Quand la CIA complotait en Iran...
Toujours amusant d'observer le biais des médias contre la cible désignée. Exemple typique, l'affaire de l'universitaire iranien Shahram Amiri : aucun grand média occidental ne diffuerait jamais la version irannienne sans conditionnel ni guillemets. Aujourd'hui pas de conditionnel pour répercuter la version occidentale : "Le physicien iranien Amiri a été un agent de la CIA pendant des années" (APF), "La CIA payait le physicien iranien Shahram Amiri 5 millions de dollars"(RTL). C'est le Washington Post qui le dit, c'est donc tout à fait vrai.
Le mot enlevé, systématiquement entre guillemets. D'ailleurs comment peut-on imaginer que jamais la CIA ne pourrait enlever quelqu'un ou faire le moindre coup tordu?
Autre exemple intéressant, les attentats terroristes qui frappent l'Iran, pour les médias ce sont des groupe 'sunnites' qui luttent contre 'les Gardiens de la Révolution', presque des bons quoi. Inutile de répercuter la version iranienne? Invraisemblable?
(AFP) 16 juillet
WASHINGTON — Le physicien iranien Shahram Amiri, qui a passé 14 mois aux Etats-Unis dans des circonstances mystérieuses, a été pendant des années un informateur de la CIA en Iran, a affirmé vendredi le New York Times.
"Shahram Amiri a décrit en détail devant des agents du renseignement américain la façon dont une université de Téhéran est devenue le quartier général secret" pour le programme nucléaire du pays, écrit le journal en citant des responsables américains parlant sous couvert de l'anonymat.
"Alors qu'il se trouvait toujours en Iran, il a été l'une des sources" d'une évaluation très contestée des services de renseignement, publiée en 2007, sur le programme d'armement iranien, ajoute le New York Times.
Le chercheur iranien a, "durant plusieurs années", "fourni ce qu'un responsable a décrit comme des informations 'significatives, de première main', relatives aux aspects secrets du programme nucléaire de son pays", ajoute le journal, citant ces responsables américains.
M. Amiri avait disparu en juin 2009 en Arabie saoudite où il se trouvait en pèlerinage. Il est réapparu mardi aux Etats-Unis où il s'est réfugié à la section des intérêts iraniens à Washington et a demandé à pouvoir rentrer en Iran.
Il a réaffirmé jeudi à son retour à Téhéran qu'il avait été "enlevé" par les services secrets américains et qu'il ne travaillait pas dans le nucléaire. Il a ajouté avoir résisté à des pressions des agents américains pour déclarer aux médias qu'il détenait d'importantes informations dans le domaine nucléaire.
"Je n'ai fait aucune recherche dans le domaine nucléaire. Je suis un simple chercheur travaillant dans une université ouverte à tous et où il n'y a aucun secret", a-t-il dit.
Les agents du renseignemant américain "m'ont demandé de dire aux médias américains que j'avais demandé l'asile aux Etats-Unis et que j'avais emmené avec moi des documents et un ordinateur portable contenant des informations secrètes sur le programme nucléaire militaire".
"Avec l'aide de Dieu, j'ai résisté. Aucun Iranien n'aurait accepté de vendre son pays aux étrangers contre de l'argent", a-t-il ajouté.
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Le physicien nucléaire iranien qui est retourné en Iran et qui avait affirmé plus tôt avoir été "enlevé" par des agents des services de renseignements américains a reçu plus de 5 millions de dollars du service secret américain pour donner des renseignements sur le programme nucléaire iranien, a indiqué jeudi le journal Washington Post, sur base des dires de certains fonctionnaires.
D'après le quotidien, Shahram Amiri ne doit pas rembourser l'argent. Il ne peut très probablement pas à cause des sanctions économiques contre l'Iran. L'homme a interrompu "la collaboration visible" avec la CIA et est revenu subitement dans son pays, d'après le journal. Le Washington Post a appris auprès de fonctionnaires qu'il était possible que Shahram Amiri ait changé d'avis par peur de représailles sur sa famille de la part du gouvernement de Téhéran.
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L'Iran a accusé samedi les pays occidentaux et Israël d'être derrière le double attentat suicide qui a fait 27 morts jeudi dans le sud-est du pays, en dépit des fermes condamnations des attaques par l'Union européenne et les Etats-Unis.
Selon le chef adjoint de la police Ahmad Reza Radan, cité par l'agence Mehr, 40 personnes ont été arrêtées, au lendemain de l'attentat, pour "avoir provoqué des troubles" dans la ville de Zahedan. Il n'a pas fourni d'autres précisions.
"Les responsables de ce crime ont été entraînés et équipés hors des frontières et ils sont ensuite venus en Iran", a déclaré le vice-ministre de l'Intérieur Ali Abdollahi, dans des propos diffusés samedi sur le site internet de la télévision d'Etat.
"Cet acte terroriste aveugle a été perpétré par les mercenaires du +monde arrogant+", terminologie qui désigne les puissances occidentales, a-t-il dit. [toujours mieux que 'Axe du mal'. Et c'est même une réalité objective RM]
"Ceux qui ont planifié ce crime et équipé ceux qui l'ont perpétré doivent avoir conscience qu'ils sont tenus pour responsables", a ajouté M. Abdollahi, exhortant l'Afghanistan et le Pakistan voisins à "surveiller leurs frontières".
L'attaque, qui a également fait plus de 250 blessés, a visé la mosquée Jamia, à Zahedan. Elle a été revendiquée par le groupe sunnite extrémiste Joundallah, qui a affirmé avoir voulu frapper les Gardiens de la Révolution, l'armée idéologique du régime.
Les capitales occidentales, dont Washington, ont condamné le double attentat.
Mais le président du Parlement iranien, le conservateur Ali Larijani, a directement accusé les Etats-Unis.
"Les Américains doivent répondre de cet acte terroriste au Sistan (Balouchistan). Ils ne peuvent y échapper", a-t-il dit, selon le site de la télévision d'Etat.
Le ministre de l'Intérieur Mostafa Mohammad Najjar a pour sa part incriminé Israël, ennemi juré de la République islamique.
"Les actes terroristes des sionistes ont un certain nombre d'objectifs, dont celui de créer des divisions entre les chiites et les sunnites", a déclaré M. Najjar, cité par l'agence Isna. Il a ajouté que les services de renseignement iraniens et l'appareil de sécurité avaient "la situation en main".
Le guide suprême iranien, l'ayatollah Ali Khamenei, a appelé "les musulmans chiites et sunnites à être patients et à maintenir l'unité", dans un message aux habitants de la province du Sistan-Balouchistan, dont Zahedan est le chef-lieu, a rapporté l'agence Fars.
Téhéran accuse régulièrement Joundallah d'être entraîné et équipé par les services de renseignement américains, israéliens, britanniques, mais aussi pakistanais dans le but de déstabiliser le pouvoir central iranien.
Samedi, la foule s'est rassemblée à Zahedan pour assister aux obsèques des victimes. Réunis devant la mosquée Jamia, ils devaient se rendre en procession jusqu'au principal cimetière.
"Ceux qui ont commis ces actes terroristes ne sont ni chiites ni sunnites", indiquait une banderole, alors que la foule chantait: "mort aux terroristes", a rapporté l'agence officielle Irna.
Les rebelles du Joundallah, en lutte depuis 10 ans contre le pouvoir central, sont des sunnites appartenant à l'ethnie balouche, qui représente une importante part de la population du Sistan-Balouchistan.
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Par Seymour Hersh
New Yorker, le 30 juin 2008
Selon des sources militaires, des services secrets et parlementaires, actuelles et anciennes, le Congrès a accepté, en fin d'année dernière, une requête de Président Bush pour financer une escalade majeure des opérations secrètes contre l'Iran. Ces opérations, pour lesquelles le Président a cherché à obtenir jusqu'à 400 millions de dollars étaient décrites dans une Conclusion Présidentielle [Presidential Finding] signée par Bush, sont destinées à déstabiliser la direction religieuse du pays. Ces activités secrètes impliquent le soutien à la minorité arabe Ahwazi et aux groupes Baloutchis et autres organisations dissidentes. Ils incluent aussi la collecte de renseignements sur le programme nucléaire iranien présumé.
Les opérations clandestines contre l'Iran ne sont pas nouvelles. Les Forces d'Opérations Spéciales des Etats-Unis mènent depuis l'année dernière des opérations transfrontalières depuis le sud de l'Irak, avec l'autorisation présidentielle. Celles-ci ont inclus la capture de membres d'Al Quds, l'aile commando de la Garde Révolutionnaire Iranienne, leur transfert en Irak pour les interroger et la recherche de "cibles de haute valeur" dans la guerre contre la terreur du Président. Ces cibles peuvent être capturées ou tuées. Mais la taille et l'étendue de ces opérations en Iran, qui impliquent la CIA et le JSOC (Joint Special Operations Command, le commandement des opérations spéciales interarmes), se sont désormais accrues de façon significative, selon d'anciens et actuels officiels. Un grand nombre de ces activités ne sont pas spécifiées dans la nouvelle Conclusion et des leaders parlementaires se sont posés de sérieuses questions quant à leur nature.
Selon la loi fédérale, une Conclusion Présidentielle, qui est classée secrète, doit être émise lors du lancement d'une opération des services secrets et, au minimum, les leaders Démocrates et Républicains de la Chambre et du Sénat doivent en être informés, ainsi que les membres de haut rang de leurs commissions respectives des renseignements - ce que l'on appelle l'Equipe des Huit. L'argent pour cette opération peut alors être reprogrammé à partir des affectations précédentes, autant que nécessaire, par les commissions parlementaires idoines, qui peuvent aussi être informées.
"Cette Conclusion se concentre à saper les ambitions nucléaires de l'Iran et à essayer d'ébranler le gouvernement de Téhéran au moyen d'un changement de régime", a dit une personne au courant de leur contenu, et implique "de travailler avec des groupes d'opposition et de passer de l'argent". Celle Conclusion envisageait tout un éventail nouveau d'activités au sud de l'Iran et dans les zones, à l'est, où l'opposition baloutche est forte, a-t-il dit.
Bien que certains parlementaires aient été troublés par des aspects de cette Conclusion - et "il y a eu un grand nombre discussions importantes à haut niveau" à ce sujet, selon cette source bien informée -, le financement de cette escalade a été approuvé. En d'autres termes, certains membres de la direction Démocrate - le Congrès est sous contrôle Démocrate depuis les élections de 2006 - étaient d'accord, en secret, pour se joindre à l'Administration, afin d'étendre les activités secrètes dirigées contre l'Iran, tandis que le candidat présumé du parti Démocrate à l'élection présidentielle, Barack Obama, a dit préférer des pourparlers directs et la diplomatie. La demande de financement est arrivée à la même période où l'Administration assumait le NIE (l'Evaluation nationale des renseignements), publié en décembre, qui concluait que l'Iran avait arrêté ses travaux sur les armes nucléaires en 2003.
L'Administration a minimisé la signification du NIE et, tout en disant qu'elle était engagée dans la voie diplomatique, elle a continué à mettre l'accent sur le fait qu'une action urgente était essentielle pour contrer la menace nucléaire iranienne. Le Président Bush a mis en doute les conclusions du NIE, et des responsables de la sûreté nationale, dont le Secrétaire à la Défense Robert Gates et la Secrétaire d'Etat Condoleeza Rice, firent des déclarations similaires. (Tout comme le Sénateur John McCain, le présumé candidat présidentiel républicain.) Pendant ce temps, l'Administration a aussi ravivé les accusations selon lesquelles la direction iranienne a été impliquée dans les tueries de soldats américains en Irak : à la fois directement, en envoyant des unités commandos à l'intérieur de l'Irak, et indirectement, en fournissant des équipements utilisés pour la pose de bombes au bord des routes et autres produits de mort. (La véracité de ses accusations a été mise en doute ; le Times, parmi d'autres, a rapporté qu'il "reste des incertitudes importantes sur l'étendue de cette implication.")
Les dirigeants militaires et civils du Pentagone partagent la préoccupation de la Maison Blanche au sujet des ambitions nucléaires de l'Iran, mais il y a un désaccord sur le fait qu'une frappe militaire serait la solution. Certains officiels du Pentagone pensent, ainsi qu'ils l'ont fait savoir au Congrès et aux médias, que bombarder l'Iran n'est pas une réponse viable à la question de la prolifération nucléaire et que plus de diplomatie est nécessaire.
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La personne bien au courant de cette Conclusion m'a dit que l'état-major interarmées, dont le président est l'Amiral Mike Mullen, "exerçait une très forte pression en sens contraire" à la pression de la Maison Blanche pour entreprendre une frappe militaire contre l'Iran. De la même manière, un conseiller du Pentagone qui est impliqué dans la guerre contre la terreur a dit "qu'au moins dix officiers généraux, dont des commandants aux combats" - les généraux quatre-étoiles qui dirigent les opérations militaires dans le monde entier - "ont pesé le pour et le contre sur cette question".
Le plus critique de ces officiers est l'Amiral William Fallon, qui, jusqu'à récemment, était le chef du Commandement Central des Etats-Unis (CENTCOM) et donc en charge des forces américaines en Irak et en Afghanistan. En mars, Fallon a été forcé de démissionner après avoir donné une série d'interviews exposant ses réserves vis-à-vis d'une attaque armée contre l'Iran. Par exemple, en fin d'année dernière, il avait déclaré au Financial Times que "l'objectif réel" de la politique des Etats-Unis était de changer l'attitude des Iraniens et que "les attaquer, comme moyen d'obtenir ce changement, m'étonne comme n'étant pas le[ur] premier choix."
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L'accord donné par les dirigeants Démocrates pour engager des centaines de millions de dollars, en vue de plus d'opérations secrètes en Iran, vaut la peine d'être noté, étant donnée l'inquiétude générale d'officiels tels que Gates, Fallon et de nombreux autres. "Le processus de supervision n'a pas tenu le rythme - il a été coopté" par l'Administration, a dit cette personne au courant du contenu de cette Conclusion. "Le processus est rompu et c'est un truc dangereux que nous sommes en train d'autoriser".
Des Démocrates de premier plan au Congrès m'ont dit qu'ils étaient préoccupés par la possibilité que leur compréhension de l'implication de ces nouvelles opérations diffère de celle de la Maison Blanche. Il y a une question relative à une référence qui se trouve dans les Conclusions, rappelle la personne au courant : une potentielle action létale défensive par les agents américains en Iran. (Début mai, le journaliste Andrew Cockburn a publié des éléments de cette Conclusion dans CounterPunch, le magazine et lettre d'information en ligne.)
Ce langage a été inséré dans cette Conclusion sur l'insistance de la CIA, a dit un ancien agent des renseignements. Les opérations secrètes qui sont exposées dans cette Conclusion se déroulent essentiellement en parallèle à celles du corps expéditionnaire militaire secret, opérant maintenant en Iran, qui se trouve sous le contrôle du JSCO. Selon l'interprétation de la loi par l'Administration Bush, les activités militaires clandestines, contrairement aux opérations secrètes de la CIA, n'ont pas besoin d'être décrites dans une Conclusion, parce que le Président a le droit constitutionnel de commander les forces de combat sur le terrain sans interférence du Congrès. Mais la frontière entre ces opérations ne sont pas toujours claires : en Iran, les agents de la CIA et les correspondants régionaux ont les compétences linguistiques et la connaissance du terrain pour prendre des contacts pour le compte des agents du JSOC, et ils ont travaillé avec eux pour envoyer le personnel, le matériel et l'argent en Iran depuis une base obscure dans l'ouest de l'Afghanistan. En conséquence, le Congrès n'a reçu qu'une vue partielle de la façon dont est utilisé l'argent qu'il a alloué. L'une des missions du corps expéditionnaire du JSOC, la recherche de "cibles de haute valeur", n'était pas directement exposée dans cette Conclusion. Certains parlementaires réalisent de plus en plus que l'Administration Bush, ces dernières années, a regroupé ce qui correspond à une opération de renseignements avec ce qui correspond à une opération militaire, afin d'éviter d'informer complètement le Congrès sur ses agissements.
"C'est une grosse affaire", a dit la personne au courant de cette Conclusion. "La CIA avait besoin de cette Conclusion pour faire son boulot habituel, mais la Conclusion ne s'applique pas au JSOC. Le Président a signé un Décret Présidentiel après le 11 septembre donnant au Pentagone l'autorisation de faire des choses qu'il n'avait jamais pu faire auparavant sans en notifier le Congrès. Il était prétendu que l'armée 'préparait l'espace de bataille' et, en utilisant ce terme, ils pouvaient contourner la surveillance parlementaire. Tout est justifié dans la sémantique pour livrer la guerre mondiale contre la terreur".
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Ces derniers mois, selon les médias iraniens, il y a eu une montée en puissance de la violence en Iran. Cependant, à ce stade précoce il est impossible d'en attribuer le crédit aux activités de la CIA ou du JSOC ou d'évaluer leur impact sur la direction iranienne. Les reportages de presse sur l'Iran sont minutieusement contrôlés par le Colonel de l'Armée de l'Air à la retraite, Sam Gardiner, qui a enseigné la stratégie au National War College et qui conduit à présent des jeux de guerre centrés sur l'Iran, par le gouvernement fédéral, les groupes de réflexion et les universités. La presse iranienne "est très ouverte pour décrire les tueries qui ont lieu à l'intérieur du pays", a dit Gardiner. C'est, dit-il, "une presse contrôlée qui considère qu'il est plus important de publier ces choses. Nous commençons à voir à l'intérieur du gouvernement." Il a ajouté, "Pratiquement, pas un seul jour ne se passe aujourd'hui où nous ne voyons pas d'affrontement quelque part. Il y a eu trois ou quatre incidents au cours d'un des derniers week-ends et les Iraniens donnent même les noms des officiers des Gardes Révolutionnaires qui ont été tués."
Au début de l'année, un groupe Ahwazi, partisan de la lutte armée, a revendiqué avoir assassiné un colonel de la Garde Révolutionnaire, et le gouvernement iranien a reconnu qu'une explosion avait eu lieu dans un centre culturel à Shiraz, au sud du pays, qui avait tué au moins douze personnes et en avait blessé plus de deux cents et que c'était un acte terroriste et non pas, comme il avait insisté plus tôt, un accident. On ne pouvait pas savoir s'il y avait une implication américaine dans un incident spécifique en Iran, mais, selon Gardiner, les Iraniens ont commencé à accuser publiquement les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et, plus récemment, la CIA, pour certains de ces incidents.
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Beaucoup de ces activités pourraient être entreprises sur le terrain par les dissidents en Iran et non pas par les Américains. Un problème pour "passer l'argent" (pour reprendre l'expression de la personne qui connaît cette Conclusion) dans un cadre secret est qu'il est difficile de contrôler où va l'argent et à qui il bénéficie. Néanmoins, l'ancien responsable des renseignements a dit : "Nous sommes exposés, à cause de notre transfert d'armes et de notre matériel de communication. Les Iraniens auront la capacité de prendre pour argument que l'opposition a été inspirée par les Américains. Combien de fois avons-nous essayé ceci sans poser les bonnes questions ? Le jeu en vaut-il la chandelle ?" Une conséquence possible de ces opérations seraient des mesures sévères violentes iraniennes contre les groupes dissidents, ce qui donnerait à l'Administration Bush une raison d'intervenir.
La stratégie consistant à utiliser les minorités ethniques pour ébranler l'Iran est viciée, selon Vali Nasr, qui enseigne la politique internationale à la Tufts University et qui est aussi membre du comité de direction du CFR (Council on Foreign Relations). "Ce n'est pas parce que le Liban, l'Irak et le Pakistan ont des problèmes ethniques que cela signifie que l'Iran est confronté à la même question", m'a dit Nasr. "L'Iran est un vieux pays - comme la France ou l'Allemagne - et ses citoyens sont tout aussi nationalistes. Les Etats-Unis surestiment la tension ethnique en Iran." Les groupes minoritaires avec lesquels les Etats-Unis établissent le contact sont soit bien intégrés soit petits et marginaux, sans beaucoup d'influence sur le gouvernement ou beaucoup de capacité à représenter un challenge politique, a dit Nasr. "On peut toujours trouver des groupes militants qui iront tuer un policier, mais travailler avec les minorités se retournera contre nous et nous aliènera la majorité de la population."
Il se peut que l'Administration ait été d'accord pour compter sur les organisations dissidentes en Iran, même lorsqu'il y avait une raison de croire que ces groupes avaient monté dans le passé des opérations contre les intérêts américains. L'utilisation des éléments baloutchis, par exemple, est problématique, m'a dit Robert Baer, un ancien agent secret de la CIA qui a travaillé pendant près de deux ans en Asie du Sud et au Moyen-Orient. "Les Baloutchis sont des fondamentalistes sunnites qui haïssent le régime de Téhéran, mais on peut les décrire comme faisant partie d'Al-Qaïda", m'a dit Baer. "Se sont des types qui coupent la tête des incroyants - et dans ce cas, [les incroyants] sont les Chiites iraniens. L'ironie est qu'une nouvelle fois, nous travaillons avec des fondamentalistes sunnites, exactement comme nous l'avons fait en Afghanistan dans les années 80." Ramzi Youssef, qui a été condamné pour son rôle dans l'attentat à la bombe du World Trade Center en 1993, et Khaled Cheikh Mohammed, qui est considéré comme l'un des planificateurs des attaques du 11 septembre, sont des fondamentalistes sunnites baloutchis.
L'un des groupes le plus actif et le plus violent aujourd'hui contre le régime en Iran est le Djoundallah, connu aussi sous le nom de Mouvement de la Résistance du Peuple Iranien, qui se décrit lui-même comme une force de résistance qui se bat pour les droits des Sunnites en Iran. "C'est une organisation salafiste vicieuse dont les fidèles ont suivi les cours de la même madrasa que les Taliban et les extrémistes pakistanais. Ils sont soupçonnés d'avoir des liens avec Al-Qaïda et on pense aussi qu'ils sont liés à la culture du pavot." Le Djoundallah a endossé la responsabilité de l'attentat à la bombe d'un bus rempli de soldats de la Garde Révolutionnaire, en février 2007. Au moins 11 membres de la Garde ont été tués. Selon Baer et les reportages de presse, le Djoundallah fait partie des groupes en Iran qui bénéficient du soutien américain.
Les communautés de la CIA et des Opérations Spéciales ont aussi des liens de longue date avec deux autres groupes dissidents en Iran : le Moudjahidin-e-Khalq, connu en Occident sous le sigle M.E.K., et un groupe séparatiste kurde, le Parti pour une Vie Libre au Kurdistan, le PJAK.
Le M.E.K. est sur la liste terroriste du Département d'Etat depuis plus de dix ans. Pourtant, ces dernières années, ce groupe a reçu des armes et des renseignements, directement ou indirectement, des Etats-Unis. Une partie de ces fonds secrets nouvellement autorisés, m'a dit le conseiller du Pentagone, pourrait très bien atterrir dans les coffres du M.E.K. "Le nouveau corps expéditionnaire travaillera avec le M.E.K. L'Administration attend désespérément des résultats". Il a ajouté, "Le M.E.K. n'a pas d'expert-comptable qui vérifie ses comptes et l'on pense que ses dirigeants se sont remplis les poches pendant des années. Si les gens savaient ce que touche le M.E.K. et les sommes qui atterrissent sur ses comptes bancaires ! Et pourtant, cela est pratiquement inutile pour les objectifs qu'attend l'Administration."
Le parti kurde, le PJAK, que l'on a aussi rapporté comme bénéficiant secrètement des largesses des Etats-Unis, mène des actions contre l'Iran depuis des bases au Nord de l'Irak, depuis au moins trois ans. (L'Iran, comme l'Irak et la Turquie, a une minorité kurde, et le PJAK et les autres groupes ont recherché l'autodétermination sur un territoire qui est à cheval sur ces trois pays.) Ces dernières semaines, selon Sam Gardiner, le stratège militaire, il y a eu une nette augmentation des engagements armés du PJAK contre les Iraniens et des attaques terroristes contre des cibles iraniennes. Début juin, l'agence de presse Fars a rapporté qu'une douzaine de membres du PJAK et quatre gardes frontières iraniens avaient été tués dans un affrontement près de la frontière irakienne ; une attaque similaire en mai avait tué trois Gardes Révolutionnaires iraniens et neuf combattants du PJAK. Le PJAK a aussi soumis la Turquie, un membre de l'OTAN, a des attaques terroristes répétées et le soutien américain dont bénéficierait ce groupe a été une source de friction entre les deux gouvernements.
Gardiner a aussi mentionné un voyage que le Premier ministre irakien, Nouri al-Malaki, a fait à Téhéran en juin. A son retour, Maliki a annoncé que son gouvernement interdirait tout contact entre des étrangers et le M.E.K. - une gifle pour les Etats-Unis qui traitent avec ce groupe. Maliki a déclaré que l'Irak ne voulait pas être le terrain où se préparent les opérations secrètes contre les autres pays. C'était un signe, a dit Gardiner, que "Maliki choisit de plus en plus les intérêts de l'Irak plutôt que ceux des Etats-Unis." En ce qui concerne les accusations américaines de l'implication iranienne dans la mort de soldats américains, a-t-il dit, "Maliki est réticent à jouer le jeu consistant à accuser l'Iran." Gardiner a ajouté que le Pakistan venait juste d'accepter de remettre un dirigeant du Djoundallah au gouvernement iranien. Les opérations secrètes de l'Amérique, dit-il, "semblent nuire aux relations avec les gouvernements, à la fois de l'Irak et du Pakistan, et pourraient bien renforcer le lien entre Téhéran et Bagdad."
[...]
voir l'article complet sur Questions Critiques http://questionscritiques. free.fr/dossiers/Seymour_Hersh/Iran_Etats-Unis_Cheney_guerre_300608.htm
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par Mark Gasiorowski *
Publié 17 juillet 2010
http://socio13.wordpress.com/2010/07/17/en-2000-revelations-sur-le-coup-d%E2%80%99etat-de-1953-quand-la-cia-complotait-en-iran-par-mark-gasiorowski/
Publié 17 juillet 2010
http://socio13.wordpress.com/
Pour la première fois, le 19 mars 2000, la secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright reconnaissait l’« implication » des Etat-Unis dans le coup d’Etat qui renversa le premier ministre iranien Mohammad Mossadegh en 1953. Pourtant, les circonstances de cette intervention restent mal connues. Un rapport de la CIA, divulgué en avril 2000 par le New York Times, révèle le rôle joué par les services secrets de Londres et de Washington dans un événement qui renversa les rapports de forces au Proche-Orient.
Il y a quelques mois, le New York Timesreçoit le rapport officiel du coup d’Etat mené en 1953 par la CIA contre le premier ministre iranien Mohammad Mossadegh. Le 16 juin 2000, le journal publie ce récit sur son site Internet (1). Les noms de plusieurs personnalités iraniennes impliquées y sont effacés, mais la plupart d’entre elles sont désignées nommément sur un autre site (2). Ce document passionnant contient d’importantes révélations sur la manière dont cette opération fut menée, et toute personne intéressée par la politique intérieure de l’Iran ou la politique étrangère américaine devrait le lire.
Le coup d’Etat s’est produit pendant une période de grande effervescence de l’histoire iranienne et au plus fort de la guerre froide. Mohammad Mossadegh est alors chef du Front national, organisation politique fondée en 1949 et militant pour la nationalisation de l’industrie pétrolière, alors sous domination britannique, ainsi que pour la démocratisation du système politique. Ces deux questions passionnent la population, et le Front national devient rapidement le principal acteur de la scène politique iranienne. En 1951, le chah Mohammad Reza Pahlavi est contraint de nationaliser l’industrie pétrolière et de nommer Mossadegh premier ministre, provoquant une confrontation ouverte avec le gouvernement britannique. La Grande-Bretagne réagit en organisant un embargo général sur le pétrole iranien et engage des manœuvres à long terme visant à renverser Mossadegh.
Les Etats-Unis décident tout d’abord de rester neutres et encouragent les Britanniques à accepter la nationalisation tout en essayant de négocier un arrangement à l’amiable, allant jusqu’à persuader Londres, en septembre 1951, de ne pas envahir l’Iran. Cette neutralité continue jusqu’à la fin de l’administration de Harry S.Truman, en janvier 1953, même si de nombreux dirigeants américains estiment déjà que l’obstination de Mossadegh crée une instabilité politique mettant l’Iran « en réel danger de passer derrière le rideau de fer »(page III du rapport). En novembre 1952, peu après l’élection du général Dwight D. Eisenhower à la présidence des Etats-Unis, de hauts responsables britanniques proposent à leurs homologues américains de mener conjointement un coup d’Etat contre Mossadegh. Ceux-ci répondent que l’administration sortante n’entreprendra jamais une telle opération, mais que celle d’Eisenhower, qui va entrer en fonction en janvier, déterminée à intensifier la guerre froide, serait probablement susceptible de le faire.
Le récit de la CIA rend bien compte de la manière dont fut préparée l’opération. Après autorisation du président Eisenhower en mars 1953, des officiers de la CIA étudient la manière dont pourrait être mené le coup d’Etat et se penchent sur le problème du remplacement du premier ministre. Leur choix se porte rapidement sur Fazlollah Zahedi, un général à la retraite qui avait déjà comploté avec les Britanniques. En mai, un agent de la CIA et un spécialiste de l’Iran travaillant pour le Secret Intelligence Service (SIS) britannique passent deux semaines à Nicosie (Chypre), où ils mettent au point une première version du plan. Des responsables de la CIA et du SIS la révisent, et une version définitive est écrite à Londres à la mi-juin.
Ce plan était divisé en six étapes principales. Tout d’abord, l’antenne iranienne de la CIA et le plus important réseau de renseignement britannique en Iran, alors dirigé par les frères Rashidian, devaient déstabiliser le gouvernement Mossadegh par le biais de la propagande et d’autres activités politiques clandestines. Fazlollah Zahedi organiserait ensuite un réseau constitué d’officiers capables de mener le coup d’Etat. Troisième étape, la CIA devait « acheter »la collaboration d’un nombre suffisant de parlementaires iraniens afin de s’assurer que le corps législatif s’opposerait à Mossadegh. Puis des efforts sérieux devaient permettre de persuader le chah de soutenir le coup d’Etat, ainsi que Zahedi, même s’il était établi que l’opération serait menée avec ou sans l’accord du monarque.
La CIA devait ensuite tenter, de manière « quasi légale »(page A3), de renverser Mossadegh en provoquant une crise politique au cours de laquelle le Parlement le destituerait. Cette crise serait provoquée par des manifestations de protestation organisées par des dirigeants religieux, qui persuaderaient le chah de quitter le pays, ou créeraient une situation forçant Mossadegh à démissionner. Enfin, si cette tentative venait à échouer, le réseau militaire monté par Fazlollah Zahedi s’emparerait du pouvoir avec l’aide de la CIA.
« Par n’importe quel moyen »
Les trois premières étapes étaient en fait déjà entamées pendant la mise au point du « plan de Londres ». Le 4 avril, la section de la CIA à Téhéran reçoit 1 million de dollars destiné à « faire tomber Mossade[gh] par n’importe quel moyen »(page 3). En mai, elle déclenche, avec les frères Rashidian, une campagne de propagande contre Mossadegh et, on le suppose, mène d’autres actions clandestines contre ce dernier. Ces efforts redoublent de manière brutale au cours des semaines précédant le coup d’Etat (page 92).
Les trois premières étapes étaient en fait déjà entamées pendant la mise au point du « plan de Londres ». Le 4 avril, la section de la CIA à Téhéran reçoit 1 million de dollars destiné à « faire tomber Mossade[gh] par n’importe quel moyen »(page 3). En mai, elle déclenche, avec les frères Rashidian, une campagne de propagande contre Mossadegh et, on le suppose, mène d’autres actions clandestines contre ce dernier. Ces efforts redoublent de manière brutale au cours des semaines précédant le coup d’Etat (page 92).
La CIA prend contact avec Fazlollah Zahedi en avril, lui versant 60 000 dollars (et peut-être bien plus) afin qu’il « trouve de nouveaux alliés et influence des personnes-clés »(page B15). Le compte-rendu officiel nie que des officiers iraniens aient été achetés (page E22) ; il est toutefois difficile d’imaginer à quoi d’autre Fazlollah Zahedi aurait dépensé cet argent. La CIA n’en comprend pas moins rapidement que ce dernier « manque de détermination, d’énergie et de stratégie concrète » et qu’il n’est pas capable de monter un réseau militaire apte à mener un coup d’Etat. Cette tâche est donc confiée à un colonel iranien travaillant pour la CIA.
Fin mai 1953, la section de la CIA est autorisée à engager environ 11 000 dollars par semaine pour acheter la coopération de parlementaires, ce qui accentue fortement l’opposition politique à Mossadegh. Ce dernier réagit en appelant les élus qui lui sont fidèles à démissionner pour empêcher la formation du quorum, ce qui entraînerait la dissolution du Parlement. Pour le contrer, la CIA essaie alors de persuader certains élus de renoncer à leur démission. Début août, Mossadegh organise un référendum truqué au cours duquel les Iraniens se prononcent massivement pour la dissolution et la tenue de nouvelles élections. Cela empêche désormais la CIA d’exercer ses activités « quasi légales » même si elle continue à utiliser la propagande pour imputer à Mossadegh la falsification du référendum.
Le 25 juillet, la CIA entame une longue démarche de « pression » et de « manipulation » pour persuader le chah de soutenir le coup d’Etat et d’accepter la nomination de Fazlollah Zahedi au poste de premier ministre. Au cours des trois semaines suivantes, quatre émissaires rencontrent le chah presque chaque jour afin de le convaincre de coopérer. Le 12 ou 13 août, malgré ses réticences, il finit par accepter et signe les décrets royaux (firmans) révoquant Mossadegh et nommant Zahedi à sa place. La reine Soraya l’aurait persuadé d’agir ainsi (page 38).
Le 13 août, la CIA charge le colonel Nematollah Nassiri de remettre les firmans à Zahedi et à Mossadegh. Mais la longueur des négociations avec le chah a fragilisé le secret, et l’un des officiers impliqués révèle l’existence du complot. Mossadegh fait alors arrêter Nassiri, dans la nuit du 15 au 16 août, au moment où celui-ci s’apprête à remettre le premier décret, et plusieurs autres conjurés sont interpellés peu après. Prête à cette éventualité, la CIA avait préparé des unités militaires pro-Zahedi à s’emparer des points névralgiques de Téhéran. Mais les officiers disparaissent lorsque Nassiri est arrêté, faisant échouer cette première tentative.
Zahedi ainsi que d’autres personnes impliquées se réfugient alors dans des cachettes de la CIA. Le chah fuit en exil, d’abord à Bagdad, puis à Rome, et Kermit Roosevelt, directeur de la section locale de la CIA, annonce à Washington que le coup d’Etat a échoué. Peu après, il reçoit l’ordre d’abandonner l’opération et de revenir aux Etats-Unis.
Mais Kermit Roosevelt et son équipe décident d’improviser une autre tentative. Ils commencent par distribuer des copies des décrets du chah aux médias afin de mobiliser l’opinion publique contre Mossadegh. Au cours des jours suivants, leurs deux principaux agents iraniens mènent une série d’opérations « noires » visant le même objectif. Afin de dresser les Iraniens croyants contre Mossadegh, ils profèrent des menaces téléphoniques contre des chefs religieux et « simulent un attentat » contre la maison d’un ecclésiastique (page 37) en se faisant passer pour des membres du puissant parti communiste Toudeh. Le 18, ils organisent également des manifestations dont les participants prétendent appartenir au Toudeh. A l’instigation de ces deux agents, les manifestants saccagent les bureaux d’un parti politique, renversent des statues du chah et de son père, et sèment le chaos dans Téhéran. Réalisant ce qui est en train de se passer, le Toudeh recommande à ses membres de rester chez eux (p. 59, 63 et 64), ce qui l’empêche de s’opposer aux manifestants anti-Mossadegh qui envahissent les rues le lendemain.
Le matin du 19 août, ces derniers commencent à se rassembler à proximité du bazar de Téhéran. Le compte-rendu de la CIA décrit ces manifestations comme « partiellement spontanées », mais ajoute que « les circonstances favorables créées par l’action politique [de la CIA] contribuèrent également à [les] déclencher » (page XII). En effet, la divulgation des décrets du chah, les « fausses » manifestations du Toudeh et les autres opérations « noires » menées au cours des jours précédents poussèrent de nombreux Iraniens à rejoindre ces manifestations.
Plusieurs membres iraniens de l’équipe de la CIA mènent alors les manifestants dans le centre de Téhéran et persuadent des unités de l’armée de les épauler, incitant au passage la foule à attaquer le quartier général du Parti iranien favorable à Mossadegh et à incendier une salle de cinéma et plusieurs rédactions de presse (p. 65, 67 et 70). Des unités militaires anti-Mossadegh commencent dès lors à prendre possession de Téhéran, s’emparant de stations radio et d’autres points sensibles. De vifs combats se déroulent, mais les forces favorables au premier ministre sont finalement vaincues. Mossadegh lui-même se cache, mais se rend le lendemain.
Le compte-rendu de la CIA laisse deux questions essentielles en suspens. Tout d’abord, il n’éclaircit pas l’origine de la trahison qui fit échouer la première tentative de coup d’Etat, se contentant d’attribuer celle-ci à « l’indiscrétion d’un des officiers de l’armée iranienne impliqué »(page 39). Ensuite, ce texte n’explique pas comment l’action politique de la CIA favorisa l’organisation des manifestations du 19 août, ni quelle fut l’importance de cette action dans le déclenchement de ces manifestations. D’autres comptes-rendus, établis d’après des entretiens avec des participants de premier plan, suggèrent que l’équipe de la CIA aurait donné de l’argent à des chefs religieux, qui ne connaissaient probablement pas l’origine de ces fonds. Le rapport de la CIA ne confirme pas cette version. La quasi-totalité des personnes impliquées étant aujourd’hui décédées et la CIA affirmant avoir détruit la plupart des archives concernant cette opération, ces questions resteront peut-être sans réponse.
Il est également difficile de savoir qui est à l’origine de la fuite qui a permis la divulgation de ce rapport officiel et quelle est la véritable finalité de cette fuite. Dans l’article publié le 16 avril 2000, le New York Times explique seulement que le document a été fourni par un « ancien officier qui en conservait un exemplaire ». Coïncidence, un mois plus tôt, la secrétaire d’Etat Madeleine Albright, au cours d’un important discours destiné à promouvoir le rapprochement entre les Etats-Unis et l’Iran, avait reconnu pour la première fois que le gouvernement américain était impliqué dans le coup d’Etat et s’en est excusée (3). Beaucoup estiment que la fuite fut délibérément organisée par le gouvernement ou par une personne décidée à soutenir l’initiative de Mme Albright. Si tel est le cas, toutefois, il est difficile de croire que l’intégralité du rapport aurait été révélée, mais on ne peut exclure cette possibilité.
Mark Gasiorowski.Histoire, Services secrets, États-Unis (affaires extérieures), Iran
Mark Gasiorowski
Professeur de sciences politiques à l’université d’Etat de Louisiane, Baton Rouge.
Professeur de sciences politiques à l’université d’Etat de Louisiane, Baton Rouge.
(1) www.nytimes.com/library/world/mideast/iran-cia-intro.pdf . Le document est daté de 1954 et signé Donald N. Wilber.
(2) http://cryptome.org/cia-iran.htm . La technique utilisée par le New York Times était inopérante : il suffisait d’utiliser un ordinateur lent pour lire les noms avant que le cache noir s’affiche.
(3) Le Monde, 20 mars 2000.