient 72 % de l'exposition aux dettes des pays européens à risque (595 milliards d'euros) ! Les banques françaises et allemandes sont en première ligne en Grèce, en Irlande, au Portugal et en Espagne, pour des expositions respectives dans ces pays de 402 milliards et 379 milliards d'euros.
Le 31 mai, la Banque centrale européenne (BCE) estimait que les banques européennes pourraient déprécier leurs actifs de 195 milliards d'euros d'ici la fin 2011 ! Déjà en 2009, les dépréciations liées à la crise financière avaient atteint 238 milliards.
"Enfin !", s'exclament les économistes, qui n'ont cessé d'exhorter l'Europe à dévoiler son diagnostic bancaire. A la mi-2009, huit d'entre eux, Français et Allemands de renom, avaient publié un appel en ce sens. Il ne peut y avoir de reprise économique sans assainissement du système bancaire, avaient-ils prévenu. Les banques n'en finiront pas de générer des dysfonctionnements dans l'économie, tant que leurs pertes ne seront révélées !
"Que de temps perdu !"
"Il faut se réjouir des bonnes nouvelles, même quand elles viennent tard. Mais que de temps perdu !, déplore Jean Pisani-Ferry, signataire de l'appel. Pendant un an, on a nourri l'inquiétude sur la situation des banques, notamment pour minimiser le coût budgétaire d'éventuelles nouvelles aides d'Etat au secteur. Il était plus commode d'attendre que les banques regagnent de l'argent par elles-mêmes, à la faveur du redémarrage de l'économie."
L'opposition de Berlin à la publication des tests n'aura pas résisté à l'aggravation de la crise. Devant l'impuissance des dirigeants politiques à sortir du cercle vicieux des risques "banques-Etats", et des rumeurs de banqueroute les frappant tour à tour, la chancelière Angela Merkel a cédé à la pression. L'autorité financière nationale, la BaFin, y reste pourtant résolument contre, confient de bonnes sources.
"Il n'est plus possible de se dérober. D'outils dans la main des régulateurs, les stress tests sont devenus des enjeux de communication. Pour un pays dont le système bancaire fait l'objet d'attaques spéculatives, c'est la seule façon de contre-attaquer", décrypte un proche de Bercy.
Le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer, l'a compris, qui, depuis l'exemple américain de mai 2009, défend "une publication des tests européens, pays par pays" et désormais, "banque par banque".
La divulgation des tests remettra-t-elle de l'ordre sur les marchés ? En rétablissant la confiance - envers les banques qui auront réussi les épreuves -, cette initiative devrait relancer les prêts entre banques. Le circuit est gelé depuis un mois, au point que la BCE doit elle-même l'organiser.
Il reste à savoir si les scénarios macro-économiques (chômage, pertes sur les dettes, etc.) élaborés par la BCE pour asseoir ces tests seront suffisamment durs. Pour d'évidentes raisons de crédibilité, il ne saurait y avoir aucun soupçon de complaisance. Jeudi, la ministre de l'économie, Christine Lagarde, a souligné que les banques françaises avaient déjà passé "sans problème" des tests nationaux.
Par ailleurs, le coût de cet effort de transparence ne sera pas neutre, puisqu'il pèsera surtout sur les Etats en difficultés, dont les systèmes bancaires sont fragilisés. Dans ces pays, les tests pourraient accélérer les fusions entre banques, avec à la clé des suppressions d'emplois supplémentaires. Le mouvement s'amorce déjà en Espagne.