Une crise de la dette en devenir au Japon?
Standard & Poor’s menace de revoir à la baisse la capacité de l’Archipel à rembourser ses dettes. Celles-ci atteindront plus du double de produit intérieur brut en 2011
Après les Etats baltes et la Grèce, c’est le nouveau film catastrophe en vogue sur les marchés. Et si le Japon finissait par ployer lui aussi sous le poids de ses dettes publiques? Mardi, l’agitation autour d’un tel scénario a été relancée par la menace de Standard & Poor’s de revoir à la baisse la capacité de l’Archipel à rembourser ses emprunts. Celle-ci est actuellement noté «AA» – la troisième meilleure sur une échelle de vingt-deux.
L’agence de notation dit s’inquiéter de la poursuite de l’envolée de ce passif, nourrie par la politique de relance du nouveau gouvernement de centre gauche. Le budget proposé pour 2010 par le cabinet de Yukio Hatoyama atteint un record de 1100 milliards de dollars – soit 20% du produit intérieur brut – ce qui le force à abandonner sa promesse électorale de plafonner les emprunts obligataires de l’Etat. Cet avertissement de Standard & Poor’s pourrait se concrétiser «si les statistiques économiques [du pays] restent faibles».
Croissance de 1,3% en 2010
Mardi, la Banque du Japon a cependant légèrement relevé sa prévision de croissance de l’activité à 1,3% sur l’année fiscale débutant le 1er avril. Afin de lutter contre la déflation qui mine le pays, la banque centrale a en outre décidé de maintenir les taux d’intérêt au niveau minimaliste de 0,1% en vigueur depuis fin 2008.
Tokyo pourrait se tourner vers des prêteurs étrangers. Mais il faudrait leur offrir bien davantage que les 1,5% d’intérêts payés actuellement, «ce qui n’est pas tenable, le service de la dette consommant déjà le tiers des nouvelles sommes empruntées» note l’économiste. Pourquoi, alors ne pas puiser dans un trésor de guerre constitué notamment de 750 milliards de dollars d’obligations d’Etat américaines? Cela financerait, au mieux, «huit mois de déficit», prévient Dylan Grice. Et mettrait, par effet domino, Washington dans une position des plus délicate.
Mais pourquoi s’inquiéter aujourd’hui de dettes publiques qui échappent à tout contrôle depuis près de 20 ans? Tout d’abord parce que les niveaux atteints ont de quoi rendre nerveux. Lundi, le Ministère des finances a averti que le total des emprunts atteindrait 10 800 milliards de dollars fin mars 2011, plus du double du PIB.
Qui prendra le relais des épargnants à la retraite?
Surtout, certaines voix commencent à pointer du doigt l’équilibre précaire sur lequel repose cet endettement: sa souscription en quasi-totalité par des investisseurs locaux, ce qui met le pays à l’abri d’une crise de la dette provoquée par un cercle vicieux de dépréciation du yen et de hausse de taux. «Ces épargnants sont de plus en plus nombreux à partir à la retraite et à puiser dans leur bas de laine, qui les remplacera pour financer les déficits?», interpelle Dylan Grice, économiste londonien de la Société Générale.
Source LeTemps.ch