RSA : les gauchos en ont révé, Nénesse l'a fait. Et vlan ! na!
Elle est quand même bien dégoûtante notre droite décomplexée. Le petit timonier des otaries de droite a résolu de faire finalement fonctionner le grand dessein de son haut-commissaire aux affaires sociales, Martin Hirsch, d’une part en vidant le projet d’une bonne partie de sa substance, notamment en divisant par trois les prétentions budgétaires du projet, il n’est plus question que d’un milliard et demi d’euros par an, au lieu des cinq demandés par le haut-commissaire, mais aussi en tentant de nous faire croire que c’était de sa part un acte de contrition quasi-socialiste, puisque le financement de cette loi serait obtenu avec une nouvelle taxe foncière de 1,1% sur les bénéfices du capital. Et naturellement la presse est assez servile pour relayer ce coup tel qu’il lui a été présenté, une manœuvre audacieuse destinée notamment à faire la nique à ce que l’extrême droite appelle la gauche, c’est-à-dire la droite modérée, entendez le Parti Socialiste, partout dans les kiosques la semaine dernière, les titres étaient éloquents, Sarkozy donnait une leçon à la gauche, la gauche en avait rêvé, Sarkozy l’avait fait.
Ben voyons.
Loin de moi l’idée de vouloir donner une leçon à la profession, chacun son métier et les vaches seront bien gardées, mais croire sur parole le président des otaries de droite lorsqu’il prétend prendre des mesures de gauche, est pour le moins naïf. Le piège est tellement grossier, on vous dit regardez là, et pendant que vous regardez où on vous dit de regarder, on vous pique une frite, comme à la cantine.
Et c’est avec ce genre d’astuces de gamin que le président des otaries de droite enfume son monde. Regardez s’exclame-t-il, je taxe les revenus du capital pour financer une loi sociale. Et d’ajouter que ce ne serait pas les Socialistes qui en auraient fait autant. Evidemment ce n’est pas tellement à cela qu’il nous a habitué, du coup l’effet de surprise est total. C’est merveilleux comme ça marche, même que dans les rangs de la droite modérée, précisément pas socialiste, ils sont drôlement gênés aux entournures et les voilà qui mordent admirablement à l’hameçon et prennent des mines de types à qui on ne l’a fait pas : ce ne seront pas les foyers les plus riches qui financeront le RSA, qui eux ont plus d’un tour dans leur sac et parviendront toujours, notamment grâce au bouclier fiscal à échapper cette loi, mais les petits épargnants. Et là évidemment empoignade avec les rangs de la vraie droite, celle qui est vraiment à droite et qui pousse des cris d’orphaie, c’est honteux, ce sont toujours les riches — les pauvres ! — qui payent, et même contre-attaque vigoureuse, édito dans le Figaro — là je vous avoue cela devient franchement très dégoûtant — plutôt que de prendre le fruit de leurs épargnes à de bons Français courageux qui nul doute se lèvent tôt — un jour il faudra que quelqu’un dont c’est le métier, un sociologue par exemple, fasse une enquête sur les horaires effectifs de lever du petit peuple des otaries de droite, pour moi-même me lever fort tôt pour le travail depuis plus de vingt ans et de ce fait voyager dans les banlieues de très bon matin, je puis vous affirmer qu’il y a statistiquement à l’aube plus de lumières allumées dans les HLM des banlieues pauvres que dans les quartiers plus résidentiels notamment à l’Ouest de Paris par exemple — pour aller travailler davantage pour gagner pareil, alors qu’il suffirait de supprimer la CMU qui ne profite qu’aux étrangers en situation nécessairement irrégulière, ben oui on est décomplexé, on ose dire les choses ou pas, et, pendant qu’on y est qu’on supprime aussi la diffusion audiovisuelle à l’étranger qui ne sert à rien, et on l’a tout trouvé le milliard et demi dont a besoin le type du secours catholique — quelle idée aussi de s’être embarrassé d’un type aussi opiniâtre avec de vrais idéaux chrétiens ! — c’est quand même un métier très salissant éditorialiste au Figaro
Et le tour est joué. Ni vu ni connu. Là franchement, vous avez vu quelque chose ? Le joueur de bonneteau a encore frappé.
Pour ma part ce qui m’a mis la puce à l’oreille, c’était cette insistance sur le financement d’une loi. Parce que si la droite était vraiment préoccupée par le financement de ces petites lois merdiques cela se saurait — je ne vous donne qu’un seul exemple, la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, une merveille de coquille vide, j’ai le sentiment de la visiter tous les jours.
Alors en joueur d’échecs et de go un peu aguerri, je me suis tout de suite demandé ce que pouvait bien cacher ce vacarme à propos du financement de la loi sur le RSA, quel coup tordu sur l’aile-roi me préparait l’adversaire en faisant mine de masser ses forces sur l’aile-dame. Je n’ai pas du chercher très longtemps. C’était le contenu de la loi elle-même.
Et dans la loi elle-même, je n’ai pas eu non plus à fouiller des lustres. La loi prévoit, entre autres dispositions nécessairement pas très amènes, un renforcement des contrôles au domicile des allocataires, pour, notamment, évaluer la valeur du bien immobilier si l’allocataire en est le propriétaire et plus prosaïquement encore sur la qualité de son équipement multimédia, de même qu’il semble y avoir des dispositions permettant d’avoir accès aux informations émanant de leurs fournisseurs d’accès.
Tout ceci est tellement disant. Pour vous le traduire correctement, je vais devoir recourir à de vrais gros mots de droite. Les RMIstes — notez qu’on dit un "RMIste" ou un "SMICard", plus rarement un "ISFeux" — ne sont rien que des assistés qui profitent outrageusement du système, ce sont des cossards de première incapables du moindre effort, ça leur tombe tout cuit et n’allez pas croire que ces personnes vivent dans la misère, non, non, ils ont un ordinateur comme vous et moi et passent leur journée sur internet, ah si seulement ils employaient de telles énergies à chercher du travail..., bon j’arrête, je me sens très mal dans un corps de droite. Mais je retournerai volontiers ce dernier argument contre la droite, si sa propension à traquer les resquilleurs et les fraudeurs chez les revenus les plus bas était employée avec les mêmes vigueur et pugnacité chez les revenus les plus hauts, le pays bénéficierait de ressources fiscales remarquables et pourrait probablement se désendetter très rapidement. Et puis si les Caisses d’allocation se donnent les droits d’aller vérifier que les logements et les biens des allocataires sont en adéquation avec leurs si faibles revenus — et pourquoi faudrait-il qu’ils soient si faibles qu’on puisse effectivement les supposer dans une misère objective ? — est-ce qu’il ne serait pas logique, légitime et équitable que des contrôles tout aussi incisifs soient pratiqués sur les personnes les plus fortunées, histoire de vérifier que leur patrimoine et leurs ressources réels soient effectivement en adéquation avec les richesses déclarées aux impôts. Quant au soupçon immobilier, il dit à lui seul la compréhension statique des otaries de droite de ce qu’est la difficulté financière, allocataire un jour ne veut pas dire qu’en d’autres temps on n’ait pas réussi à devenir propriétaire ou encore que l’on ait pu hériter d’un toit ou plus patiemment encore remonter une ruine. Je sais, incompréhensible par une otarie de droite.
Et puis elle est singulière tout de même cette question si ciblée du multimédia, couplée à une manière de surveillance en provenance du fournisseur d’accès. Là aussi, il me faudra utiliser une langue de droite pour l’expliquer. Dans les RMIstes, il y a tout un tas de branleurs incurables qui se prétendent être des artistes et qui au lieu d’aller travailler comme tout un chacun n’en foutent pas une rame et de temps en temps badigeonnent ou je ne sais quoi d’autre et voudraient nous faire croire que c’est de l’art, et que si c’en était vraiment, ils exposeraient leurs œuvres, les vendraient et pourraient effectivement en vivre, de vrais artistes quoi... J’arrête à nouveau avant de vomir — terrible comme cette langue de droite fait mal à la gorge. N’empêche c’est absolument vrai, il y a de nombreux artistes en France qui vivent du RMI. Et si seulement cela pouvait leur servir de preuve à leur remarquable créativité, parce que parvenir à vivre du RMI, cela demande un vrai talent. Ou encore si cela pouvait démontrer une mauvaise fois pour toute qu’un artiste qui est suffisamment motivé par son travail d’artiste pour lui consacrer une existence faite d’aussi peu que les minima sociaux est effectivement un artiste qui n’a pas d’autre choix de vie, être un artiste. Et il y aurait à dire à propos de la véritable subversion d’une telle existence et le réel courage qu’il faut pour la mener.
N’empêche je m’interrogerai volontiers sur les souterrains qui relient apparemment dans la pensée de droite cette loi qui a recours aux données émanant des fournisseurs d’accès à internet à la loi DADVSI, mais on va encore me reprocher de voir le mal partout.
De même en fouillant un peu au sujet du RSA, et plus particulièrement de sa volonté de contrôles agressifs, j’ai découvert qu’à l’origine de cette lutte contre les fraudeurs, il y avait eu des histoires singulières, comme celle de la fille de Monsieur Pinault, milliardaire, qui avait, huit ans durant, touché le RMI. Aussi grotesque que cela puisse paraître, il semble que ce fait admirablement marginal ait joué un grand rôle dans la compréhension du RMI expliqué à des otaries de droite. Le même Monsieur Pinault s’était vanté de n’avoir déclaré aucun revenu imposable à la fin des années 1990, en toute légalité. Tradition familiale sans doute. Peignes-culs de droite de père en fille.
Pendant ce temps, les otaries de droite pérorent et tentent de nous faire croire à l’aide de pourcentages admirablement bidonnés, et même après ce travail de faussaire pour les rendre présentables on ne peut pas dire que ce soit la gloire, que notre pays est à l’abri de la vaste crise économique globale qui gronde, c’est vrai que les choses vont tellement bien qu’il faille coller un sparadrap sur une tumeur, parce que c’est exactement cela ce RSA, en vrai : un remède insuffisant à un mal profond.
http://www.desordre.net/blog/blog.php3?debut=2008-08-24#1777