Un Français dit ce qu’il vient de voir en Syrie

Publié le par Charlotte sceptix

Nous publions le récit du voyage de huit jours que vient de faire en Syrie, de Damas à Palmyre, en passant par le Golan, début août, Christian Bouchet. Christian Bouchet est un membre influent du Front national. C ‘est dire qu’il ne reflète pas le point de vue des rédacteurs d’InfoSyrie, tant s’en faut. Si nous le publions, c’est que les témoignages récents d’étrangers – et a fortiori de Français – sur la situation, et l’atmosphère qui prévalent en Syrie ne sont pas légion. Et par ailleurs, le témoignage de Bouchet a toutes les apparences de l’authenticité, ne donnant jamais – en dépit des sympathies de l’auteur pour le régime – dans la langue de bois : par exemple il observe qu’à Damas, les portraits de Bachar sont volontiers affichés dans les quartiers chrétien et chiite mais sont « quasi-inexistants » dans la partie sunnite de la ville. Et que si, à travers le pays, les barrages militaires sont très rares, les patrouilles sont visibles à Homs.

Christian Bouchet, après quelques difficultés à obtenir un visa, débarque donc à Damas et découvre une ville calme, avec peu ou pas de police présente dans les rues où la population féminine est, dans sa grande majorité, vêtue à l’occidentale et où l’observation du Ramadan est assez facultative. Le pays, dans la région de Damas et jusqu’à Homs est calme, au point qu’on est déphasé par rapport aux titres sensasionnalistes de la presse occidentale. En revanche, son chauffeur ne veut pas conduire Bouchet à Hama, car là « c’est vraiment dangereux ».

Bref, Christian Bouchet n’a pas vu toute la Syrie, mais il en a vu assez pour se faire une idée du climat prévalant dans une partie importante du pays : un climat de calme et de modernité, tempéré par l’inquiétude, présente notamment chez les chrétiens, face à une montée en puissance de l’extrémisme islamiste. Surtout, Bouchet n’a pu que mesurer le décalage existant entre la réalité sur le terrain, sur cette partie du terrain en tout cas, et la représentation mélodramatique qu’en font les journalistes de chez nous.

 

Journal d’un séjour en Syrie

Du 3 au 12 août dernier, j’ai séjourné en Syrie. Alors que les agences de presse occidentales présentaient le pays comme en proie à une répression féroce et à une guerre civile larvée, je n’y ai rien vu de tel. Les lignes qui suivent sont extraites de mon journal de voyage.

3 août (dans l’avion entre Londres et Damas)

Les cinq heures trente de vol à venir me permettent d’effectuer un flash-back sur les quelques semaines passées.

Quand j’ai vu que le « printemps arabe », qui pour moi n’a jamais été qu’une gigantesque manipulation par l’Empire de mécontentements populaires parfois justifiés, commençait à toucher la Syrie, j’ai proposé à mon fils que nous allions y passer quelques jours de vacances, histoire d’y humer le vent de l’Histoire.

Trouver sur internet un vol Paris-Londres-Damas à un prix acceptable n’a pas posé de problèmes et il n’a pas été plus difficile, toujours par internet, de réserver en Syrie des chambres d’hôtel et d’y louer une voiture avec un chauffeur/interprète.

Ensuite, les choses se sont un peu compliquées. J’ai demandé un visa et il m’a été refusé. Bien que le consulat n’ait pas accepté de s’en expliquer, l’employée d’Action-Visa, qui était chargée de mon dossier et qui m’a annoncé ce contretemps au téléphone, y a perçu une certaine logique. « Votre passeport est une telle collection de “visa à problèmes” qu’il est normal qu’il attire l’attention des services consulaire » m’a-t-elle déclarée, avant d’ajouter « À moins qu’ils vous aient googelisé. Vous savez, ils n’aiment pas beaucoup les bloggers là-bas, même ceux de votre orientation.

Que faire ? Je ne voyais pas d’autre solution que de renoncer, très dépité, à ce voyage. J’en fis donc part à la société auprès de laquelle j’avais loué une voiture. Par retour de mail, elle m’en dissuada et un de ses employés m’écrivit : « Ne vous inquiétez pasil n’y a pas d’interconnexion entre les services consulaires et la police des frontières. Prenez votre avion comme si de rien n’était et vous demanderez votre visa une fois arrivé à l’aéroport de Damas. Il y a 90 chances sur 100 que vous l’obteniez. »

J’ai donc pris l’avion et nous verrons bien.

J’ai comme voisine une Syrienne, jeune et jolie. Nous échangeons quelques mots et, très vite, elle m’interroge sur les raisons de mon voyage. Quand je lui réponds que c’est pour faire du tourisme, elle me demande si je me moque d’elle et la conversation tourne court…

4 août (Damas)

Je suis bien arrivé hier en milieu d’après-midi à l’aéroport de Damas. Au guichet réservé aux étrangers la queue était courte : il n’y avait que mon fils et moi. Un quart d’heure et quelques formulaires plus tard, nous avions un visa, notre passeport était tamponné et un policier charmant nous souhaitait la bienvenue en Syrie.

Mon hôtel est dans la vieille ville, dans le quartier chrétien, et j’y suis le seul client. Son directeur qui m’accueille me dit qu’il a du fermer son restaurant et licencier plus de la moitié de son personnel tant les touristes sont devenus rarissimes.

Première promenade dans les rues de la ville. À ma grande surprise, on ne croise absolument aucun policiers autres que ceux chargés de la circulation et l’armée est totalement absente des rues. La population est en quasi-totalité vêtue à l’occidentale et la mode féminine est aux vêtements moulants qui mettent en valeurs des appâts généreux. Les femmes Damascènes ont « du chien », beaucoup « de chien »… Certaines portent le voile, enfin ce n’est pas réellement un voile, disons une sorte de coiffure qui pourrait s’apparenter au hennin du Moyen Âge et qui portée habituellement avec des talons haut, un jean slim et un haut moulant est du meilleur effet.

Une autre chose m’étonne : la ville est couverte d’affiche du Parti social national syrien. Une organisation que l’on peut ranger « à droite » sur l’échiquier politique et qui, nationaliste syrienne, est hostile au pan-arabisme du Baath au pouvoir. La première librairie devant laquelle je passe présente d’ailleurs en devanture un livre d’Antoun Saade, son fondateur et théoricien. Contrairement à ce qu’écrivent les médias occidentaux, le multipartisme existe donc et il se vérifie sur les murs et aux étalages.

5 août.

Nous sommes en plein ramadan. Dans la plupart des pays musulmans les plus liés à l’Occident, celui-ci est imposé à la population et ceux qui le refusent s’exposent à des poursuites et à des sanctions. Ainsi, l’article 222 du code pénal marocain stipule que « tout individu notoirement connu pour son appartenance à l’Islam qui rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le Ramadan est passible de un à six mois d’emprisonnement et d’une amende. », quant aux touristes, on leur conseille vivement de ne pas manger en public.

Ici, il n’en est rien. On trouve dans les rues, même devant la grande mosquée, des stands vendant des boissons, des glaces et des fruit, que l’on consomme en marchant au vu et au su de tout le monde.

J’ai dîné dans un restaurant musulman bondé de familles venues y fêter l’iftar. Les tables étaient couvertes de mezze, mais tout le monde attendait la prière avant de commencer à toucher aux mets. Voyant que j’étais étranger, le directeur est venu à ma table et m’a prié courtoisement de manger comme si de rien n’était sans me soucier de mes voisins. Ce que j’ai refusé, bien sûr, de faire. Mais l’intention, très significative, était là… Hier soir, dans un autre restaurant, les jeûneurs et les non-jeûneurs étaient accueillis dans une même salle, une partie étant réservée à ceux qui mangeaient immédiatement et l’autre à ceux qui attendaient la tombée de la nuit pour pouvoir le faire.

J’ai visité ce tantôt, en voiture, quasiment tout Damas. Pas de police, pas d’armée, pas le moindre signe de troubles politiques.

On voit à certaines fenêtres, dans certaines boutiques et sur la plage arrière de certains véhicules des photos de Bashar al-Assad, accompagnés des mots « On t’aime ! ». Il y en a trop peu pour que ce soit une opération de propagande concertée. De toute évidence, une partie de la population, dans ces moments difficiles que vit le pays, montre son soutien à son président. Ce soutien est particulièrement net dans les quartiers chrétiens et chiites, quasi-inexistant dans ceux où vivent les sunnites… Certaines affichettes de soutien sont d’ailleurs de véritables manifestes géopolitiques puisqu’on y voit côte à côte Mahmoud Ahmadinejad, Bashar al-Assad et Hassan Nasrallah. C’est l’« axe chiite » si dénoncé par le Département d’État.

6 août

Journée en pays druze, en bordure du Golan et de la Jordanie. Là encore, ni police ni armée, par contre la police de la route, munie de radars derniers cris, est très présente pour faire respecter les limitations de vitesse. Mon chauffeur m’explique que, de plus, les amendes sont envoyées au contrevenant par SMS et qu’ils ont tout intérêt à les payer sans tarder.

7 août

Visite de Palmyre. J’y suis totalement seul avec mon fils parmi les ruines. L’expérience est royale : le site est tout à nous. Le guide que j’avais réservé et qui parle un excellent français me dit que nous sommes les premiers touristes à venir ici en août alors qu’en temps normal plusieurs milliers d’étrangers y passent chaque jour.

Les gardiens ont déserté leurs fonctions et on doit leur téléphoner à leur domicile pour qu’ils viennent nous ouvrir qui une tombe, qui le remarquable temple de Baal. Ils s’excusent : « Comme personne ne vient plus, on préfère rester chez nous que cuire ici ». Il est vrai qu’il fait alors plus de 40 degrés.

8 août

Je visite Sednaia et Maloula, deux toutes petites villes chrétiennes sises à deux heures de route à l’Ouest de Damas. Il s’agit en fait de gros villages organisés autour de plusieurs monastères catholiques et orthodoxe. L’un d’entre eux est dédié à saint Bacchus et on y sert au visiteur pour l’accueillir, une piquette paradoxalement particulièrement abjecte.

Il y a dans les boutiques et sur les murs beaucoup d’affiches de soutien à Bashar al-Assad, qui témoignent une fois de plus du choix politique des chrétiens.

Quelques contrôles sur la route. Mais ils sont de pure forme. Seul mon chauffeur doit montrer sa carte d’identité. Quant à nous on ne nous demande rien et notre voiture n’est pas fouillée.

Au café internet où je me rends pour relever mes mails je constate que Facebook est accessible sans le moindre problème. Dans les kiosques, on peut acheter la presse internationale et à la télévision on capte sans mal les chaînes occidentales. Celles-ci décrivent une Syrie en état de quasi guerre civile mais leurs correspondant sont en poste à Beyrouth, pas à Damas, et leurs sources émanent en totalité de l’opposition islamiste ou américanophile. La télévision syrienne, quant à elle, évoque peu les troubles, sauf pour montrer des scène de pillage et de violence, et pour relater, photos des cadavres à l’appuie, l’assassinat de membres du Baath, avec toujours ce leitmotiv : « Et ils nomment cela des manifestations pacifiques ! ».

9 août

Damas-Homs. Aucun contrôle sur l’autoroute qui relie les deux cités. Par contre des patrouilles militaires dans la ville. Je discute, en buvant un Ugaric Cola, avec un habitant à qui je demande si la situation est vraiment dangereuse à Homs. Il me répond que non, mais qu’il faut éviter de se promener aux alentours des mosquées à la fin des prières car les islamistes y multiplient les provocations vis-à-vis de la police et de l’armée et les choses peuvent alors facilement dégénérer.

Mon chauffeur, pour sa part me déconseille formellement d’aller à Hama. « Là c’est vraiment dangereux » me dit-il. Par contre, il me propose de me conduire à Tartous ou Lattaquié, villes qu’il m’affirme totalement sûres et dont il me vante les plages et les restaurants de poisson. Mais je manque de temps pour y aller, j’aurais du prévoir quelques jours de plus.

10-11 août

Deux journées pleines à Damas.

Shopping dans les souks où je vois pour la première fois depuis mon arrivée quelques femmes en nikab.

Je discute un peu avec la population parmi laquelle les francophones sont rares. Tous me disent a peu près la même chose : « Vous voyez comme c’est calme ici. Comment vos médias peuvent-il nous présenter comme en état d’insurrection ».

L’un de mes interlocuteur est un ex-membre du Baath. Il en a été exclu pour « tiédeur »… Il ne lui en tient pas rigueur et il m’affirme que les choses ont beaucoup changé, en bien, depuis l’accession de Bashar al-Assad au pouvoir, mais il s’inquiète de l’avenir, de la montée des islamistes soutenus par les wahhabites qu’il estime être les responsables de tous les troubles du pays.

Le discours est le même chez les chrétiens avec qui je devise. Ils ne cachent pas leur peur que le régime change, que la Constitution laïque soit abolie et, que comme en Irak, elle soit remplacée par une constitution faisant référence à la charia. Ils connaissent tous des réfugiés chrétiens irakiens et sont parfaitement conscient du martyr de ceux-ci depuis la chute de Saddam Hussein. Leur soutien au régime actuel est donc, me disent-ils, total.

12 août (dans l’avion entre Londres et Damas)

Je lis dans Forward magazine (le magazine progressiste) un article de la féministe australienne Laurens Williams. Elle traite des crimes d’honneurs en Syrie et elle relève que la loi qui punit ces meurtres machistes a été récemment durcie, mais qu’elle n’a pas pu l’être autant que le souhaitait le gouvernement à cause de l’opposition forcenée des organisations islamistes locales. Des organisations dont un des principaux dirigeants, Melhem Al-Douroubi, figurait, le 4 juillet dernier, à côté de Bernard-Henri Lévy, de Bernard Kouchner, d’André Glucksman, de Frédéric Encel, de Fadéla Amara, de François Bayrou et de Dominique Sopo à la grande réunion organisée à Paris par SOS Syrie… Il est étrange qu’aucun journaliste et qu’aucune féministe n’aient alors relevé ce fait.

Sur un plan plus général, je rentre de Syrie ahuri par le niveau de propagande dont nous sommes les victimes concernant ce pays. Je ne nie pas qu’il y ait des troubles et une répression sanglante. Mais ceci est géographiquement très limité et de faible importance, et dans nos médias tout est, à l’évidence, monté en épingle par la Propaganda Staffel du Grand Occident pour renverser un État important de l’Axe du mal… Qui veut tuer son chien, l’accuse de la rage !

J’ai eu, déjà, l’occasion d’aller dans divers pays lors de périodes de crise et je peux faire des comparaison. Si je compare au Cachemire, d’il y a une dizaine d’années, lors du summum des troubles qui agitèrent cet État de l’Union indienne, tant au niveau de la présence militaire et policière que des contrôles, des brutalités constatées et que du sentiment d’insécurité vécu, on est dans un rapport de 1 pour la Syrie et de 100 pour le Cachemire… Si je compare avec l’Iran, où je fus en 2009 et où j’ai vu à Téhéran et dans d’autres villes, la répression des manifestations, de même c’est sans commune mesure. On voyait en Iran la police dans les rues, les voltigeurs en moto, les brigades anti-émeutes, et on pouvait constater qu’une partie de la population, minoritaire mais conséquente, était hostile au régime. Je n’ai pu constater rien de tel en Syrie.

Il se pose maintenant pour moi, au moment de clore ce journal de voyage, un quasi-problème de fond. Une personnalité de premier plan du mouvement national m’a reprochée publiquement, il y a quelques mois, d’être toujours du côté des maudits et a subodoré que cela pouvait être lié à un vice idéologique voire psychologique. La critique a portée et je ne peux m’empêcher de m’interroger, pourquoi une fois de plus avoir le même travers ? Tout serait si simple si, une bonne fois pour toute, j’apportais, à partir d’aujourd’hui, mon soutien à tous les mauvais coups de l’Oncle Sam, si je défendais la thèse du choc des civilisations et si je légitimais dans mes articles le néo-colonialisme sous toutes ses formes. Pourquoi ne pas écrire que la Syrie est la pire des dictatures qui soit après la Corée du Nord, que tous les Syriens que j’ai rencontré conchiaient Bashar el-Assad et leur gouvernement et que je suis convaincu que les islamiste wahhabites sont capables d’y instaurer demain une véritable démocratie ?

Pourquoi ? Oui, pourquoi ? Tout simplement parce que j’ai encore une conscience et la notion du bien et du mal. Et que, de ce fait, l’ennemi des peuples est pour moi inchangé, et qu’il porte un nom : l’Occident. En conséquence, tous ceux qui s’opposent à lui sont, quelques soient les critiques que l’on puisse porter à leur encontre, moins pires, et d’une manière ou d’une autre, des alliés objectifs pour la reconstruction d’un monde multipolaire.

Christian Bouchet

InfoSyrie

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D
<br /> <br /> Je ne doute pas de la duplicité cupide et mortifère de l'ONU, l'Otan et l'UE mais il y a bien 68.000 réfugiés syriens en Turquie, à la frontière, qui vivent dans des camps sous protection<br /> militaire turque. Alors?<br /> <br /> <br /> <br />
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R
<br /> <br /> très important ce témoignage de visu.  à diffuser, car les gens sont trop conditionnés par les "infos" trompeuses serinées par les mass-médias, qui vraiment ne sont plsu que des officines de<br /> propagande et de désinformation.<br /> <br /> <br /> <br />
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