Gaza : les conséquences d’un an de bouclage

Publié le par sceptix

vendredi 29 août 2008 - 06h:03

Oxfam International


Au début du mois d’août 2008, une équipe d’Oxfam International a rejoint quatre de ses partenaires dans la bande de Gaza, parmi lesquels PMRS et PARC, partenaires d’Oxfam-Solidarité. Ils y ont évalué l’impact de douze mois de bouclage israélien. Les conséquences sont particulièrement lourdes. Compte-rendu.

 

La bande de Gaza au coeur de l’été. D’un point de vue climatique, plus chaud que jamais. Mais lorsque l’on se remémore l’intensité des deux derniers étés sur le plan politique, celui de 2008 semble un peu plus calme. Des rumeurs évoquant une possible attaque d’Israël sur Gaza provoquent cependant l’inquiétude de la population. Malgré des violations de chaque côté, la trêve sur laquelle sont tombés d’accord le Hamas et Israël reste pourtant en vigueur et redonne a beaucoup l’espoir d’un retour à une vie normale.

Depuis le bouclage complet de la bande de Gaza il y a un an - et la décision israélienne d’enfermer 1,5 million d’habitants sur le petit territoire - cette notion de « normalité » a dû être redéfinie à plusieurs reprises. D’ailleurs, qu’est-ce qui est normal ? Les standards de vie antérieurs à juin 2007 ? Le fait d’avoir accès au gaz pour cuisiner... ou de fouiller les déchets pour y trouver quelque chose à brûler ? Se mettre à la recherche d’un emploi de journalier sous-payé après des mois de chômage ? Aujourd’hui, certains affirment que la seule normalité est celle de l’adaptation et de la survie.

« Faire plus avec moins », selon l’expression consacrée. Lorsqu’Oxfam International se réunit avec quatre de ses partenaires à Gaza pour évaluer l’impact de douze mois de blocus sur leur travail, c’est l’envie de poursuivre ce travail qui s’impose immédiatement. Ils veulent voir l’ouverture des points de passage et reprendre une vie normale. Leur persévérance et leur capacité à surmonter les obstacles est une véritable leçon.

Soigner à Gaza

Les statistiques de la santé sur ces douze derniers mois présentent quelques tendances inquiétantes qui ne sont pas passées inaperçues aux yeux du Palestinian Medical Relief Society (PMRS) - organisation partenaire d’Oxfam International et d’Oxfam-Solidarité. En raison du blocus, de moins en moins de patients gazaouis reçoivent l’autorisation de se faire soigner en Israël. Un besoin croissant en médicaments se fait sentir, les cas d’anémie augmentent dangereusement chez les enfants et les standards de vie baissent globalement.

Abdel Hadi Abu Kussa est actif au sein de PMRS depuis sa création en 1979. L’organisation voulait réagir au caractère délabré et inadéquat des infrastructures de santé causé par l’occupation militaire prolongée d’Israël. Au bout de tant d’années de service, il peut témoigner de la crise que traverse actuellement la population de Gaza.

Abdel Hadi Abu Kussa du PMRS (JPG)

« En raison d’une pauvreté croissante et d’un manque de moyens à disposition de l’autorité pour mettre sur pied un service de santé organisé, les gens viennent vers nous pour obtenir une assistance médicale », explique Abu Kussa. « Nous maintenons les honoraires très bas pour les gens que nous recevons, car ce sont souvent les plus pauvres qui s’adressent à nous. Récemment, nous avons encore dû baisser les prix car certains patients ne parvenaient même plus à payer les 5 NIS (New Israeli Shekel, l’équivalent de 0,75 euros) pour se procurer leurs médicaments. Tous les médicaments coûtent aujourd’hui 2 NIS (0,30 euros) et, honnêtement, on en distribue une majeure partie gratuitement ».

Avec un taux de chômage qui frôle les 40% dans la bande de Gaza et 50% des ménages qui vivent sous le seuil de pauvreté, il reste très peu d’argent à consacrer aux soins de santé et, dans certains cas, à la nourriture. « Une autre tendance inquiétante est la recrudescence des cas d’anémie chez les femmes enceintes et les enfants de Gaza », poursuit Abu Kussa. « On estime que dans les communautés où nous sommes actifs, 70% des enfants présentent des symptômes d’anémie faible ou sévère ».

Il secoue la tête : « Nous devons inviter les gens à venir voir de leurs propres yeux ce qui se passe en Palestine. Le gouvernement israélien actuel ne va pas favoriser la paix, tu sais. Israéliens et palestiniens se battent depuis longtemps. Les deux camps y perdent. Il est peut-être temps d’apprendre à vivre en paix côte à côte ».

Planter des semences

« La situation actuelle a des répercussions sur tous les aspects de la vie des Gazaouis », constate Fadi Al Hindi, du Ma’an Development Center. « Nous ne pouvons rien planifier pour l’avenir. Les gens n’ont plus l’impression d’avoir leur destin en main. »

(JPG)

Pour cette organisation, l’instauration du blocus s’est traduite par un glissement des activités de développement agricole vers des actions d’aide humanitaire. « Nous ne pouvons faire que ce que nos moyens nous permettent. Il nous faut davantage d’argent pour payer le carburant et les autres produits dont le prix ne cesse de s’accroître. Tout cela a un impact direct sur les bénéficiaires que nous aidons », explique Fadi. « Dans la plupart des cas, le coût des matériaux requis pour mettre en place nos projets s’est accru de 50 à 150% », poursuit-il. « La situation est encore plus grave pour les autres produits. L’année passée, un sac de ciment de 50 kilos coûtait entre 20 et 25 NIS (3 à 3,8 euros). Aujourd’hui, le même sac revient à 400 NIS. Il y a un an, c’est ce que nous payions pour une tonne, pas pour 50 kilos ! »

PARC (Palestinian Agricultural Relief Committees), un partenaire d’Oxfam-Solidarité, fait lui aussi face à d’importants problèmes pour importer les matériaux nécessaires à la réhabilitation des routes agricoles et à la délimitation des parcelles. « Nous ne pouvons disposer de palissades en métal », explique Ahmad Sourani, le directeur des relations extérieures de PARC à Gaza. « Nous avons donc décidé de revenir à une approche plus traditionnelle et de délimiter les parcelles par de petits arbres. Nous encourageons aussi les paysans à utiliser leurs semences de façon très précautionneuse car nous ne savons jamais si le gouvernement israélien en laissera entrer d’ici à la prochaine saison des semis... »

A cause du peu de moyens à disposition dans la bande de Gaza et de la réduction constante des terres cultivables (due à l’extension de la zone tampon le long du mur entourant Gaza), tous les soutiens s’avèrent utiles pour les paysans. « Nous achetons des marchandises aux agriculteurs locaux, explique Sourani, et nous les redistribuons ensuite aux familles dans le besoin. Cela donne de l’espoir aux paysans et les encourage à poursuivre l’exploitation de leurs terres. Si les agriculteurs commençaient à vendre leurs récoltes à bas prix, ils finiraient par déposer le bilan et quitteraient leurs terres. Nous devons donc veiller à ce qu’ils touchent un prix équitable pour leurs produits. C’est essentiel pour notre sécurité alimentaire. »

Combattre les violations des droits

Bien que la situation soit souvent tendue pour lui et pour ses collègues sur le terrain, Jaber Wishah - du Palestinian Center for Human Rights (PCHR) - accepte tout de suite que l’interview soit rendue publique, y compris son nom. « Il faut parler des violations des droits humains en Palestine, quel que soit l’auteur de ces violations : Israël, le Hamas ou le Fatah. C’est exactement ce que fait le PCHR : nous agissons en faveur des victimes ». A cause de cela, Jaber et son équipe ont déjà été confrontés à des actes d’intimidation. Mais ils n’abandonnent pas pour autant leur lutte contre les violations des droits humains.

Selon Jaber, le plus grand danger pour Gaza porte aujourd’hui sur l’incertitude politique, sociale et économique. « Pour résoudre la situation, il faut partir du point de vue de la population. Il faut tenir compte de l’insécurité vécue par les Gazaouis et mettre tout en œuvre pour leur redonner espoir. Ils doivent pouvoir être rassurés sur le fait que les salaires seront bel et bien payés le mois prochain, que les écoles seront ouvertes et sûres, qu’ils auront droit à un procès juste s’ils se rendent devant les tribunaux. »

« Nous devons être prudents lorsque nous accusons quelqu’un de violation des droits humains. Mais nous ne devons surtout pas avoir peur. Nous devons tout documenter et disposer de sources solides, mais nous ne devons pas être effrayés à l’idée de parler. », poursuit Jaber.

Les partenaires d’Oxfam International savent qu’une amélioration de la situation à Gaza est à portée de la main. « Mais pour cela, nous devons convaincre les responsables que la politique doit être déterminée par les intérêts du peuple, et non le contraire », conclut Ahmad Sourani.

(Photos : Oxfam GB)

 

 

26 août 2008 - Oxfam International - Vous pouvez consulter cet article à :
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