OGM: l’étude russe qui pourrait «déraciner» une industrie '

Publié le par sceptix

OGM: l’étude russe qui pourrait «déraciner» une industrie

 

 

En 2009, près de 3% des terres agricoles étaient couvertes d'OGM avec 134 millions d'hectares, selon l'ISAAA qui chaque année fait état des cultures des plantes transgéniques dans le monde. Et le dossier des OGM alimentaires - dont de très nombreuses pages restent encore floues à ce jour - pourrait bien s'alourdir prochainement alors qu'une nouvelle pièce en provenance de Russie est sur le point d'y être ajoutée. 

Celle-ci prend la forme d'une étude, dont les résultats les plus frappants viennent d'être présentés à la presse en Russie dans le cadre de l'ouverture dans ce pays des Journées de Défense contre les Risques Environnementaux. Elle est même évoquée par Jeffrey Smith, fondateur de l'Institute for Responsible Technology aux Etats-Unis et auteur de référence dans le monde des OGM avec notamment son ouvrage Seeds of Deception (littéralement « les semences de la tromperie ») publié en 2003. Menée conjointement par l'Association Nationale pour la Sécurité Génétique et l'Institut de l'Ecologie et de l'Evolution, cette étude russe a duré deux ans avec pour cobaye des hamsters de race Campbell, une race qui possède un taux de reproduction élevé. Ainsi, le Dr Alexey Surov et son équipe ont nourri pendant deux ans et d'une manière classique les petits mammifères, à l'exception près que certains d'entre eux ont été plus ou moins nourris avec du soja OGM (importé régulièrement en Europe) tolérant à un herbicide.

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Au départ, quatre groupes de cinq paires (mâles / femelles) ont été constitués : le premier a été nourri avec des aliments qui ne contenaient pas de soja, le second a quant à lui suivi un régime alimentaire qui comportait du soja conventionnel, le troisième a été alimenté avec en complément du soja OGM et enfin le quatrième groupe a eu des plateaux repas dans lesquels la part de soja transgénique était encore plus élevée que dans ceux du troisième. A la fin de cette première phase, l'ensemble des quatre groupes a eu en tout 140 petits. L'étude s'est poursuivie dans une deuxième phase par la sélection de nouvelles paires issues de chacun de ces premiers groupes. Et dans la logique du déroulement, les nouvelles paires de la deuxième génération ont elles aussi eux des petits, créant de fait la troisième et dernière génération de cobayes. Ainsi, il y a eu au final 52 naissances parmi les spécimens de troisième génération qui n'ont pas consommé du tout de soja, 78 parmi ceux qui ont consommé du soja conventionnel. Mais le troisième groupe, celui qui a été nourri avec du soja OGM, n'a eu que 40 petits, dont 25% sont morts. Et pire, dans le groupe qui a mangé le plus de soja génétiquement modifié, une seule femelle a réussi à donner naissance, soit 16 petits au total dont 20% sont finalement morts. Ainsi, à la troisième génération, les hamsters qui, pour les besoins de l'étude ont eu dans leur menu une part importante de soja OGM, n'étaient plus capables de se reproduire... Mais une autre surprise de taille a été observée : certains de ces hamsters issus de la troisième génération se sont retrouvés avec des poils... dans la bouche, un phénomène d'une extrême rareté.

Voici les photos publiées par Jeffrey Smith dans son billet.

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Quelles conclusions peut-on tirer de cette expérience ? A ce stade, aucune, comme le reconnaissent eux-mêmes les scientifiques qui ont fait ces observations. D'ailleurs, leur étude qui doit être rendue public dans ses détails en juillet prochain, ne pourra être reconnue comme valide uniquement dans la mesure où elle sera publiée dans une revue scientifique internationale avec un comité de relecture par des pairs. Cependant, même si cette récente étude ne permet pas de tirer de conclusions définitives, elle pourrait avoir un impact non-négligeable dans l'approche globale des OGM agricoles qui sont aujourd'hui consommés dans le monde par des millions d'animaux d'élevage et d'être humains depuis leur avènement en 1996. Car en effet, pouvoir effectuer une étude d'une durée aussi longue (deux ans) est tout à fait rare tant les semenciers qui en font la promotion veillent au grain, de peur que l'étude en question ne soit pas en leur faveur : « Des scientifiques qui découvrent que des OGM provoquent des effets inattendus sont régulièrement attaqués, tournés en ridicule, voient leurs crédits de recherches stoppés, et sont mêmes renvoyés », explique Jeffrey Smith dans son billet repris notamment par The Huffington Post et qui évoque l'étude du Dr Surov et de son équipe en Russie. Et pouvoir effectuer des tests pendant deux ans est d'importance capitale selon les associations écologistes. Celles-ci estiment que deux ans représentent une durée suffisante pour mesurer les effets chroniques d'un produit ou d'une molécule, et donc d'un pesticide. Or, jusqu'à présent, les plantes OGM qui sont consommés dans le monde sont dans une très large majorité des plantes qui accumulent dans leurs cellules un ou plusieurs pesticides (soit par absorption extérieure soit par une production permanente). De plus, les études de plus de trois mois sur des mammifères (généralement des rats) nourris à ces OGM-pesticides (de première génération) sont toutes aussi rares. C'est pourquoi des « lanceurs d'alerte » (l'équivalent français du terme « whistle blowers », littéralement ceux qui soufflent dans le sifflet) dénoncent régulièrement cette situation et demandent à ce que les OGM agricoles soient évalués comme des pesticides à part entière. Autre grand problème : les organismes d'évaluation se basent toujours sur des études faites par ou pour les semenciers et ne possèdent pas de moyens financiers suffisants pour effectuer eux-mêmes des expertises ou contre-expertises. A ce jour, les évaluations d'OGM conduites et financées grâce à des fonds publics se comptent sur les doigts d'une seule main.

 

Selon Jeffrey Smith, l'étude du Dr Surov et de son équipe pourrait bien « déraciner » une industrie qui vaut plusieurs milliards de dollars. L'affaire est donc à suivre, mais quoi qu'il en soit, depuis l'introduction en 1996 dans l'environnement et dans la chaîne alimentaire de produits agricoles transgéniques (issus de semences dans lesquelles y sont ajoutées un ou plusieurs gènes étrangers afin de conférer à la plante une propriété spécifique), les risques qui y sont liés restent encore très largement inconnus car très peu observés faute d'études suffisamment longues et indépendantes, mais aussi à cause du refus des semenciers de publier leurs propres études (sauf sous la contrainte juridique) pour des raisons de stratégies industrielles et commerciales. Aussi surprenant que cela puisse paraître, le principe de précaution dans ce domaine semble effectivement illusoire alors que les incertitudes scientifiques qui demeurent devraient justement le mettre au cœur du processus d'évaluation. Et d'ailleurs, on peut même supposer que cette absence de précaution large et de manque de transparence vis-à-vis du public nuisent par la même occasion aux OGM agricoles expérimentaux (de seconde génération) qui ne peuvent pas être évalués dans les meilleures conditions puisque ceux qui sont actuellement sur le marché ne l'ont été que partiellement (le proverbe de la « charrue avant les boeufs»...). Car l'ennui au fond c'est que nous tous, les consommateurs, sommes au bout de cette chaîne alimentaire: alors finalement dans l'histoire, qui sont réellement les cobayes?

 

Retrouvez la version audio de ce billet au lien suivant (faire copier/coller):

http://www.sebastienportal.eu/#/echantillonssonores/3514933




 Voici les sources principales de ce billet de blog. Je les ai attachées en liens hypertexte dans le corps du texte.

http://english.ruvr.ru/2010/04/16/6524765.html

http://www.responsibletechnology.org/utility/showArticle/?ob...

http://www.huffingtonpost.com/jeffrey-smith/genetically-modi...

http://www.responsibletechnology.org/GMFree/MediaCenter/BioJ...

http://www.sevin.ru/menues1/index_eng.html?../command_crew/c...

 

 

et en prime :

Le reportage qui devait passer sur canal+ a été censuré et la chaine on a diffusé un autre sur les OGM. J'aime bien l'enfumage de certains! Regardez plutôt la
VIDEO
que vous ne trouverez plus sur Youtube, Dailymotion, etc., mais seulement sur quelques blogs ou sur livevidéo
.

 

 

lire aussi :

Bruxelles lance «une nouvelle offensive» en faveur des OGM.

 

 

Champ libre pour les OGM
14 juillet 2010  | Presseurop

Pour débloquer le dossier des organismes génétiquement modifiés en Europe, la Commission européenne propose de permettre aux gouvernements d’interdire les cultures indésirables. Mais pour la presse européenne, Bruxelles se réserve en fait le droit de multiplier les nouveaux produits.

Cessez-le-feu dans la polémique sur les OGM en Europe”, titre La Vanguardia. Le 13 juillet, la Commission européenne a proposé d’accorder aux Etats le droit d’interdire la culture d’organismes génétiquement modifiés sur leur territoire. “Ces nouvelles propositions, note le quotidien de Barcelone, ouvrent la voie à une interdiction non seulement pour des raisons agricoles et scientifiques, souvent critiquées par Bruxelles, mais aussi, à long terme, pour des raisons éthiques et des arguments sociaux”. La Commission européenne, ajoute La Vanguardia, espère que “les pays qui ont bloqué pendant des années l’utilisation de produits transgéniques vont maintenant permettre l’autorisation de nouvelles cultures en Europe”. Ainsi l’Espagne, qui produit 80% du maïs Monsanto en Europe, “est en faveur de règles communes pour l’ensemble de l’UE”, et des pays comme les Pays-Bas, l’un des pays les plus innovants en la matière, “préfèrent un accord sur une solution qui met fin au blocage actuel.” Le quotidien souligne que “l’actuel système d’autorisation [par un comité d'experts dépendant de l’Agence européenne des aliments (EFSA)] ne changera pas, ni les règles de coexistence des cultures”, ce dernier point étant “l’un des chevaux de bataille des écologistes et une question polémique dans les régions frontalières”.

L’Autriche, dont la production bio - un paysan sur sept est un producteur bio - génère un chiffre d'affaires d'un milliard d'euros par an, aurait tout intérêt à faire du lobbying pour l’interdiction des OGM, constate Die Presse. Mais les politiques et les lobbyistes préfèrent la démagogie antiscientifique à “ce calcul légitime”. Les uns brandissent le danger "des méchants géants de l’agroalimentaire", les autres se réjouissent du fait que "chaque pays pourra décider quel type de production alimentaire il souhaite, une production industrielle dépourvue de goût ou une production diversifiée et proche de la nature." "Si seulement c'était si simple", s'exclame Die Presse. "En Europe, l'agriculture est depuis longtemps une industrie. Le bio ne peut pas nourrir le monde. C'est pourquoi il est si préoccupant que la Commission cède sa compétence décisionnaire aux Etats membres. Au lieu de débattre d'une manière éclairée avec le citoyen du génie génétique, les politiques […] ont cédé à un lobbying grossier et à l'alarmisme. C'est pragmatique, certes, mais ce n'est pas une bonne politique."

Si les propositions de la Commission sont entérinées par le Parlement européen et les gouvernements, “un vent nouveau soufflera sur les champs européens et ce vent sera plus que jamais porteur de pollens transgéniques et de semences génétiquement modifiées”, s’inquiète Thijs Etty. Dans le Volkskrant, ce juriste et professeur à l’Université Libre d’Amsterdam prévient que “le statut de l’UE en tant que plus grande zone sans OGM au monde semble définitivement toucher à sa fin”. Et cela “malgré les différentes opinions entre les pays membres et le rejet d’une grande majorité des citoyens de l’UE”. Thijs Etty estime qu’en présentant ses propositions comme “un geste envers les pays réticents aux OGM comme l’Autriche, l’Italie, la Grèce et le Luxembourg [...] la Commission européenne essaie de faire sortir du bois les Etats membres critiques", et que, pour ces derniers, "les possibilités de repousser les OGM resteront quasi-nulles. [...] En réalité il s’agit d’une réduction de leur autonomie nationale et d’un transfert de pouvoir à Bruxelles”. Dans les prochains mois, annonce l’universitaire, "au moins quatre nouvelles semences de maïs et un soja transgéniques seront admis dans les champs européens”.


Au-delà de l’aspect moral et de sécurité alimentaire, la libéralisation des cultures OGM est aussi une mauvaise opération économique, remarque Dziennik Gazeta Prawna. "La décision de Bruxelles pourrait bouleverser le marché des produits agricoles en Europe et assurer la domination des puissances OGM comme les Etats-Unis, le Brésil, l’Argentine, l’Inde, le Canada et la Chine", explique le quotidien. Les pays, comme la Pologne, qui s’opposent aux produits transgéniques et ont introduit des limitations à leur culture, perdront en compétitivité et en revenus d’exportations. Et pour l’UE, "cela se traduira par plus de subventions aux agriculteurs et un gonflement des programmes d’aides".

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