L’Académie des sciences n’a pas osé inviter Monsanto...
Le 15 et 16 septembre 2008, l’Institut de France, Académie des Sciences, communique avec l’industrie pharmaceutique, chimique et agrogénétique, en organisant un colloque sur les OGM, avec des invités triés sur le volet et majoritairement favorables à la dissémination de ces technologies comme l’indique le titre même du colloque : "Le monde végétal
s’ouvre aux biotechnologies" (lien : http://www.academie-sciences.fr/...).
Après une première initiative suivant une campagne de promotion européenne des biotechnologies en 2001, cette dernière entreprise offre la nouveauté de donner la parole au militantisme proOGM avec un exposé du transgéniculteur
Claude Ménara. Toutefois, l’Institut n’a pas osé inviter la firme Monsanto... (lien : http://blogs.arte.tv/...
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L’Académie des sciences s’engage auprès d’intérêts mercantiles privés
Depuis la moitié des années 90, l’Académie des Sciences a laissé son indépendance d’esprit sur le bas-côté, en créant un partenariat mécénal avec les intérêts privés de l’industrie chimique et pharmaceutique, et en mai 2000, la fondation Institut de France-Aventis succédait ainsi à la fondation Rhône-Poulenc Institut de France, initiée en 1995. L’engagement de cette institution scientifique pour la promotion d’un certain développement industriel dénote l’aspect dorénavant politique qu’ont pris les institutions scientifiques censées être de référence, dans un pays démocratique comme la France. Aussi, le rapprochement de l’Institut de France avec une multinationale comme Aventis témoigne de la prise de position foncièrement idéologique dans laquelle s’est engagée cette institution scientifique actuelle au regard des biotechnologies.
La présentation du prochain colloque sur les biotechnologies végétales ne semble pas déroger à cette évolution historique, en ne laissant notamment pas entrevoir une réflexion basée sur des prises de position contradictoires de scientifiques, qui existent dans le pays, mais plutôt en s’inscrivant dans une planification d’une succession d’exposés magistraux destinés à renforcer l’idée générale du colloque, explicitement dévoilée dans le titre, à savoir la nécessité d’un développement industriel des OGM disséminés, et l’accréditation de cette idée, de cette imposition de produits manufacturés sensibles dans l’environnement, par voie de fait.
L’Académie des Sciences s’ouvre à l’industrie et communique sur l’ouverture du monde végétal aux biotechologies. En se positionnant idéologiquement au service d’un certain développement économique, l’Institut de France a montré que la rigueur scientifique et l’indépendance d’esprit qui l’accompagne nécessairement au niveau institutionnel ne sont plus d’actualité en France. La rupture entre les instances dirigeantes et les citoyens semblent de plus en plus nettes, alors qu’une majorité de citoyens dont beaucoup ont les connaissances scientifique générales, sans avoir besoin d’être spécialistes, pour refuser et dénoncer un modèle agricole et un système qui dessert la terre, l’environnement, et la population, en faveur d’un système compétitf établis par des marchés internationaux en constante concurrence. Or ce modèle de croissance est foncièrement et complètement différent de l’évolution biologique, de la croissance biologique elle-même et d’une bonne gestion agronomique des sols, au niveau de territoires artificiellement et culturellement fragmentés par des nations cloisonnées et fermées sur elles-mêmes, avec par la même occasion tous les conflits humains que cela implique. La politisation de l’Académie des Sciences a ainsi clairement montré l’échec institutionnel de la communauté scientifique dans ce pays démocratique.
Première journée : Les plantes dévoilent leurs secrets
Le colloque déjà prédisponible avant l’heure (sans les vidéos) sur le site gouvernemental de communication scientifique CanalU témoigne d’une planification bien orientée de la présentation de la problématique.
L’événement sera divisé en deux sessions d’une journée. La première, intitulée "Les plantes dévoilent leur secret", est composée de cinq séquences dont les deux premières : "Les génomes des plantes et leur évolution" et "Les plantes et la biodiversité"’ n’ont absolument aucun rapport avec le génie génétique appliqué aux plantes ni avec les techniques de transgénèse.
Les séquences suivantes concernant ensuite la "Domestication et l’amélioration des plantes", puis "La production végétale" ne concernent pas exclusivement les OGM, et la dernière séquence, en fin de journée, traite du principe de précaution de manière générale, et n’est animée que par une seule conférence, de Luc Ferry -dont on connaît les positions politiques grossièrement anti-écologistes-, contre trois à cinq conférences pour les quatre premières séquences, témoignant manifestement d’un manque d’intérêt affiché pour cette problématique et de l’absence de débat contradictoire ou tout au moins de pluralité de points de vue.
Aussi, malgré le titre directeur du colloque axé sur la biotechnologie végétale, une seule conférence prend ouvertement et directement pour objet les O.G.M cette première journée : "Propriété industrielle et OGM" de Nicole Bustin du Comité de la Protection des Obtentions Végétales, dépendant juridiquement du CPVO et de l’Union internationale pour la Protection des Obtentions Végétales (UPOV), dont la France est un pays membre, et dont le secrétaire général est également Président de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). L’on voit bien lors de cette première journée que le but est de planter le décor pour préparer plus avant l’idée de l’acceptation de la dissémination des OGM.
Seconde journée : Les OGM
En effet, la deuxième session le 16 septembre, intitulée sobrement "les OGM" apparaît comme la justification logique du terrain préparé la veille, à savoir l’imposition de l’idée que les OGM disséminés sont nécessaires et utiles, comme l’indique encore une fois le titre explicite du colloque.
Outre les habitués de ce genre de communication, comme Marc Fellous, interviewé dans l’investigation journalistique "OGM : l’enquête qui accuse", on peut signaler la prise de parole la veille, de Jean-Pierre Décor de la multinationale pharmaceutique Aventis pour parler des pesticides. Le colloque offre la parole également à un intervenant de la multinationale agrochimique DuPont, Anthony Killey, et à un membre du département d’état d’agriculture américain (USDA) dont on connaît la position impérialiste et proOGM dans le monde, et la manière dont il a permis la prise de décision concernant les réglementations favorables aux OGM disséminés aux Etats-Unis, en 1992, depuis le travail d’enquête de Marie-Monique Robin. D’après les archives du New-York Times, Dennis Gonzalves a travaillé dans le développement des plantes transgéniques par le passé pour l’Upjohn Company, entreprise pharmaceutique américaine du Michigan aujourd’hui détenue par la multinationale Pfizer. L’effort de propagande des compagnies pharmaceutiques mondiales en faveur des OGM disséminés s’explique en effet par les intérêts industriels potentiels en jeu, notamment la culture irresponsable de molécules médicamenteuses en plein champ, de manière non confinée, appelée la moléculture ou biopharming.
La séquence numéro 2 de cette journée de propagande proOGM culmine enfin avec la conférence d’un transgéniculteur militant, Claude Ménara, déjà habitué des plateaux de télévisions comme dans le cadre de l’émission "C à dire" sur France 5, et qui y affirmait notamment, concernant un autre sujet environnemental grave et d’intérêt public, que "les abeilles ne meurent pas", ne semblant pas être au courant du syndrôme plus que préoccupant dans le monde d’effondrement des colonies d’abeilles ou Collapse Colony Disorder.
Ce colloque annoncé depuis plusieurs semaines par les hautes instances scientifiques du pays, apparaît finalement comme une propagande générale pro-OGM qui ne laisse pas l’Académie des Sciences grandie, en montrant une nouvelle fois que les intérêts industriels et les idéologies associées dirigent les présentations des problématiques scientifiques concernant la société toute entière, par une institution censée représenter et incarner une indépendance d’esprit irréprochable, ainsi qu’une rigueur scientifique, tout en alimentant un débat citoyen, à l’image de nombreux chercheurs lanceurs d’alertes dans le monde, refusant d’être affiliés aux intérêts privés d’entreprises, au sein d’un système de compétition économique et d’intérêts nationaux dont les excès ont déjà montré leur caractère dévastateur pour l’environnement et la santé publique par le passé.
Crédit image : Documentaire "La fin des chimères ?", Les Films du Réveil.