Fumeurs : la coalition anti-prohibition (non-mais...!!!)
Il est interdit d’interdire… de fumer. Ce pourrait être le slogan de The International Coalition Against Prohibition (TICAP), une organisation internationale créée en 2007 pour combattre la prohibition, après que différents pays ont décidé d’inscrire dans la loi l’interdiction de fumer dans les lieux publics, restaurants et bars-tabac.
Gare aux gouvernements envahissants : la résistance devient tendance. Au-delà des mouvements français d’opposants à la mise en application du décret anti-tabac (Lire ou relire dans Bakchich : Les fumeurs entrent en résistance), de nouvelles organisations internationales tentent de faire entendre leur voix. Le sujet ? Une star, celle qui déchaîne les passions : la cigarette. Mais des militants dans le monde prétendent aller plus loin, combattre la prohibition et défendre les libertés individuelles.
La TICAP, pour The International Coalition Against Prohibition, a vu le jour à bord d’un vieux voilier amarré dans le port de Hoorn, en Hollande. Après deux jours d’un sommet qui s’est tenu les 2 et 3 mai 2008, les représentants de 13 associations européennes, américaines et canadiennes ont signé le Traité de l’Aldebaran. Elles sont réunies « dans un effort solidaire contre les interdictions de fumer et autres prohibitions en devenir ». L’idée de créer un mouvement international est née en 2007 lors du procès de Hamish Howitt, patron de bar écossais poursuivi en justice pour avoir refusé d’interdire à ses clients de fumer. Diverses associations ont jugé que l’enjeu de la prohibition était global, que l’ingérence des gouvernements dans les comportements individuels prenait des proportions trop importantes et qu’ils feraient mieux entendre leur voix à plusieurs.
La TICAP ne se revendique d’aucune appartenance politique – mais certains membres britanniques sont proches du parti de l’indépendance du Royaume-Uni (UKIP). La coalition veut défendre la liberté de choix, récuse l’Etat nourricier, qui « traite les adultes comme des enfants » et la société hygiéniste. Et dénonce des magouilles entre l’industrie pharmaceutique et la santé publique. Gian Turci, hôte du Sommet de l’Aldebaran, explique : « il ne se passe pas une semaine sans qu’éclate un scandale de corruption pharmaceutique qui implique les autorités de santé. Rien qu’en Italie, il y en a eu trois [en avril 2008] ». La TICAP a pour ambition de fournir des informations nouvelles, notamment sur les thématiques tabac, alcool, alimentation, et de travailler avec des scientifiques. Bref, elle prétend devenir une nouvelle source pour les journalistes.
Au Canada, le groupe Citoyens Anti Gouvernement Envahissant (C.A.G.E.) a rejoint la TICAP à la fin du mois de mai. Iro Cyr, sa vice-présidente, explique « C.A.G.E. est résolument contre les méthodes coercitives pour le bien-être des citoyens mais est en faveur et encourage même une éducation honnête de la part des gouvernants ». Son association, née en 2004, « se concentre sur l’enjeu du tabac, suivi de près par l’obésité », car les fumeurs et les personnes obèses sont les deux types de populations les plus « stigmatisées et isolées en raison de leurs choix de vie ». Pour elle, « il y a de quoi s’alarmer devant la perspective qu’on peut arriver à exercer un contrôle total des citoyens (…) au nom d’une longévité pour laquelle il n’existe aucune garantie ». Le co-fondateur de C.A.G.E. est intolérant à la fumée, mais il a épousé cette cause au nom de la défense des libertés individuelles. Gian Turci réprouve l’alcool sous toutes ses formes, « même dans les gâteaux », mais souhaite se battre pour que chacun puisse être libre d’en consommer. Santé !
Problème, le discours est moins digeste quand il appelle « fascistes » les Etats où les décrets anti-tabac sont mis en application et multiplie les parallèles avec le régime nazi. Gian Turci signe d’ailleurs un article intitulé « Pourquoi le traité de l’Aldebaran est important : quelques observations personnelles ». Selon lui, le fait de « coopérer avec les autorités de santé est l’équivalent moderne de la collaboration avec l’envahisseur nazi ». Il est de toute façon trop tard pour négocier : petites-organisations-de-défense-des-libertés versus grosse-industrie-pharmaceutique-et-puissance-gouvernante, le match est perdu d’avance. En bref, il faut détruire et refondre totalement les autorités et politiques de santé publique pour qu’elles soient à nouveau au service des citoyens.
Quant à savoir si la TICAP est représentative d’un nombre important de militants ou d’adhérents, rien n’est moins simple. La notoriété de chacune de ces associations membres se mesure en nombre de visites sur leurs sites ; Freedom to Choose enregistre, selon John Gray, l’un de ses membres, 2 à 3 millions de clics par an, Forces International, 24 millions. On saura que Forces USA (Fight Ordinance and Restrictions to Control and Eliminate Smoking) compte plusieurs milliers de membres payants, Forces Italy plusieurs centaines, et l’organisation canadienne My Choice, 43 000 membres.
John Gray s’emploie à donner à la TICAP une existence légale et juridique. Il faudrait aussi harmoniser le propos. Car les discours vont de la plus rafraîchissante volonté de défendre les libertés individuelles à un militantisme toxique. Prochaine étape ? La tenue de la première Conférence internationale anti-prohibition à l’automne 2008 ou au début
de l’année 2009. Les participants pourront manger, fumer et trinquer.
http://www.bakchich.info/article4165.html