Rémunération au mérite : l'intéressement collectif des fonctionnaires sur les rails
Bercy a finalisé l'accord sur l'intéressement des fonctionnaires, qui sera décliné dans chaque ministère. Seuls les services les plus performants en bénéficieront. Les primes annuelles pourraient atteindre plusieurs centaines d'euros.
L'Etat va franchir un nouveau cap dans l'instauration de la rémunération au mérite des fonctionnaires. Après avoir lancé en 2009 des primes individuelles aux résultats pour les agents de catégorie A (en cours d'extension à la catégorie B), Eric Woerth, ministre de la Fonction publique, vient de finaliser l'accord-cadre sur l'intéressement collectif des agents, attendu depuis plusieurs mois. Charge désormais à chaque ministère de le décliner avec ses syndicats, en vue d'un premier versement dès le premier semestre 2011. Dans les collectivités locales et les hôpitaux, le dispositif sera aussi ouvert, mais restera facultatif.
C'est une petite révolution. Jusqu'ici, seuls trois ministères (Intérieur, Economie, Défense) distribuaient un intéressement collectif (lire ci-contre). A quelques semaines des négociations salariales triennales, qui s'annoncent très tendues, l'accord transmis aux syndicats prend soin de préciser que cet intéressement représente « une rémunération supplémentaire et ne se substitue pas à une rémunération existante ». Pour Bercy, ce levier, inspiré du privé, doit permettre de mieux associer les salariés à la quête de productivité, corollaire de la réforme de l'Etat. « Cela leur donnera plus de lisibilité sur les objectifs prioritaires », explique l'entourage d'Eric Woerth.
L'intéressement, détaille le texte, sera calculé et versé « par services », chaque agent y touchant « le même montant », quel que soit son poste. Tous les services d'un ministère seront éligibles mais, afin de ne pas dénaturer le dispositif, Bercy invite à ne récompenser, chaque année, que les plus performants. Les ministères doivent fixer leurs propres critères internes de performance, « 4 ou 5 au maximum », basés sur l'évolution de la « qualité du service rendu », « l'amélioration des conditions de travail » (baisse des accidents) et « la maîtrise des coûts ».
Les syndicats sont sceptiques. La CGT et FO dénoncent les effets pervers de tels mécanismes dans le service public - « on le voit déjà dans la police avec les primes liées au nombre de PV » - et craignent qu'à masse salariale constante l'intéressement ne soit voué à se substituer à des augmentations.
L'accord-cadre renvoie aux ministères la fixation de l'enveloppe qu'ils y consacreront, l'idée étant d'en faire un outil supplémentaire de redistribution aux agents de 50 % des économies liées au non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux. Faute de rallonge, les syndicats ouverts au dispositif, comme la CFDT, redoutent que les primes soient limitées. Au risque que l'effet sur la motivation des agents soit nul. Ils réclament des primes annuelles proches de 500 euros. Cet ordre de grandeur a aussi les faveurs du cabinet d'Eric Woerth, mais tout dépendra des choix des ministères. On restera en tout cas loin des 1.500 euros que touchent en moyenne les 5 millions de salariés du privé qui bénéficient d'un intéressement.
L'accord cadre sur lesechos.fr/documents
Les premières réflexions sur l'intéressement des agents ont beau remonter à 1987, seuls trois ministères ont déjà instauré un mécanisme : en 2004, Nicolas Sarkozy a lancé un dispositif au ministère de l'Economie, puis à celui de l'Intérieur (pour la police), qu'il a successivement dirigés. La Défense a suivi (pour la gendarmerie). Dans les forces de l'ordre, les primes atteignent de 400 à 600 euros mais ne profitent pas à tous les agents. A Bercy, les 180.000 agents touchent tous l'intéressement, mais avec un plafond de 150 euros par an.