H. Karzaï blâme « l'Occident » pour l'extrémisme islamique
Le résultat de trente ans d’ingérence américaine dans les affaires de l’Afghanistan
La propagande utilisée pour justifier l’occupation menée par les Etats-Unis en Afghanistan évite typiquement toutes explications des origines des tendances comme Al-Qaïda, le mouvement taliban et d’autres groupes islamistes qui résistent aux troupes américaines et à l’OTAN. Les promoteurs de la prétendue « guerre au terrorisme » veulent faire croire que les Etats-Unis et leurs alliés combattent des fanatiques religieux qui n’ont aucun appui dans le pays et qui sont motivés par une haine inexplicable et irrationnelle de la civilisation occidentale.
En de rares occasions, cependant, quelqu’un dévie du discours officiel et attire l’attention sur les faits historiques concernant l’extrémisme islamiste actuel que Washington et ses alliés préfèrent ne pas mentionner. Une de ces occasions fut une entrevue réalisée le 19 août par le magazine Time avec un très proche allié américain — Hamid Karzaï, l’homme qui fut installé par l’administration Bush comme président de l’Afghanistan en 2002.
Défié par le Time par une question sur comment un ennemi qui n’a « que l’annihilation comme but » peut être combattu, Karzaï s’est senti obligé de noter que la situation actuelle était le sous-produit du soutien américain, dans les années 1980, pour la création d’une armée de fondamentalistes islamiques destinée à déclencher un djihad ou une guerre sainte contre un régime pro-soviétique en Afghanistan et entraîner l’armée soviétique elle-même dans un conflit de guérilla qui dura une décennie.
Karzaï a dit au Time : « Pour arrêter le terrorisme, nous devons remédier aux méfaits des 30 dernières années. Remédier veut dire réparer. Le monde nous [les djihadistes afghans] a poussé à combattre les Soviétiques. Et ceux qui l’ont fait sont partis et ont laissé tout le désordre se répandre. Le 11-Septembre est la conséquence de cela…
« Dans les années de combat contre les Soviétiques, le radicalisme était une chose essentielle. Quelqu’un comme moi était qualifié de demi-musulman parce que nous n’étions pas radicaux. Le plus radical on était, le plus d’argent on recevait. Le radicalisme est devenu non seulement une arme idéologique contre les Soviétiques, mais une voie économique vers l’avant. Le plus radical on se présentait, le plus d’argent l’Occident on recevait de l’Occident. »
Lorsque le Time a protesté que « ce n’était pas seulement l’Occident ; mais l’Arabie saoudite, le Pakistan », qui avaient fomenté l’extrémisme islamiste en Afghanistan, Karzaï a répondu : « Ils étaient menés par l’Occident. Les modérés étaient affaiblis. L’histoire afghane et le nationalisme étaient appelés athéisme. Plus on parlait de radicalisme, mieux on te traitait. C’est ce que nous payons maintenant. »
Karzaï est intimement familier avec l’appui des Etats-Unis pour les djihadistes afghans dans les années 1980. Il a dirigé le bureau de Sebghatullah Mojadeddi, le chef d’un des groupes moudjahidines et sans aucun doute lié à la CIA et d’autres officiers américains. Son amertume par rapport à la politique américaine provient du fait que la faction de Mojadeddi était vue comme « modérée » par rapport aux « radicaux » qui ont reçu la plus grande part du gâteau de l’appui financier.
À partir de 1979, les Etats-Unis ont poussé leurs alliés comme l’Arabie saoudite et le Pakistan à donner de l’aide militaire et de l’aide financière aux insurgés afghans à tendance islamiste comme un moyen d’affaiblir l’Union soviétique. Combinés aux fonds américains directs, jusqu’à 2 milliards de dollars étaient versés chaque année, le projet afghan de la CIA fut, de loin, la plus grande opération en sous-main de toute la Guerre froide.
Le plus grand bénéficiaire de l’aide américaine durant les années 1980 fut le Hezb-e-Islami de Gulbuddin Hekmatyar, qui aurait reçu jusqu’à 600 millions de dollars en armes américaines et en argent. Une autre personne avec qui la CIA avait travaillé étroitement était Jalaluddin Haqqani, un commandant de guérilla qui avait construit une grande force militaire dans les provinces de l’ethnie pachtoune du sud de l’Afghanistan.
Au même moment, de grands montants d’argent provenant d’Arabie saoudite étaient utilisés pour financer les camps auxquels des milliers de militants islamistes prirent part. Ces militants provenaient des quatre coins de la planète et ont participé aux camps de 1985 à 1992. Une des personnalités principales impliquées dans ce qui allait être appelé « La base », ou Al-Qaïda en Arabe, était Oussama Ben Laden, le fils d’un milliardaire saoudien. Même si la CIA nie avoir déjà travaillé avec les combattants étrangers ou les « Arabes afghans », ses prétentions ne sont pas crédibles. Al-Qaïda était partie intégrante de tout le djihad anti-soviétique, dans lequel la CIA a collaboré étroitement avec les agences de renseignements pakistanaises et saoudiennes.
par James Cogan