AFGHANISTAN : LES ERREURS SUCCEDENT AUX ERREURS (Chevènement)

Publié le par sceptix

Kouchner/Morin reprenent exactement les mêmes points de propagande efficace que les De Gucht/De Crem dans leur Carte Blanche : se concentrer d'une part sur le thème de la délivrance de l'obscurantisme qu'apporterait l'Occident aux Afghans, et singulièrement aux Afghanes, et d'autre part sur le thème de nécessité de protéger nos propres pays du terrorisme. Ca marche encore bien, mais de moins en moins...

R. Manourek Alerte Otan
Belgique: Réunion parlementaire (à huis clos) houleuse sur l'Afghanistan et parlementaires déçus par De Crem
Afghanistan : le sens de notre engagement, par Bernard Koucher et Hervé Morin
Chevènement : «Les erreurs succèdent aux erreurs»
Pour les Afghans, les forces de l'OTAN sont une armée d'occupation
L'Afghanistan va renégocier le mandat des forces internationales
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Afghanistan: réunion houleuse et parlementaires déçus par De Crem
RTL, 29 août
 
Les parlementaires n'ont rien appris vendredi du ministre de la Défense Pieter De Crem à propos des règles d'engagement de quatre F16 belges dans le sud de l'Afghanistan, a-t-on appris à diverses sources. La Commission sénatoriale spéciale de suivi des missions à l'étranger étendue à une délégation de la Chambre s'est réunie vendredi, à huis clos.
 
Selon différents parlementaires présents, le débat a tourné court et la discussion a été particulièrement tendue entre plusieurs membres tant de l'opposition que de la majorité et le ministre de la Défense. "M. De Crem fait de la musculation pour plaire à l'Otan", a commenté un député de la majorité. Les réponses fournies sur d'autres points ont manqué de précisions, a commenté un autre membre de la majorité tandis qu'un troisième se disait "très déçu". "M. De Crem a fait un exposé décousu et confus. Il semblait très mal préparé. Il a été franchement mauvais. J'ai été très déçu", commentait ce membre. Dans l'opposition, on disait avoir assisté au balcon à ce pugilat. "Un vrai bordel", s'est exclamé un autre parlementaire déçu de n'avoir rien appris.
 
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Afghanistan : le sens de notre engagement, par Bernard Koucher et Hervé Morin
LE MONDE | 29.08.08
 
Les ministres des Affaires étrangères et de la Défense, qui avaient manifesté leur désaccord sur l'emploi du mot "guerre" à propos des opérations en Afghanistan lors de leur audition à l'Assemblée nationale mardi, , signent une tribune commune dans "Le Monde".
 
Le 18 août, dix soldats français sont morts en Afghanistan. Comme d'autres avant eux, ils sont tombés pour une certaine idée de la dignité humaine et de la liberté à laquelle la majorité du peuple afghan aspire. Tombés pour qu'il n'y ait plus de 11-Septembre ou d'autres attentats majeurs frappant nos démocraties. En quittant la France, ils étaient conscients des risques de leur mission. Ils y étaient prêts : comme tous leurs camarades, ils avaient suivi une formation longue de six mois spécifique à cette mission, ils étaient aguerris, équipés et entraînés pour faire face aux situations les plus extrêmes. Ils savaient que pour réussir une mission de paix, il faut parfois mener des opérations de guerre.
 
Notre détermination, rappelée avec fermeté mercredi par le président de la République, sera la réponse à nos adversaires. Nous livrons en Afghanistan un combat pour défendre ce que nous avons de plus précieux : nos valeurs, notre sécurité et aussi une solidarité indispensable avec nos alliés. Et nous le faisons sous l'autorité du Conseil de sécurité des Nations unies, à la demande du gouvernement afghan démocratiquement élu.
 
Ce qui est en jeu, ce sont d'abord nos valeurs. De 1996 à 2001, une dictature barbare, le régime des talibans, coupait l'Afghanistan du reste du monde. La dignité de la femme y était bafouée, les droits de l'homme inexistants, l'obscurantisme et la terreur omniprésents. Sous ce régime, les femmes n'étaient ni scolarisées ni soignées, les opposants étaient pendus dans les stades, la culture et la civilisation du pays reniées.
 
Nous nous battons pour offrir au peuple afghan des conditions de vie acceptables : égalité, justice, recul de l'arbitraire et de la violence. Nous voulons leur apporter cette sécurité nécessaire au développement et permettre aux enfants d'avoir un avenir – c'est-à-dire d'être éduqués et soignés.
 
Ce qui se joue en Afghanistan, ce sont aussi nos intérêts de sécurité. En démontrant ensemble que nous ne cédons pas à la force, que nous ne reculons pas devant Al-Qaida, nous montrons au monde entier que le terrorisme ne gagnera pas. Partir, ce serait donner la plus belle des victoires au djihadisme international : celle de la propagande et de la création d'un sanctuaire qui deviendrait inexpugnable.
 
Le terrorisme et le crime se confondent en Afghanistan comme ailleurs. Ici, c'est la production d'opium qui finance les opérations, ajoutant un fléau à la menace. Là encore le combat sera long et difficile. Les Nations unies viennent d'annoncer de premiers résultats positifs, avec une réduction de la production d'opium. C'est une évolution positive et insuffisante.
 
LA SOLUTION NE SERA PAS SEULEMENT MILITAIRE
 
En Afghanistan, il s'agit enfin de solidarité. Souvenons-nous que lorsque nous sommes entrés en Afghanistan, avec nos alliés, après le 11 septembre 2001, il s'agissait de chasser du pouvoir un régime qui avait accueilli sur son territoire des forces terroristes entraînées et équipées pour frapper l'un des nôtres. Nous avons, ensemble, adressé un message clair aux régimes complaisants avec le terrorisme : il n'y a plus d'impunité pour ceux qui frappent au cœur l'un d'entre nous.
 
C'est la même lutte contre le terrorisme qui se poursuit aujourd'hui en Afghanistan. Nous sommes tous, solidairement, l'objet de cette menace terroriste. C'est tous ensemble que nous y répondons. Il est vital que nous poursuivions en Afghanistan, face à notre adversaire, notre démonstration de solidarité dans la durée : 50 000 hommes de la Force internationale d'assistance et de sécurité représentant 40 nations se battent ensemble aux côtés de l'armée afghane. Vingt-cinq des 27 membres de l'Union européenne sont présents. La France, avec 3 000 hommes, quatrième contributeur derrière les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l'Allemagne, joue pleinement son rôle.
 
La solution ne sera pas seulement militaire. Notre objectif est clair : donner aux Afghans toutes leurs responsabilités dans leur pays. Là-bas, nous ne sommes pas en guerre contre quiconque : nous construisons la paix. Cela se fera à travers la prise en charge progressive par les Afghans de leurs responsabilités de sécurité. C'est une des conditions que le président de la République avait mises au renforcement de notre dispositif avant le sommet de l'Alliance, à Bucarest. Il n'y a pas d'autre choix.
 
C'est pour cela que la coalition a engagé un ambitieux programme de formation des forces de sécurité afghanes. L'armée nationale afghane compte ainsi aujourd'hui plus de 50 000 hommes. Elle participe à la majeure partie de nos opérations. Depuis hier, elle est responsable de la sécurité de Kaboul. Mais cela nécessite un engagement solidaire dans la durée. Nous partirons, mais donner une date à ce départ n'aurait aucun sens. Nos adversaires doivent savoir que nous resterons aussi longtemps que cela sera nécessaire pour atteindre notre objectif.
 
Ce n'est pas une victoire militaire que nous recherchons en Afghanistan, mais la création des conditions qui permettront au gouvernement et au peuple afghans de prendre en main leur destin. C'est une approche globale, civile et militaire que nous avons souhaitée et que nous mettons en œuvre. La France, pour sa part, a doublé son aide civile et a organisé en juin dernier, à Paris, une conférence internationale de soutien à l'Afghanistan à laquelle ont participé plus de 80 délégations, qui a réuni 20 milliards de dollars d'aide pour la reconstruction du pays. Cette conférence a surtout permis de donner un cadre stratégique au partenariat entre l'Afghanistan et la communauté internationale.
 
N'ignorons pas les progrès accomplis en matière de reconstruction et de développement. La coalition a construit des routes et des canaux d'irrigation, elle a creusé des puits. Elle a fait baisser de 26 % la mortalité infantile. Le nombre d'enfants scolarisés est passé de moins de 1 million à plus de 6 millions en six ans, dont 2,5 millions de filles. Il n'y en avait aucune en 2001. 80 % de la population a accès aux soins. Ils étaient 8 % en 2001. Des élections libres et démocratiques ont eu lieu, où pour la première fois les femmes étaient appelées aux urnes.
 
Mais ne nous leurrons pas, le chemin à parcourir est long : les structures administratives sont toujours gangrenées par la corruption; la police afghane est encore loin d'être fiable; l'Afghanistan est de loin le premier producteur mondial d'héroïne; le rôle ambigu joué par ses voisins, en particulier le Pakistan, nécessite une pression internationale accrue dans les mois à venir.
 
Les résultats obtenus ne sont pas un motif de satisfaction, mais un encouragement à persévérer. Renoncer aujourd'hui en Afghanistan, ce serait abandonner le peuple afghan et nos alliés, ce serait renoncer à nos valeurs, ce serait donner une victoire aux terroristes qui menacent notre territoire et nos concitoyens. Nous quitterons l'Afghanistan dès que nos amis afghans n'auront plus besoin de nous.
 
Bernard Kouchner, Ministre des affaires étrangères et européennes; Hervé Morin, Ministre de la défense
 
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Chevènement : «Les erreurs succèdent aux erreurs»
Le Parisien
Propos recueillis par Eric Hacquemand | 26.08.2008
http://www.leparisien.fr/politique/chevenement-les-erreurs-succedent-aux-erreurs-26-08-2008-174054.php
 
ENTRETIEN EXCLUSIF. Sur le dossier afghan, Jean-Pierre Chevènement reproche à Nicolas Sarkozy d'avoir «cédé à la pression de l'administration américaine». L'ancien ministre de la Défense, président du Mouvement républicain et citoyen (MRC) , se prononce en faveur d'un désengagement progressif , mené en concertation avec la communauté internationale dans le cadre de l'ONU.
 
La mort de dix soldats français marque-t-elle l'échec de la politique suivie par Nicolas Sarkozy en Afghanistan ?
Jean-Pierre-Chevènement. Je compatis d'abord à la douleur des familles. Depuis huit ans, les erreurs succèdent aux erreurs. L'administration de George Bush a pollué le dossier afghan dès le départ. D'abord en consacrant l'essentiel de ses forces, 140 000 hommes, à l'invasion de l'Irak et seulement 8 000 en Afghanistan. Et d'autre part en créant les conditions d'un conflit de civilisations. Son concept de «guerre contre la terreur» est beaucoup trop flou. Il confond Al-Qaïda et l'ethnie pachtoune dominante en Afghanistan. Or, Nicolas Sarkozy a cédé à la pression de l'administration américaine. Son alignement l'a conduit à renforcer notre contingent militaire au détriment de notre sécurité globale.
 
La responsabilité du commandement militaire dans la préparation de cette patrouille est-elle en cause ?
Un général français, le général Stollsteiner, a déploré un excès de confiance. La protection de nos soldats a été gravement déficiente. La clarté doit être faite.
 
Etes vous favorable au retrait des militaires français ?
Dans l'immédiat, nos troupes devraient être cantonnées dans un rôle d'instruction de l'armée afghane. Notre rôle est seulement d'aider l'Afghanistan à devenir un Etat indépendant. Le désengagement dépend d'une équation plus générale qui inclut le Pakistan aujourd'hui gravement déstabilisé. Ce retrait progressif mérite une concertation internationale approfondie dans le cadre de l'ONU, y compris avec la Russie et la Chine.
 
Le ministre de la Défense, Hervé Morin, se dit prêt à envoyer des troupes spéciales pour améliorer le renseignement...
Cela signifierait un engagement toujours plus prononcé de la France sur le terrain militaire. Le contraire de ce que je préconise.
 
Même si, comme le dit Nicolas Sarkozy, cela signifie «laisser les barbares triompher» ?
On n'exporte pas nos valeurs à la pointe des baïonnettes ! On ne fait pas passer l'Afghanistan du Moyen-Age au XXIe siècle à coups de bombes téléguidées. Faut-il rappeler que les Russes, les Britanniques, puis les Soviétiques se sont cassés les dents dans cette partie du monde ? Seul le dialogue des cultures et des civilisations fonctionne. Même si cela exige de la patience.
 
La gauche doit-elle s'unir sur la question du retrait ?
Sur la base d'un désengagement progressif menée en concertation, la gauche gouvernementale pourrait parler d'une même voix. Pour cela, le PS doit rapidement clarifier sa position.
 
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Point de vue
Pour les Afghans, les forces de l'OTAN sont une armée d'occupation
Gérard Fussman
LE MONDE | 29.08.08
 
L'embuscade qui a coûté la vie à dix soldats français a rappelé aux Français que l'Afghanistan était toujours en guerre, sept ans après l'intervention des troupes américaines censées le libérer du joug des talibans, et qu'elles ont effectivement libéré de celui-ci.
 
L'embuscade a été tendue sur une route très fréquentée dans l'Antiquité. Depuis la construction de la route de Peshawar à Kaboul par Sarobi (le Zaroubi des dépêches d'agence) et les gorges du Tang-i Garu, c'est-à-dire depuis près d'un siècle, c'est une route de caravanes. Quand nos soldats y patrouillent, c'est pour protéger le flanc est de la grande base américaine de Begram, qui protège Kaboul et sur laquelle débouche cette route. Mais dire aux citoyens français quelle est la vraie mission de nos troupes à Özbin n'est pas inutile.
 
La patrouille a été surprise. Les commentateurs militaires nous disent que c'est faute de reconnaissance aérienne et qu'il faudrait des soldats des forces spéciales pour recueillir davantage d'informations. Mais il y a là de nombreux villages, peuplés de gens parlant pachaï ou/et pachto. Au bout de sept ans, sommes-nous si impopulaires que ceux-ci ne livrent aucun renseignement aux troupes venues les libérer ? La vallée d'Özbin est fort proche de la vallée du Panchir, fief du commandant Massoud, dont les héritiers spirituels sont au pouvoir à Kaboul. Même les Panchiris ne soutiennent plus les troupes de l'OTAN ?
 
La situation est-elle si désespérée qu'on ne puisse patrouiller sur cette route sans mettre en oeuvre une centaine d'hommes au moins et de nombreux blindés ?
 
La réalité est que les troupes de l'OTAN sont dans une situation pire que les troupes soviétiques. Les Soviétiques tenaient contre le monde entier. Le Pakistan, les pays du Golfe, l'Arabie saoudite, les Etats-Unis d'Amérique et, bien sûr, la France aidaient les "combattants de la liberté". Les talibans, les héritiers de ces "combattants de la liberté" et parfois conduits par les mêmes chefs (Gulbuddin Hekmatyar), sont théoriquement seuls au monde, condamnés même par les Etats issus de la disparition de l'URSS et les Etats à majorité musulmane. Mais les troupes de l'OTAN ne contrôlent pas plus l'Afghanistan que ne le faisaient les Soviétiques.
 
La raison en est simple : elles se conduisent et sont perçues comme une armée d'occupation. Les images diffusées après l'embuscade d'Özbin rappellent à ma génération les images des combats en Algérie. A Kaboul, l'ambassade des Etats-Unis et quartier général des forces de l'OTAN est une forteresse protégée par de hauts murs, des sacs de terre, et en première ligne de la chair à canon : des soldats afghans armés d'une simple kalachnikov.
 
Quand une patrouille américaine en sort, les soldats sont en tenue de camouflage comme s'ils partaient en expédition dans la jungle. Mieux vaut ne pas suivre une de leurs voitures, et encore moins une voiture des "mercenaires civils" nombreux en Afghanistan : ils n'hésitent pas à tirer sans avertissement dès qu'ils se croient menacés.
 
Quant aux coopérants civils, ils ne sortent pas de leur quartier aux murs hérissés de barbelés. S'ils circulent en ville, c'est dans des 4 × 4 aux vitres teintées, blindés souvent, et hérissés d'antennes. Leur salaire est sans commune mesure avec le salaire d'un Afghan moyen et leur prétention vis-à-vis des Afghans qui travaillent avec eux incommensurable.
 
Comment veut-on que les Afghans ne se sentent pas dans un pays occupé ? Comment veut-on qu'ils ne se sentent pas plus proches des combattants qui vivent comme eux et qui meurent pour une foi qui est la leur que d'étrangers dont ils ne voient que les armes, les gilets pare-balles, les blindés et les bombardements ? Comment veut-on qu'ils se sentent proches d'un gouvernement théoriquement élu, en fait héritiers d'un commandant Massoud haï par les Hazaras et à Kaboul pour les massacres qu'il y a commis, haï par les Pachtounes parce qu'il n'était pas pachtoune et qu'à leurs yeux il a usurpé le pouvoir ?
 
AGIR AUPRÈS DES AMÉRICAINS
 
Ce n'est pas que la présence occidentale n'ait pas été bénéfique : réparation des routes, développement du commerce, ouverture de très nombreuses écoles (dont personne ne sait ce qu'on y enseigne), dévouement de médecins et de certaines ONG, une assez grande liberté d'expression, pourvu qu'on ne parle pas d'islam... Mais tout cela est effacé par la très grande pauvreté de la majeure partie de la population, que le pays, même en état de paix, serait incapable de nourrir, et par le sentiment d'être occupé par des étrangers.
 
Les troupes françaises en Afghanistan sont ce que jadis on appelait des troupes coloniales. Les Britanniques se sont installés à Maiwand : pure provocation dans un pays qui enseignait à tous ses enfants que la destruction d'une armée britannique à Maiwand en 1880 était la fierté de la nation afghane. Pire, ces occupants sont des non-musulmans, et manifestement aucun pays musulman ne s'est rangé à leurs côtés. Aucun n'a envoyé de troupes en Afghanistan pour soutenir les Etats-Unis, même ceux qui n'ont rien à leur refuser : Arabie saoudite, Jordanie, Egypte, Nigeria. Nous envoyons des Mirage à Kandahar, mais aucun de ceux que nous avons vendus aux pays du Golfe n'y est en opérations.
 
Ce serait un crime de quitter l'Afghanistan. Il y a à Kaboul des Afghans qui se battent pour survivre, des gens qui ont cru en notre parole. On ne peut laisser revenir au pouvoir ceux qui interdisent aux femmes l'accès des écoles et des dispensaires et lapident les femmes adultères, pour qui l'éducation se résume à l'apprentissage par coeur du Coran. Mais il ne faut pas se dissimuler qu'ils ont l'appui de la population mâle, qui dans sa grande majorité partage les mêmes idées, et à qui aucune perspective n'est offerte, sauf celle d'un retrait prévisible, à terme, des troupes occidentales.
 
Ce n'est pas à un historien de dire aux politiques ce qu'ils doivent faire. Mais pour battre les talibans, il faut d'abord les couper de la population. Cela implique que les troupes occidentales se fassent discrètes dans leur action, que les Afghans aient au moins l'impression d'être maîtres chez eux, et que l'idéologie des talibans soit combattue, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Tout cela dépend des Etats-Unis : militairement, économiquement, politiquement, nous ne sommes que leurs supplétifs. C'est auprès d'eux que nous devons agir.
 
Gérard Fussman, professeur au Collège de France
Article paru dans l'édition du 30.08.08.
 
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L'Afghanistan va renégocier le mandat des forces internationales
 
AFP/VNA/CVN
(27/08/2008)
 
Le gouvernement afghan a annoncé lundi qu'il souhaitait renégocier les termes de la présence des forces internationales en Afghanistan, après une série de frappes aériennes meurtrières de la coalition.
 
Les principaux responsables afghans, le président Hamid Karzaï en tête, lancent depuis des mois des appels à la prudence aux forces internationales, prévenant que de telles bavures risquent de retourner la population contre les soldats étrangers et le gouvernement.
 
Pour leur part, les forces internationales assurent tout mettre en oeuvre pour diminuer la possibilité de dommages collatéraux, mais la poursuite des bombardements meurtriers ces derniers mois a visiblement exaspéré le gouvernement afghan.
 
Dans une résolution adoptée lundi au nom de la "souveraineté de l'Afghanistan", le conseil des ministres mandate les ministres de la Défense et des Affaires étrangères pour "ouvrir des négociations avec les forces internationales", selon un communiqué.
 
Il s'agit de "renégocier les termes de la présence de la communauté internationale en Afghanistan", d'"établir les limites et les responsabilités des forces internationales conformément aux lois afghanes et internationales" et de "mettre un terme aux frappes aériennes visant des cibles civiles, aux perquisitions et aux détentions illégales de citoyens afghans".
 
Le conseil des ministres "condamne dans les termes les plus forts" les récents bombardements aériens ayant causé des pertes civiles.
 
"Le gouvernement afghan a discuté à de nombreuses reprises ce sujet avec les forces internationales, demandant l'arrêt des bombardements contre les villages afghans. Malheureusement, à ce jour, nos demandes n'ont pas été entendues, de plus en plus de civils perdent leur vie dans des frappes aériennes", a dénoncé le conseil.
 
Dans un communiqué distinct, le président Karzaï a appelé à un "consensus national" sur la question.
 
À Washington, un porte-parole du Pentagone, Bryan Whitman, a fait valoir lundi que le bombardement de vendredi était "une frappe légitime contre les talibans". Il a refusé de commenter le souhait du gouvernement afghan de renégocier les termes de la présence des forces internationales.
 
La présidence française de l'Union européenne (UE) a dit lundi avoir "appris avec consternation la mort de très nombreux civils" lors d'un bombardement vendredi dans l'Ouest de l'Afghanistan.
 
La Russie a exhorté lundi les forces de la coalition en Afghanistan à éviter des attaques comme celles de la semaine dernière, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
 
Vendredi, plus de 90 civils - principalement des femmes et des enfants - ont été tués dans un bombardement près du village d'Azizabad, dans le district isolé de Shindand, où les insurgés sont très présents, à quelque 120 km d'Herat, la grande ville de l'Ouest du pays, selon une commission d'enquête présidentielle afghane.
 
La coalition a ouvert sa propre enquête, après avoir déclaré vendredi que 30 insurgés avaient été tués.
 
Les violences ont redoublé d'intensité depuis près de 2 ans malgré la présence de 70.000 soldats de 2 forces multinationales, l'une de l'OTAN (Force internationale d'assistance à la sécurité, ISAF), l'autre sous commandement américain (Operation Enduring Freedom, OEF).
 
Le Conseil de sécurité des Nations unies vote tous les ans la prolongation du mandat de l'ISAF, qui expire en octobre prochain.
 
La volonté des autorités afghanes de renégocier les termes de la présence internationale survient alors qu'en Irak, sur l'autre front de la "guerre contre la terreur" lancée par les États-Unis, le Premier ministre Nouri al-Maliki souhaite parvenir à un accord avec les Américains selon lequel il n'y aura plus de troupes étrangères sur son sol après 2011.

Publié dans Révolutions

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