Un premier vote, et le sketch de la dette continue
America
Vendredi soir, la Chambre à majorité républicaine a finalement approuvé le plan de léger relèvement du plafond de la dette de John Boehner, qui a réussi à convaincre assez d'élus à l'étiquette Tea Party récalcitrants pour faire passer son texte. Il permet une réévaluation du seuil de la dette à court terme, et renvoie donc le débat à dans quelques mois tout au plus. Mais à peine une heure après avoir été voté, ce texte était déjà rejeté par le Sénat à majorité démocrate... Le plan ne convainc aucun démocrate et le Sénat avait donc prévu d'amender voire de "tuer cette législation" (selon les mots du New York Times) entre vendredi à samedi. Il va donc s'ensuivre des allers-retour entre la Chambre et le Sénat... Jusqu'à ce que les élus des deux partis s'accordent sur un plan que Barack Obama accepte de signer mardi prochain.
Pour comprendre les évolutions en cours et ce qui se trame ce week-end, revenons sur les journées folles de jeudi et vendredi, la position des Tea Party et l'exaspération américaine : un court récit pour saisir ce qu'il se passe à Washington.
« Mais enfin le seul moyen de s'en sortir, c'est d'augmenter les impôts sur les hauts revenus ! », s'emportent les Américains de sensibilité démocrate qui commencent à être fatigués de ce sketch se jouant au Capitole, à Washington, autour d'une dette américaine qui n'en finit pas d'augmenter. L'intrigue étant toujours la même : démocrates et républicains vont-ils réussir à se mettre d'accord d'ici mardi 2 août sur le relèvement du niveau de la dette, histoire que le Trésor américain ne soit pas à court d'argent et histoire que le pays ne se retrouve en défaut de paiement vis-à-vis de ses créanciers (lire l'Acte 1 ici).
« Ah mais c'est hors de question ! », répondent les Américains de sensibilité républicaine et bien républicaine. Une opinion tranchée relayée par les élus affiliés au mouvement populiste Tea party fraîchement débarqués à Washington après les élections de novembre 2010, avec des manières de faire épatantes. Par exemple : mettre fin au débat parlementaire en se concentrant sur un sujet essentiel comme renommer les bureaux de poste avec des noms de victimes du 11 septembre. Puis manifester devant le capitole, un peu comme dans un seating anti-Vietnam mais à la sauce tea party donc très très simpliste au niveau du discours. Non. Ils disent juste Non.
S'il est normalement constitué, Barack Obama doit fulminer, mais il garde son calme quand il appelle une énième fois les élus, vendredi matin, à trouver un terrain d'entente sur un plan prévoyant des coupes budgétaires et une réévaluation du niveau de la dette. « Il y a des solutions (...). Ce n'est pas une situation où les deux partis sont à des kilomètres de distance », a-t-il même déclaré.
Ce n'est pas totalement faux. Les plans qui ont été proposés côté démocrate et côté républicain ne sont pas très éloignés. L'une des différences ? Le planning. La proposition du chef de la majorité démocrate au Sénat, Harry Reid, permettrait de relever le plafond de la dette jusqu'à une date fixée après les élections présidentielles de 2012. La proposition du chef de la majorité républicaine à la Chambre, John Boehner, relèverait le plafond mais de peu, ce qui aboutira à reposer le problème de la dette dans six mois, quand ce seuil sera de nouveau dépassé. Entre ces deux plans, il y avait peut-être moyen de se mettre d'accord.
Sauf qu'il y a cette bande d'énervés Tea Party qui disent non à tout. Ils veulent simplement que le budget soit drastiquement amputé, que le budget de l'Etat soit fixe et qu'on en démorde pas, comme ça il n'y a plus de problème de dépenses en trop, plus grand chose à débattre, et puis on peut jouer au golf pénard.
Cette opposition marque le début du grand n'importe quoi : personne n'est d'accord, les lignes entre les deux partis se brouillent car des sénateurs républicains supportent mal le comportement de leurs « pairs » au point de se ranger du côté démocrate, le président de la Chambre John Boehner s'énerve... Il réussit finalement à faire voter son plan vendredi soir, mais rien n'est réglé : le Sénat refuse aussi sec son texte. Nous entrons donc dans la phase numéro 2 de désaccord entre la Chambre et le Sénat. Mardi prochain, Barack Obama va-t-il avoir sous les yeux un plan qu'il accepte de signer ? Pour l'instant, ce n'est pas sûr.
Une autre option se profile donc, évoquée du bout des lèvres par certains, dont Bill Clinton : que le Président Obama invoque le 14ème amendement. Il s'agit d'une option constitutionnelle permettant au Président de décider unilatéralement d'honorer la dette en augmentant son plafond. Les journalistes et spécialistes évoquant le sujet soulignent que ce genre d'option radicale poserait sans aucun doute une série de problèmes légaux, constitutionnels et politiques. Mais le pays, toujours dans une économie fragile, a manifestement besoin de ce stock d'argent que représente la dette. Un choix unilatéral peut donc être la solution, quitte à énerver un peu plus l'électorat Tea Party et creuser ce grand écart politique et intellectuel entre les Américains.