Vaccins H1N1 : Secret défense sur les contrats signés avec l'industrie pharmaceutiques
Publié le 29/10/2009 à 11:40 - Modifié le 29/10/2009 à 11:52 Le Point.fr
GRIPPE A
Par Christophe Labbé, Olivia Recasens et Jérôme Vincent
Roselyne Bachelot s'est rendue à l'hôpital Necker, à Paris, le 20 octobre, pour lancer la campagne de vaccination anti-grippe A
Les vaccins vont coûter 808 millions d'euros, mais le contrat reste secret. Pourquoi ?
"Vaccinez-vous, il n'y a rien à craindre." Roselyne Bachelot est tout sourire ce mardi 20 octobre, premier jour de la campagne officielle d'immunisation contre la grippe A(H1N1). Pour l'occasion, la ministre de la Santé a fait le déplacement à l'hôpital Necker à Paris, où une vingtaine de médecins reçoivent leur injection devant les caméras et une nuée de journalistes.
Depuis six mois, Roselyne Bachelot en fait des tonnes afin de justifier le chèque de 808 millions d'euros fait à quatre laboratoires pour acheter 94 millions de doses vaccinales. Des contrats signés dans la plus grande opacité. Sans que l'Assemblée nationale ni le Sénat aient leur mot à dire. L'absence de débat citoyen a provoqué un effet boomerang.
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Par Christine COURCOL
Le dispositif gouvernemental contre la grippe H1N1, avec 94 millions de vaccins commandés ferme, essuie des critiques tous azimuts telles que manque de transparence, influence disproportionnée de l'industrie pharmaceutique, mauvaise anticipation dans les hôpitaux.
Cet été, les autorités sanitaires, se souvenant du manque d'anticipation lors de la canicule de 2003, avaient signé des contrats avec des laboratoires pour 94 millions de doses de vaccins.
Des contrats, selon l'hebdomadaire Le Point, signés "dans la plus grande opacité". Avec, comme l'avait indiqué en septembre la ministre de la Santé Roselyne Bachelot, des écarts de prix conséquents : 6,25 euros la dose chez Sanofi-Pasteur, 7 euros chez GlaxoSmithKline, 9,34 euros chez Novartis et 10 euros chez Baxter -qui utilise la technique de production cellulaire, plus coûteuse.
Saisie par Le Point, la Commission d'accès aux documents administratifs a statué que ces contrats étaient "des documents administratifs soumis au droit d'accès" et que de telles informations "ont vocation à être portées à la connaissance de tous dans le cadre d'une politique de santé publique transparente".
Le ministère de la santé, assurant avoir mené sur les vaccins "une communication publique, régulière, détaillée et exhaustive", a obtempéré et indiqué que les contrats "seront transmis à toute personne morale en faisant formellement la demande". Venu les chercher jeudi après-midi au ministère, le député PS Gérard Bapt, rapporteur spécial du budget de la Sécurité sociale, est cependant revenu bredouille.
Compte tenu des 10% de doses qui devraient aller aux pays en développement, 84 millions de doses seront disponibles pour les Français. Même s'il faut deux doses (ce qui n'est pas sûr), cela représente un taux de couverture vaccinale de quelque 65%.
"Cette campagne est un gigantesque bide", assurait jeudi le député PS de Paris Jean-Marie Le Guen, pour qui il est totalement exagéré de vouloir vacciner tout le monde. Il note qu'une mauvaise communication des autorités de santé a développé la "méfiance" et la sous-vaccination des personnels les plus à risque, ce qui est "tout à fait préoccupant" et "dangereux pour la santé publique".
Selon un sondage Ifop de dimanche, seulement 17% des Français envisagent de se faire vacciner.
En a-t-on trop fait ? Jeudi, le Parisien soulignait la manne que représente pour les laboratoires pharmaceutiques cette campagne vaccinale, relevant les "liaisons parfois dangereuses entre les firmes pharmaceutiques et les pouvoirs publics".
Le quotidien citait le Groupe d'expertise et d'information sur la grippe (Geig) dont le Pr Bruno Lina, qui conseille régulièrement le ministère de la santé, est président du comité scientifique. Or, note le journal, ce groupe est "financé à 100% par les laboratoires producteurs du vaccin contre la grippe", ce qu'a confirmé jeudi un porte-parole de Sanofi-Pasteur à l'AFP.
Une autre critique s'est fait entendre par la voix de Patrick Pelloux, président de l'association des médecins urgentistes, pour qui il y a eu "un problème d'anticipation".
"Il y a une surfréquentation des services d'urgence, on est en pleine épidémie et les hôpitaux ne sont pas prêts, des lits ne sont pas ouverts car il n'y a pas de personnel", a-t-il affirmé.
Selon le Pr Gérard Chéron, de l'hôpital Necker, les vacances scolaires devraient être le vecteur de diffusion de la grippe vers les régions.
"Le vaccin, c'est la seule façon de se prémunir contre la grippe", souligne-t-il. Pour lui, "nous n'en sommes qu'à la première vague, une deuxième vague suivra, courant 2010".
Et le billet de Napakatbra
Vaccin grippe A : Entre secret d'Etat et tambouille politico-industrielle
29 octobre 2009 15:20, Les mots ont un sens, par NapakatbraLa vaccination contre le virus A-H1N1 coûtera plus d'un milliard d'euros à l'Etat. De quoi se poser quelques questions. Pourtant, le ministère de la Santé s'entête à refuser de publier les contrats signés avec les labos pharmaceutiques, de façon totalement illégale !
Le ministère de la Santé a commandé 94 millions de doses. De quoi vacciner près de 75% de la population française. Voire plus. Si le vaccin s'avère efficace en une seule dose, on pourra ainsi piquer entre 80 et 90 millions de personnes... pour un total de 65 millions d'habitants. Le principe de précaution appliqué au carré, en somme. Bénéfice maximal pour l'industrie pharmaceutique, qui a déjà touché plus de 800 millions d'euros de l'Etat dès la commande passée. Déficit record pour l'assurance maladie, qui devra débourser 1,5 milliard d'euros (frais annexes compris). 22 fois plus que pour la grippe saisonnière, qui tue pourtant 5 000 personnes tous les ans, en France, et 300 000 dans le monde.
Secret dépense
Devant tant de cachotteries, Le Point a cherché à en savoir plus, notamment en tentant de se procurer les contrats signés entre labos pharmaceutiques et l'Etat. Impossible, au nom de la sacro-sainte "protection des intérêts essentiels de l'Etat", selon le ministère de la Santé. Le journal a donc saisi la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA), laquelle a démonté les arguments avancés par les équipes de Roselyne Bachelot et a rendu un "avis favorable". Problème : la CADA n'ayant elle-même pas réussi à consulter les dossiers incriminés, ceux-ci restent désespérément introuvables.
Liaisons dangereuses
D'autant que Le Parisien revient, dans son édition du jour, sur un sujet ô combien gênant, à savoir les "liaisons parfois dangereuses" qui peuvent exister entre les firmes pharmaceutiques et les pouvoirs publics. Ainsi, le président du comité scientifique du Groupe d'expertise et d'information sur la grippe (GEIG) est un des experts officiels du ministère de la Santé alors que son groupe est financé à 100% par les laboratoires producteurs du vaccin contre la grippe. Un exemple parmi tant d'autres, recensés par le docteur Marc Girard, professeur de médecine et auteur d'"Alertes grippales", un livre qui détaille justement ces conflits d'intérêts.
On nous cache tout on ne nous dit rien ?
(Article publié sur le site "Les mots ont un sens")
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Encore un grand merci à mon amie Pat