Ma banque a coulé mon entreprise

Publié le par sceptix

De nombreux artisans, commerçants et petits patrons se plaignent du peu de compréhension de leur banquier en cas de difficultés.

René Hans, le Zorro des PME françaises
René Hans, le Zorro des PME françaises DR

« Ma banque m'a tué », c'est le cri du cœur de nombreux petits entrepreneurs, artisans ou commerçants, qui reprochent à leur banque de les « laisser tomber à la première difficulté », précipitant la faillite de leur entreprise. De nombreux experts partagent cet avis. « Nos banques ne croient pas aux PME », nous dit un spécialiste, René Hans, qui a créé un cabinet pour venir en aide aux entreprises lâchées par leur banque. Résultat : des centaines de PME, entreprises comptant moins de 250 salariés, et de petits commerces qui pourraient être sauvés avec un coup de pouce bancaire déposent le bilan et licencient.

L'année dernière, 61.749 petites entreprises françaises ont ainsi fait faillite, dans les secteurs de l'industrie, du commerce et des services. Toutes n'étaient pas viables, mais beaucoup étaient sauvables : les deux tiers d'entre elles réclamaient une aide passagère de moins de 50.000 €, certaines ont été mises en liquidation pour moins de 10.000 € de découvert.
La frilosité de nos banques vis-à-vis des petites entreprises est d'autant plus rageante que nos PME emploient 17 millions de Français, alors que les grands groupes, tels Renault, Bouygues, Total ou Peugeot, chouchoutés par nos banquiers, n'emploient que 2 millions de Français.

Contrairement à la France, l'Allemagne et l'Italie aiment leurs petites et moyennes entreprises, choyées par les pouvoirs publics et par les banques. Les PME-PMI font même la fortune de l'Allemagne, lui assurant une balance commerciale excédentaire alors que la nôtre est dangereusement déficitaire.
Le problème des petites et moyennes entreprises, c'est la trésorerie : l'argent dont elles disposent pour payer les salaires, les charges sociales, le loyer, les matières premières et le reste. Quand un client fait défaut, quand l'activité ralentit, c'est la catastrophe. Et c'est à ce moment-là que les PME auraient besoin des banques... qu'elles ne trouvent pas toujours. Les témoignages que nous avons recueillis sont édifiants.


"J'ai mis ma banque à sac"

Gérard Gilbert avait mis toute sa vie dans son entreprise de transports. Sa banque n'a pas tenu parole. Il a tout perdu...
Encore sous le choc de sa faillite, Gérard Gilbert explique : « J'en voulais tellement à ma banque qu'un jour, mon sang n'a fait qu'un tour... J'y suis allé et j'ai tout mis à sac, j'ai tout cassé ! » Gérard est le prototype du « petit patron » de PME qui a tout mis dans son entreprise : sa vie, son temps, ses économies et son savoir-faire. Au départ, c'est un excellent mécano. Employé d'un garage de Mulhouse, il décide de créer son entreprise, en 2000. Il contracte un emprunt bancaire de 300.000 € et s'installe à son compte dans des locaux de 1.000 m2. « Je vendais des poids lourds, mais je faisais aussi de la réparation et de la location de camions. Ça marchait très bien ! Je remboursais mes emprunts normalement. Jusqu'au jour où l'un de mes clients allemands, qui m'avait commandé plusieurs camions, me plante... Je me retrouve avec une ardoise d'environ 100.000 €. Situation difficile, mais pas insurmontable. J'avais un bon fonds de commerce. Mais je n'en dormais plus la nuit. Je demande alors un emprunt à ma banque, garanti sur la valeur des murs qui valent 450.000 €. La banque me promet son soutien à plusieurs reprises, car les murs valent plus que l'emprunt. »
Tout semble donc réglé. « Jusqu'au jour où la banque ne répond plus. Elle avait promis de me verser l'argent du crédit, mais je ne trouve plus aucun interlocuteur. J'ai mis plusieurs jours avant de pouvoir rencontrer le directeur. Il m'a dit qu'il ne prêtait plus rien, sans raison. Alors j'ai piqué une sacrée colère ! »
Aujourd'hui Gérard a tout perdu. « Oui, tout ce que j'avais construit, mon garage et ma maison. Je ne vous explique pas ce que j'ai subi... Les gendarmes sont venus avec le banquier devant chez moi, sous les yeux des voisins et de mes enfants ! Je n'oublierai jamais. Cette entreprise était une belle affaire, elle était sauvable. Celui qui l'a reprise vit très bien. »

"Le coup de grâce !"

David Gattescot a perdu son magasin de meubles en faillite, « alors que l'affaire était viable ».
« Le coup de grâce a été l'annonce de mon cancer... Je suis persuadé que c'est la conséquence du stress lié au lâchage de ma banque, qui a précipité ma faillite ! » Des sanglots dans la voix, cet homme de 38 ans n'en finit pas de ressasser son calvaire. Ce père de trois enfants a tenté désespérément de sauver son entreprise. Aujourd'hui il risque de perdre sa maison et de ne plus pouvoir subvenir aux besoins de sa famille. Devenu simple vendeur dans un magasin de meubles, David se souvient : « Il était beau, mon magasin. »
En 2006, David prend la franchise d'une grande enseigne d'ameublement : 1.000 m2 à Mulhouse. Pour ce, il sollicite un prêt bancaire de 220.000 €. Son prêt est accordé sans problème. David inaugure son magasin « en grande pompe ». Il multiplie les opérations de promotion, les ventes flash... Mais en 2008, après deux ans d'activité, David est confronté à la crise. En chef d'entreprise prudent, il décide de réduire la voilure. « Une surface de 350 m2 s'est libérée tout près du magasin. Il me fallait juste une rallonge de la banque pour déménager. J'avais besoin de 35.000 €. Mon banquier m'a donné des garanties verbales et écrites, devant témoins. » Confiant, David lance alors les travaux dans son nouveau magasin et y emménage.
Etrangement, sa banque ne répond plus à ses appels. « Il m'a fallu plusieurs visites à l'agence pour m'entendre dire qu'ils ne me financeraient pas, se souvient-il. J'avais pourtant leurs garanties verbales et écrites. Sans cela, je n'aurais pas engagé des frais dans un nouveau magasin. J'étais désemparé. Je me suis battu des années pour le magasin. J'ai tout perdu ou presque. Je ne comprends toujours pas les raisons de ce lâchage de la banque. Aujourd'hui tout s'enchaîne. Mon médecin a diagnostiqué un cancer que j'attribue à toutes ces histoires. » Un soupir : « J'en veux terriblement à ma banque. En me "plantant", elle "plante" toute une famille. J'ai donc décidé de contre-attaquer sur la foi des écrits que j'ai reçus et des promesses qu'elle m'a faites. Je me lance dans un procès que je sais difficile contre ma banque ! »

Un Zorro au secours des PME ?

Choqué par le comportement des banques envers les PME et PMI, René Hans a décidé d'aider les « petits patrons » en difficulté.
Il se présente volontiers comme un Zorro, prêt à sauver les petits artisans, commerçants et petits patrons en difficulté face aux banques forcément sans cœur ! S'il a décidé d'aider les PME au bord de la faillite, en créant le cabinet Capital Initiative, en 1998, c'est qu'il a assisté à « trop de faillites injustes, des faillites qui auraient pu être évitées avec un petit coup de pouce de la banque ». René Hans était expert-comptable en Alsace et il était souvent confronté aux difficultés des PME. En 1998, il aide un petit patron à sauver son entreprise. Cette PME, condamnée par sa banque, employait 45 tailleurs de pierre, tous compagnons du tour de France. René Hans fait racheter l'entreprise par les salariés. Douze ans plus tard, celle-ci prospère. « Les banques avaient tort. Elles avaient condamné un peu vite une entreprise viable. Ce n'est pas acceptable, surtout en période de crise », dit-il aujourd'hui.
Parmi les entreprises qu'il dit avoir sauvées en leur apportant de la trésorerie le temps de sortir d'une mauvaise passe, l'ancien commissaire aux comptes cite la société de Gérard Stumpf, lâché du jour au lendemain par sa banque alors qu'il rencontrait un problème ponctuel de trésorerie. Son entreprise est rentable. Le cabinet de René Hans l'aide à passer le mauvais cap, et la société prospère aujourd'hui.
En douze ans d'existence, Capital Initiative a aidé plusieurs centaines d'entreprises. Mais des milliers de PME, d'artisans et de petits commerçants restent désarmés. « Avant la crise, 50.000 entreprises déposaient leur bilan tous les ans. Elles sont 150.000 aujourd'hui. »

"Et pourtant elle vit, mon entreprise !"

Hervé Stumpf a 49 ans. Il est aujourd'hui à la tête d'une prospère entreprise de formation à la conduite et emploie trois salariés. Pourtant, en 1998, sa banque l'avait lâché, estimant qu'il ne s'en sortirait jamais ! Il n'a toujours pas pardonné. « Ma banque m'a lâché presque du jour au lendemain. A l'époque, j'avais comme gros client une importante administration qui me payait tous les deux mois, donc je n'avais pas de problèmes de trésorerie. Mais du jour au lendemain cette administration décide de me payer tous les six mois. Ça ne changeait rien à mon chiffre d'affaires. Malgré cela, ma banque a décidé de ne plus me suivre. C'était stupide comme attitude. J'ai expliqué mon problème à Capital Initiative, qui nous a aidés à trouver un autre établissement financier. Ça nous a sauvés. Mais si j'avais écouté mon banquier, je serais mort aujourd'hui ! »

Un commentaire
  • 17, le 11 févr. à 09:17
    Quand l'argent rentre dans l'entreprise, le banquier n'en finit pas de faire des courbettes, mais dès que ça coince, le revirement est spectaculaire et les bonnes relations n'existent plus. La chasse est ouverte et le gibier a beau courir vite, il est rattrapé par la meute bancaire qui sonne l'hallali. J'en ai fait la triste expérience....
Par François Sérié
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Publié dans COUPS DE GUEULE

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