UN TUNISIEN DE LA MISSION D'OBSERVATION ARABE EN SYRIE TÉMOIGNE Les langues se délient de plus en plus
Beaucoup de choses ont été dites autour des événements en Syrie, mais il semble bien que tout n'a pas été dit, ou dit de manière inappropriée. Ahmed Manaï, membre tunisien de la Mission d'observation arabe en Syrie, apporte son témoignage.
Démontant pièce par pièce le complot machiavélique orchestré contre la Syrie et son peuple par l'Occident avec la complicité criminelle de certains pays arabes, Ahmed Manaï, un des observateurs de la Ligue arabe, ancien expert international auprès de l'ONU, militant pour la démocratisation de la Tunisie et auteur de «Supplice tunisien: Le jardin secret du général Ben Ali», développe dans une interview accordée à l'organe de presse Nawaat, une vision complètement différente sur la crise que traverse ce pays depuis presque une année. Pour ce militant démocrate, membre tunisien envoyé par la Ligue arabe en Syrie qui n'a pas besoin d'être présenté, le veto sino-russe est un grand soulagement pour lui mais aussi pour la plupart des observateurs ayant constaté une réalité tout à fait autre que celle rapportée par une opposition soutenue par les pays du Golfe et des médias lourds, aussi bien arabes qu'occidentaux. «Une immense satisfaction pour le peuple syrien et la Syrie, leur présent et leur avenir», explique M.Manaï qui poursuit «Le veto sino-russe a sauvé un pays, berceau de la civilisation humaine et arabe, de la destruction totale à laquelle le destinaient d'autres Arabes et que les puissances de la guerre s'apprêtaient à lui faire subir». «La Syrie ne connaîtra pas, je l'espère, le sort de l'Irak si proche avec son million de morts, ses 3 millions d'orphelins, ses deux millions de veuves, ses quatre millions de réfugiés et sa société déstructurée. Il ne connaîtra pas non plus le sort incertain de la Libye déstructurée et désarticulée». C'est avec ces propos dénués de nuances que cette personnalité tunisienne exprime sa satisfaction. Une énorme satisfaction qu'il ne cherche même pas à modérer, tant le risque d'une grande déflagration était grand et il le reste encore. Selon lui, le double veto sino-russe constitue avant tout «l'affirmation de la fin d'un monde dominé par les USA et du retour à un monde binaire. Il y a une autre raison qu'a expliquée le chef de la diplomatie russe, c'est qu'il y avait une clause secrète dans cette résolution qui autorise le recours à l'intervention armée». D'après cet observateur averti, les Russes et les Chinois ont de nombreux intérêts économiques, commerciaux et stratégiques avec la Syrie et que leurs ventes d'armes, contrairement à ce que rapportent beaucoup de médias, n'en constituent qu'une infime partie. Ce que certains cercles opposés au régime syrien ne veulent pas admettre, c'est que «les Etats-Unis n'ont pas de sentiments mais des intérêts aussi», relève-t-il.
Abordant le massacre de civils ayant eu lieu dernièrement à Homs, il signe, persiste et dénonce avec un courage exemplaire. Ces massacres sont signés et leurs auteurs se moquent de notre intelligence. Est-il possible de croire un instant, qu'un gouvernement, quel qu'il soit, puisse commettre un tel massacre le jour même où son affaire est portée devant le Conseil de sécurité? En fait, il s'agit d'un coup monté dans le cadre d'une stratégie globale et concertée où sont intervenus les «militants syriens» à l'étranger pour occuper les ambassades et les consulats syriens, l'appel au renvoi des ambassadeurs syriens dans les pays arabes et bien sûr ce massacre de Homs. Et tous ceux qui ont suivi les télévisions ce jour là ont vu des photos de très nombreuses victimes. La plupart de ces victimes avaient les mains liées derrière le dos et certaines avaient le visage à même le sol. Les metteurs en scène nous ont expliqué que c'étaient les victimes des bombardements des bâtiments et des habitations par les blindés et même par l'aviation syrienne. Curieusement, ces victimes ne portaient ni blessure ni trace de l'effondrement de leurs maisons et habitations. Chacun peut en tirer les conclusions qu'il veut. En tout cas tout au long de la journée du 4 février, des citoyens syriens ont témoigné qu'ils avaient reconnu parmi ces victimes, des proches et des voisins enlevés depuis une semaine et même des mois. «Chacun peut en tirer les conclusions qu'il veut». D'après cet expert qui ne croit plus au travail effectué par la Ligue arabe complètement discréditée, selon lui, «Ceux qui croient que le départ d'un président résoudrait tous les problèmes du pays, sont tout simplement des idiots. Nous n'avons pas réussi à tirer les leçons des exemples tunisien, égyptien et yéménite et convenir que les lendemains de dictature sont souvent plus difficiles à gérer que la dictature elle-même, parce que les oppositions n'ont pas encore appris à gouverner»