Michelin, le plus grand contribuable connu pris dans les mailles du fisc français
Victime de l’informaticien qui avait trahi la banque LGT, la famille du fabricant de pneus a fait régulariser 400 millions d’euros par la cellule de «dégrisement» de Bercy. La justice française enquête sur la nature «caritative» des fonds
Le plus gros poisson de l’opération de régularisation lancée par le fisc français est désormais connu. Il s’agit de la famille Michelin, fondatrice du leader mondial du pneu. La semaine dernière, elle avouait détenir une fondation au Liechtenstein, Copa, dont la fortune se monte à quelque 400 millions d’euros (environ 600 millions de francs suisses).
Olivier Metzner, avocat du groupe et de la famille Michelin, précise que l’argent a été «rapatrié récemment en France», à travers la cellule de «dégrisement» lancée par le ministre du Budget Eric Woerth. Fermée le 31 décembre, elle a vu passer 3500 contribuables et permis de régulariser 6 milliards d’euros d’actifs dissimulés à l’étranger.
La fortune liechtensteinoise des Michelin en représente le quinzième. «Nous avons fait une déclaration spontanée à l’administration fiscale», précise l’avocat.
Mais cette «spontanéité» est tout relative. La famille Michelin est l’un des 1400 clients de la banque liechtensteinoise LGT trahis par l’informaticien Heinrich Kieber, qui a livré leurs noms au fisc allemand. En 2008, ce dernier les a transmis en France, poussant les héritiers du fabricant de pneus à admettre l’existence de Copa.
Pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt? La famille ne donne pas d’explications sur ce point. Mais Olivier Metzner précise que la fondation avait un but «caritatif»: «C’est un capital dont les intérêts et les dividendes sont versés chaque année à des œuvres», notamment religieuses ou universitaires. L’origine des fonds demeure en revanche obscure.
«C’est tellement ancien qu’il est difficile de savoir d’où ça vient», estime l’avocat. La fondation aurait été créée en 1937, une époque où l’instabilité politique, les réformes sociales et la menace de guerre poussait de nombreux capitalistes français à expatrier leur argent en Suisse.
Symbolique
La version fournie par la famille – Copa servait à «financer des œuvres humanitaires» – fait l’objet d’une enquête poussée de la justice française. «On en est encore à débroussailler les faits, même si l’enquête est bien avancée, commente une source judiciaire. Il faut voir si une partie des fonds a pu servir à frauder le fisc. Mais pour l’instant, on n’en est pas à mettre en cause qui que ce soit.»
Sur le plan du symbole, le poids de l’affaire est écrasant. Michelin est l’un des plus grand nom du capitalisme hexagonal. Son patriarche, François Michelin, 83 ans, incarne aussi le patron français à l’ancienne, catholique et paternaliste.
La semaine dernière, cet homme discret s’est fendu d’un bref communiqué décrivant Copa comme «une fondation créée par ses aïeux dans la période entre les deux guerres».
Société en Suisse
François Michelin n’a plus de responsabilités dans le groupe, qu’il a conduit de 1955 à 1999. Mais il reste associé-gérant de la Compagnie financière Michelin, basée à Granges-Paccot (FR), qui détient les participations du groupe. Dans son conseil d’administration, on retrouve son cousin Michel Rollier, PDG de Michelin. Jean-Louis Moulin, un cadre retraité de Michelin, apparaît dans l’organigramme de la compagnie comme «contrôleur». Selon Le Parisien, c’est lui qui gérait la fondation Copa, aux côtés d’un ancien directeur financier adjoint du groupe.
D’autres grandes fortunes françaises vont-elles suivre l’exemple des Michelin et dévoiler leurs fonds occultes? «C’est possible», espère-t-on au Ministère français des finances. A condition que le fisc dispose d’informations assez précises pour faciliter le passage à l’acte.
Source : Le Temps.ch