Une économie américaine en ruine
« La population de Detroit a diminué de moitié. Un quart de la ville est déserté, avec seulement quelques maisons encore debout dans des rues en grande partie abandonnées, » écrit Paul Craig Roberts, qui constate amèrement que la ville qui symbolisait autrefois la puissance industrielle américaine, est en ruine, à l’image de l’économie d’un pays dont la substance a été délocalisée. Les photos illustrant cet article sont celles d’un établissement scolaire de Détroit fermé en 2008.
par Paul Craig Roberts, Counter Punch, 17 mars 2010
Au 20ème siècle, Detroit symbolisait la puissance industrielle américaine. Aujourd’hui, elle est l’image d’une économie délocalisée.
La population de Detroit a diminué de moitié. Un quart de la ville est déserté, avec seulement quelques maisons encore debout dans des rues en grande partie abandonnées. Si la municipalité parvient à se procurer des fonds à Washington, les urbanistes vont diminuer l’étendue de la ville et créer des zones rurales ou de zones vertes là où il y avait autrefois des quartiers habités.
Le président Obama et les économistes énoncent des platitudes sur la reprise. Mais comment l’économie peut-elle redémarrer lorsque, durant plus d’une décennie, ses responsables ont transféré outre-mer les emplois à productivité élevée et à forte valeur ajoutée de la classe moyenne, et du même coup le produit intérieur brut qui leur était associé ?
Le Bureau des Statistiques du Travail a publié ce mois-ci plusieurs rapports très décourageants. On a assisté à une baisse record à la fois du nombre d’emplois et des heures travaillées. À la fin de l’année dernière, l’économie américaine avait moins d’emplois qu’à la fin de 1997, il y a 12 ans de cela. Le nombre d’heures travaillées à la fin de l’année dernière était inférieur à ce qu’il était fin 1995, il y a 14 ans.
La durée de la semaine moyenne de travail est en baisse et est actuellement de 33,1 heures pour les travailleurs non cadres.
La productivité du travail, c’est à dire la production par heure travaillée, et la rémunération du travail, ont divergé considérablement au cours des dix dernières années, ce qui pose un problème majeur pour la théorie économique. Les salaires n’augmentent pas avec la productivité. L’explication réside peut-être dans les données qui la mesurent. Susan Houseman a constaté que les statistiques de productivité du travail américain pourraient être faibles en raison des salaires payés au travail délocalisé. Une entreprise américaine dont la production est partagée entre les Etats-Unis et la Chine, publie des résultats globaux de la production et de la rémunération du travail. De ce fait, les statistiques de productivité mesurent la productivité internationale du travail, et non uniquement celle du travail fourni aux USA.
Charles McMillion a noté que les coûts unitaires de main avaient en fait diminué durant l’année 2009, mais que les autres coûts ont augmenté tout au long de la décennie. La hausse de ces coûts reflète sans doute la baisse du cours du dollar et la dépendance accrue aux facteurs de production importés.
Les économistes et les responsables politiques ont tendance à faire porter le blâme pour la chute de Detroit aux directions des entreprises automobiles et aux syndicats. Mais l’industrie américaine a décliné dans tous les secteurs. L’entreprise Evergreen Solar a récemment annoncé qu’elle délocalisera la production et l’assemblage des panneaux solaires du Massachusetts en direction de la Chine.
Une étude du ministère du commerce portant sur l’industrie des machines-outils de précision a constaté que les États-Unis y tenaient le dernier rang. L’industrie américaine a une part de marché déclinante et a enregistré la plus faible augmentation de la valeur de ses exportations. Le ministère du Commerce a interrogé les utilisateurs américains de machines outils et constaté que les importations représentent 70% des achats. Certains distributeurs américains de ce type de matériel ne vendent même pas de marques nationales.
L’économie financière qui devait remplacer l’économie industrielle n’est nulle part en vue. Les États-Unis n’ont que 5 banques placées dans le top 50 mondial selon la taille des actifs. La première banque américaine, JPMorgan Chase se classe septième. L’Allemagne a 7 banques dans le top 50, et le Royaume-Uni et la France en ont chacun 6. Le Japon et la Chine ont chacun 5 banques dans ce classement, et, de petits pays comme la Suisse et les Pays-Bas en ont ensemble six dont les actifs combinés s’élèvent à 1 185 milliards de dollars de plus que ceux des 5 plus grandes banques américaines.
En outre, après la fraude perpétrée sur les produits dérivés par les banques d’affaires US sur leurs consœurs du monde entier, il n’y a aucune chance qu’un pays ait confiance dans le leadership financier américain.
Les responsables économiques et politiques américains ont utilisé leur pouvoir au service de leurs intérêts propres, au détriment du peuple américain et de ses perspectives économiques. En s’enrichissant eux-mêmes à court terme, ils ont mis à bas l’économie américaine. Les États-Unis sont en voie de devenir une économie du tiers monde.
Publication originale Counter Punch, traduction Contre Info